Film après film, P.T.A. (Paul Thomas Anderson) trace sa route. Du « raide » (!) Boogie Nights
à l'alambiqué Magnolia,
de l'inattendu Punch-Drunk Love (ivre d'amour)
à l'excellent There will be blood,
on reconnaît la patte du réalisateur à son univers hermétique et complexe, à la courbe d'apprentissage abrupte, à la psychologie et aux sentiments exacerbés, à la sexualité toujours présente, exutoire des frustrations d'anti-héros.
The Master ne déroge pas à la règle. Là où le titre et le résumé pourraient laisser imaginer une dénonciation des dérives sectaires, prolongeant les passages de « Tom Cruise
sérieux » aperçus dans Magnolia,
on trouve finalement un film sur les ravages de la guerre sur les hommes.¹
Alcool, Armée, Addiction … il y a du Voyage au bout de l'enfer dans The Master.
Mais au lieu de dépeindre les effets de la guerre sur l'esprit, le film nous les fait vivre en nous mettant en situation. Le spectateur non averti mettra, comme le héros, un certain temps à comprendre qu'il est tombé dans une secte. Mais y sera finalement indifférent. Il se demandera si le parcours initiatique vécu au cours du film n'est pas un rêve. On vit la folie du héros, son impossible reconstruction.
« If you figure a way to live without serving a master, any master, then let the rest of us know, will you? For you'd be the first person in the history of the world. »²
L'une des grandes qualités du film est son imprévisibilité. À aucun moment on ne peut entrevoir ce qu'il va advenir de notre héros. Il ne faut d'ailleurs pas chercher à tout comprendre, ce qui donne un certain côté lynchien au film. La présence ponctuelle de Laura Dern
(Blue velvet,
Sailor et Lula,
Inland Empire)
contribue à cet effet.
Tous les acteurs, citons également Amy Adams, sont au sommet de leur art. La photo est magnifique. On notera que The Master
est le premier film tourné en 65 mm depuis le Hamlet
de Kenneth Branagh
et qu'il a été enregistré sur support argentique et non numérique.
On notera la présence parmi les suppléments du remarquable documentaire de John Huston, Let there be light
(Que la lumière soit). Sorti en 1946, il porte sur la thérapie de certains soldats traumatisés par la guerre.
À partir d'avril 1942, John Huston sera mobilisé par l'U.S. Army dans le détachement Signal Corps. Là, il signera, sous son nom, trois documentaires militaires dont celui-ci. Effrayés par la dureté du film, les autorités décidèrent, à l'époque, de ne pas le distribuer. Les spectateurs ne purent visionner ce document que, lors du Festival de Cannes 1981, dans la section Un certain regard³.
___
¹: L'Église de Scientologie, se sentant visée, aurait d'ailleurs harcelé la société de distribution de The Master.
²: « Si tu trouves le moyen de vivre sans subir un maître, n'importe quel maître, alors dis-le nous. Tu serais le premier dans l'histoire du monde. »
³: source Wikipedia
Une volonté de produire une oeuvre très originale, deux excellents acteurs principaux, une mise en scène de qualité (comme la photographie), sont des atouts pour The master. Mais à mon avis, l'excès d'originalité produit un ensemble peu crédible sur la durée. Cela fait "cinoche" et irréel. Et puis on s'ennuie ferme… C'est une oeuvre qui aura des adeptes, mais qui ne plaira pas au plus grand nombre de spectateurs. Un spectacle de niche pour initiés.
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