Chacun a sa vision de la fin du monde. Un bouton sur le nez pour les uns, une voiture qui ne démarre pas pour les autres. Nous vivons tous, tous les jours, notre petite fin du monde mesquine qui enquiquine.. tout le monde. Abel Gance, lui, s'offre les moyens de sa démesure. La fin du monde
de Gance,
ce n'est pas Le Choc des mondes.
C'est une folie plus intime, parfaitement Gancienne. Comme dans Tintin et l'île mystèrieuse, une comète va heurter la terre et il en sera fini de nous. C'est un physicien de renom qui l'annonce : Victor Francen,
mauvais comme un cochon comme à son habitude, et pourtant indispensable au cinéma comme bien d'autres étrangetés dans ce domaine, est ce savant au regard de fou qui veut s'offrir une dernière belle et grande idée avant l'apocalypse. Faire de ce cataclysme une bonne raison de réconcillier tous les hommes de bonne volonté. Il veut créer la République Universelle que devront mettre en oeuvre les survivants. Plus de conflits, de famine, de différences de toutes sortes. La paix totale. La justice pour tous. Un monde parfait. A quelques petites choses près, le programme de Hollande avant l'heure.
Les yeux sont hagards, les visages d'une pâleur très Gancienne, les phrases ampoulées et les effets de manche théâtreux à souhaits . Pourtant le muet n'est pas loin qui s'invite encore par instants. Et Abel Gance démarre son oeuvre avec un message bien clair, bien martelé : On va tous crever mais rassurez vous, Dieu existe. Et il insiste Abel
! Car c'est flagrant, La fin du monde
n'est qu'un prétexte à un prosélytisme un peu lourd sur l'existence de Dieu. Passons outre celà parce que le film devient vite passionnant. En effet, si on oublie les deux ou trois petites intrigues énamourées, que se passe t'il quelques heures avant la fin du monde ? Bien sur que ça bouge partout à travers la planète. Et là, Abel gance se sert de ses petits jouets préférés : Décors carton très pâte, faux monuments tremblotants avec, en autres, une Tour Effeil d'une maigreur à faire peur. Et il incorpore dans son film des petits bouts de documents rapportés par je ne sais quels explorateurs de l'époque. De la négresse à plateau térrorisée faisant rentrer ses petits de toute urgence dans sa case jusqu'à la panique des pingouins sur leur glacier de l'Atlantique Nord survolé par des Maquareux et des Guillemots affolés, sentant leur fin venir. Les grosses bassines sont de sortie pour simulation de tempête sur l'océan et la maison Blanche à Washington tombe comme cendre de mon cigare. C'est la fin du monde
made in Gance
! Et cette tourmente est accentuée par l'arrivée d'une énorme mappemonde qui tourne de plus en plus vite pendant que défilent, à l'intérieur, les visages de tous les pays martelant que c'est la fin et….qu'il faut s'en remettre à Dieu. La fin du monde
est là et on lui doit bien ça..
La comète arrive…Le film et la panique (sauf à Paris, ils ne sont plus conscients de rien) prennent de la vitesse ! Nous ne sommes plus dans le précis de Un grand amour de Beethoven ou la rigueur de son Napoléon.
C'est l'épouvante, le désarroi, la folie façon Gance
qui tourne à plein régime. C'est envoutant ! Un vertige ! Avec trois bouts de ficelle. La fameuse et merveilleuse ficelle Abel Gance
! Mais pas de bol: La comète passera beaucoup plus loin que prévu et nous loupe d'un cheveu. C'est le cas de dire puisque sa chevelure était de trois cent mille Kilomètres. Pourtant, on se surprend à penser qu'un cheveu sur notre pauvre soupe aurait peut-être était nécéssaire…La comète frôlant la terre causera quand même des dégâts. Les petits joujoux de Gance
feront encore merveille. Et un immense crucifix apparaitra. Et Un homme, barbu, bien pâle et si maigre, semblant murmurer à qui veut comprendre, sourira..
Et le mot "Fin" apparaitra comme pour nous dire : On est bien d'accord ?
Faut voir..
Ma parole, mais il y a une dame aux seins nus dans ce film de 1931 !? Moi qui croyait que la sulfureuse (ainsi que mystérieuse) Hedy Lamarr avait été la première, avant-guerre… Que faisait la censure ? C'est vrai qu'avec la fin du monde, elle se disait peut-être que ce n'était plus la peine…
Certes (l'image est irréfutable, comme l'éléphant chez Alexandre Vialatte) Gance en 1931 filme un sein nu. Mais un sein ! Babioles que tout cela ! Hedy Lamarr
fut bien la première, en 1933, à se présenter toute nue (je ne pense pas devoir vous faire un dessin, ami Arca ?). Et Mlle Lamarr
n'est pas du tout une inconnue, comme vous faites mine de le croire. Surnommée la plus belle femme du monde (mâtin !) elle est la Dalila de Cecil B. DeMille
dans le péplum fameux où Samson est interprété par Victor Mature.
Gance (qu'au contraire de Tamatoa je ne tiens pas en grande estime) était tout de même un certain innovateur dans le domaine qui nous occupe là : dans Lucrèce Borgia,
en 1935, il offre à l'œil égrillard des scènes de bain où la ravissante Edwige Feuillère
ne cache rien du tout… D'où ma déception lorsque j'ai vu sa Tour de Nesle
avec l'opulente Silvana Pampanini
où j'estime avoir été grugé dans un fort mauvais film, de surcroît, sans aucune des fastueuses orgies que le titre laissait espérer.
«Et Mlle Lamarr n'est pas du tout une inconnue, comme vous faites mine de le croire.»
Mais non mais non mais non : j'ai dit que Hedy Lamarr était sulfureuse et mystérieuse, pas du tout inconnue ! Il n'y a qu'a voir son brumeux regard pour constater que j'ai (comme toujours) raison. J'aurais pu ajouter langoureuse et capiteuse. Et licencieuse, aussi, car au fond je suis bien content, voire soulagé, d'apprendre que son exploit n'avait pas été devancé par une figurante – au demeurant fort accorte – d'un film d'Abel Gance
!
Je pensais que mon pamphlet sur ce film (étonnant !) allait paraitre long et ennuyeux. Mais voilà qu'une vague histoire de nichons ravive le débat. Ce soir, je me projette Les Petites écolières et je vous tiens au courant…
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