Très beau film tourné sur les lieux mêmes, qui nous montre la fin de Versailles par le petit bout de la lorgnette, celui du quotidien des serviteurs et de ces innombrables couloirs obscurs et chambrettes cachés derrière les dorures officielles. Le contraste avec les lieux d'apparat (galerie des glaces, Trianon, jardin…) n'en est que plus frappant.
Lea Seydoux est formidable dans le rôle de cette petite servante qui n'existe qu'à travers l'attention que lui porte la reine. Par un jeu tout en subtilité et par ses regards, elle montre son dévouement corps et âme et son amour envers sa souveraine, malgré les frustrations et les déceptions.
Virginie Ledoyen campe avec une beauté dévastatrice, désinvolte et calculatrice une Madame de Polignac dont on ne s'étonne pas qu'elle fasse souffrir son entourage et attise la haine des révolutionnaires.
Les seconds rôles sont parfaits et contribuent à la sensation de se trouver sur place pendant les évènements.
Quant à Diane Kruger, elle crève l'écran en Marie-Antoinette. J'ai rarement vu une actrice aussi crédible dans ce rôle difficile et contrasté, d'une minute à l'autre frivole, hautaine, emportée, désespérée, fière, attentive ou oublieuse des autres. Physique, charisme, et même son accent qui cette fois trouve toute sa place dans le rôle de "l'Autrichienne"…
Elle avait été une des bonnes surprises de Troie
dans le rôle d'Hélène, cause de la guerre, assistant à la chute d'une nation partiellement par sa faute… La voici en Marie-Antoinette assistant à la décadence de l'Ancien Régime en ayant aussi sa part de responsabilité… A 3000 ans d'intervalle, le parallèle entre les deux reines était osé mais le talent de la belle Diane le révèle…
Unité d'action, de lieu, de temps (quatre jours) pour ces Adieux à la reine qui donneraient envie d'ouvrir le roman éponyme de Chantal Thomas, en même temps d'en rester à la souveraine composition de Lea Seydoux, à l'interprétation de Virginie Ledoyen, de Diane Kruger, royale.
13 juillet 1789, Versailles se vide, la monarchie d'Ancien régime a vécu, le film déroule quatre journées : la domesticité s'étourdit encore mais la cour vit la fin de règne, s'angoisse des rumeurs, craint la violence du peuple
La lectrice de la reine – que compose Lea Seydoux – en son attachement profond, tremble pour sa souveraine fantasque, préoccupée du sort royal autant que de son amour pour la duchesse de Polignac ; sensible à l'inconditionnel dévouement de sa lectrice mais qu'elle soumet aussi à ses caprices.
Les coulisses dépouillées vouées au personnel contrastent avec les appartements de la reine : un monde chatoyant de soieries et de désirs féminins, aussi intensément que chastement dépeint, un rendu magnifique d'intense attraction sensuelle, d'émotion vive entre ces trois femmes.
Ce Versailles condamné, déliquescent – que met en philosophie le vieux chroniqueur du château – s'éclaire de la beauté de la lectrice: son insigne dévouement qui va jusqu'à mettre en jeu sa vie -sur ordre de la reine- pour préserver la duchesse de Polignac.
L'affleurement magnifique des sentiments dans le regard de cette noble jeune femme, aux origines mystérieuses irradie ces images où l'Histoire est dangereusement présente mais comme en partie reléguée par le jeu poignant des destins personnels.
L'intrigue du film est ingénieuse et appropriée, même si la légende du saphisme de Marie-Antoinette est une invention des buveurs de sang de la Terreur. En tout cas Diane Kruger et Virginie Ledoyen
sont bien séduisantes et Léa Seydoux
excellente actrice. Mais ce n'est pas de l'Histoire, cela…
Toute oeuvre romanesque retraçant la vie privée de personnages historiques est une fiction, il ne faut pas l'oublier. Qu'en est-il du saphisme de la reine ? Il faudrait avoir vécu à ses côtés dans ses boudoirs pour le savoir… Et encore le film montre-t-il une Marie-Antoinette entichée de sa dame de compagnie sans préciser s'il s'agit de sentiments platoniques ou s'il y a eu "passage à l'acte" !
En tout cas, on en parlait à l'époque, si c'est une invention elle n'est pas récente. Il s'agit donc d'une hypothèse ni plus ni moins respectable qu'une autre. Curieusement, lorsqu'on prête dans les films ou les romans une aventure consommée à Marie-Antoinette avec le bel Axel de Fersen, on n'assiste pas aux mêmes réactions de mise en garde contre l'imagination des scénaristes ou des écrivains. Pourtant, il s'agit tout autant de romanesque et de fiction car on ne sait pas historiquement ce qui s'est réellement passé entre eux…
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