L'exaspérant et indispensable peuple britannique sait, aux moments graves de son histoire, aux moments où il pourrait sombrer, se donner des dirigeants d'une qualité, d'une hauteur de vue, d'une envergure exceptionnelles.
Ce n'est pas parce que ça fait rarement notre affaire, à nous Français, qu'il faut nier cette évidence et éviter d'admirer quelques grands bonshommes, Disraeli, Gladstone, Lloyd George, Churchill et, évidemment, Lady Thatcher.
Le film qui lui est consacré n'est pas un film politique. Il ne resitue pas l'action de la Dame de fer dans ses perspectives idéologiques, et, à peine, dans son environnement historique. Il décrit la lente descente aux enfers du Docteur Alzheimer d'une très vieille femme dont le maître-mot, durant toute son existence aura été Obstination, terme à sens double, positif ou négatif, selon les lieux, les temps, les perspectives et les préférences.
La Dame de fer n'est pas un très bon film, à mes yeux : trop haché par des flash-backs continuels et mal rythmés, affublé de la fausse bonne idée de faire perpétuellement surgir, aux côtés de l'octogénaire lasse, un mari pimpant, ironique, fantaisiste, insignifiant et nécessaire mais qui n'est que prétexte facile à déhéroïciser – si je puis dire – l'action de Margaret Thatcher.
Mais, comme par hasard, les meilleures et les plus fortes séquences sont les plus dramatiques, les plus graves, les plus marquées par l'Histoire : les attentats sanglants de l'IRA, les grèves insurrectionnelles, la guerre des Malouines…
Je ne connais pas plus que ça Mme Meryl Streep, dont je n'ai dû voir au cinéma que l'enquiquinant Out of Africa
; on en dit grand bien dans les gazettes et il paraît que c'est une grande actrice ; je l'admets bien volontiers, si l'on considère que bien jouer est se couler dans le moule d'une imitation à peu près parfaite de la dégaine d'un personnage historique. Je ne me suis presque pas ennuyé au long des deux heures du film…
Mais enfin… Nous avons, aujourd'hui, si peu d'hommes (et donc de femmes) de caractère que j'aurais préféré qu'on insistât davantage sur celle qui parlait de la fierté d'être britannique après avoir envoyé à l'autre bout du monde la Home fleet pour conserver deux îlots battus par les aigres vents de l'Atlantique sud…
Ce qui me gêne énormément chez cette dirigeante, c'est qu'elle fit preuve d'une grande intransigeance vis à vis de ses opposants, tout en étant très complaisante vis à vis des bourdes énormes de son fils. Un personnage incohérent, mais elle a pour excuse d'avoir hérité à son arrivée au pouvoir d'une situation politique et économique difficile. Personnage fort de l'Histoire, peut-être, mais elle ne la marquera pas comme un Churchill (qui lui, continue d'impressionner aujourd'hui par la justesse de ses analyses sur son époque et les évènements liés).
Pour qu'un personnage politique de premier plan devienne une figure historique, il faut aussi qu'il rencontre les circonstances dramatiques qui lui feront acquérir ce statut.
Si Georges Clémenceau n'avait pas croisé, en 17, la Grande guerre et n'avait pas gagné le conflit par sa haine de la renonciation et du défaitisme, il serait resté un homme d'Etat important, mais nullement mythique, seulement connu pour avoir créé les Brigades du Tigre et avoir brisé des grèves.
La guerre des Malouines n'est, évidemment pas, la bataille d'Angleterre, mais je suis persuadé que, placée aux affaires, Margaret Thatcher n'eût pas déparé cette Grande-Bretagne qui, de juin 1940 à juin 1941 supporta à elle seule le sort et l'avenir du monde.
Ce qui me séduit en Margaret Thatcher, ce n'est évidemment pas son libéralisme économique, que je tiens pour nuisible et, en tout cas, nullement adapté aux besoins du monde actuel. C'est sa résistance aux diktats du politiquement correct et sa capacité de ne pas céder, elle qui incarnait l'État, aux chantages de la faiblesse, qui sont la plaie de la modernité. Si Mr. Bobby Sands veut faire la grève de la faim, qu'il la fasse. Et qu'il en subisse les conséquences jusqu'à leur terme logique. Ce n'est pas à la force légitime incarnée par l'État de céder, devant une revendication. Ce qui fut fait, et ce qui permit ensuite d'ouvrir des pourparlers. On ne négocie bien qu'en position de force. C'est La clémence d'Auguste.
On est assez rassuré quand on a à sa tête un chef comme ça, qui ne va pas capituler à la moindre menace.
Cela dit, j'y reviens, le film est médiocre.
« Si Georges Clémenceau n'avait pas croisé, en 17, la Grande guerre et n'avait pas gagné le conflit par sa haine de la renonciation et du défaitisme, il serait resté un homme d'Etat important, mais nullement mythique, seulement connu pour avoir créé les Brigades du Tigre et avoir brisé des grèves. »
Ah là, vous exagérez, cher Impétueux. Que faites-vous de l'excellente Loi de séparation de l'Église et de l'État, à la fois bouclier et couvercle de fer posé sur la poubelle anti-dreyfusarde ? Et quand bien même Clémenceau serait-il mort en 1894, son nom ne serait certes pas oublié grâce à son célèbre et percutant discours de fin 1893 contre Ferry et le colonialisme, qui brillera à jamais en lettres de feu dans le ciel de la Raison ! Quand on tournera le film sur Clémenceau, il faudra absolument faire la grande scène de ce discours que je me retiens à très grand peine de ne pas citer ici in extenso !
Je préfère largement la rusée Angela Merkel à madame Thatcher. Les britanniques ont du mal (comme les français) à trouver des dirigeants politiques de premier plan. Nos dirigeants français de ces trente dernières années n'ont pas été des stratèges économiques, accumulant déficits et chômage de masse ! Par contre, les allemands ont toujours su trouver des dirigeants de premier plan -après la seconde guerre mondiale évidemment- (n'en déplaise à Werner Fassbinder qui s'en prend au modèle économique de son pays). Ces allemands, excellents sur un plan économique, ont en revanche été très mauvais sur un plan écologique (c'est le revers obligé de la médaille). Ce sont des sujets traités dans les films de Stephen Frears,
Ken Loach,
Fassbinder,
et bien d'autres (moi, un jour si je me lance dans la réalisation de films, mais avec mon simple caméscope c'est peu probable)…
Mais je réponds, Arca, que le nom de Clémenceau n'eût pas brillé, s'il avait disparu avant 14, plus haut que celui d'Émile Combes ou de Pierre Waldeck-Rousseau, pères, bien plus incontestables de la Loi de séparation qui, à l'usage, ne s'est pas, effectivement révélée trop mauvaise.
Et je réponds à Vincentp que l'Allemagne, longtemps nain politique, après l'écrasement de 45, a eu beau jeu de ne pas prendre sa part des affaires du monde et s'est fait du blé sur le dos du reste de l'Europe.
Ce n'est pas dans la gestion économique que se révèle une grande figure : ceci dépend trop de la conjoncture, des variations des marchés, des mouvements de fond et de fonds, et tutti quanti : c'est lorsque la menace effective de la guerre ou du terrorisme survient qu'on juge le courage. Si Israël, d'ici quelques semaines, détruit les sites nucléaires iraniens, si, ce qui est douteux, l'Islam sunnite des arabes se solidarise avec l'Islam chiite des Perses, on verra bien si les Étasuniens ont eu raison d'élire Obama en 2008…
Mais revenons au film ; vous aviez entendu parler de Meryl Streep depuis Out of Africa,
vous ?
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