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Forum : L'Affaire Farewell

Sujet : Passionnant... et le Carré avait raison


De Arca1943, le 30 mai 2011 à 11:58
Note du film : 5/6

J'ai lu quelque part que L'Affaire Farewell était un film d'espionnage "à l'ancienne". L'expression n'a de valeur que si l'on considère l'absence de gunfights (c'est-à-dire de fusillades) et de car chases (c'est-à-dire de poursuites en bagnoles). Et ni Emir Kusturica, ni Guillaume Canet ne retirent brusquement leur visage pour révéler qu'ils étaient en réalité Martin Landau ou Tom Cruise.

Aux spectateurs solipsistes à la Tarantino, pour qui la référence à la réalité n'existe plus hors du cinéma, j'imagine que Opération Tonnerre et L'Espion qui venait du froid sont juste "deux styles différents" de films. En fait, si Le Carré est un auteur de fiction, ses oeuvres de la Guerre Froide, sont bien plus vraisemblables, plus proches de la réalité. (De la quoi ? demande Tarantino).

C'est pourquoi j'ai pensé à John Le Carré (et aussi à Martin Cruz Smith) pendant ce film d'espionnage français qui est aussi la reconstitution historique d'un point tournant de la Guerre Froide. D'autant qu'à la fin, quand le cadre de la CIA (Willem Dafoe) fait son discours à Canet, surgit un retournement de l'intrigue qui semble sorti tout droit d'un roman… et qui est pourtant vrai.

Les interprètes de François Mitterrand (Philippe Magnan) et Ronald Reagan (Fred Ward) ont fourni un effort estimable pour ne pas verser dans la caricature. Moscou n'est pas trop folklorisée et le régime communiste tirant sur sa fin me semble adéquatement décrit. (Les immenses statues qu'on y aperçoit existent-elles encore ?).

Le film repose presque entièrement sur les épaules de ses deux interprètes principaux. Emir Kusturica en colonel Grigoriev qui "vit dans le mensonge" est fameux. Guillaume Canet en homme ordinaire entraîné dans une histoire extraordinaire ne l'est pas moins. La réalisation minutieuse et discrète leur donne tout l'espace nécessaire.

Le genre de film qui permet de comprendre un peu mieux le monde où nous vivons.


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De vincentp, le 26 janvier 2017 à 17:38
Note du film : 3/6

Petite déception pour ma part. L'histoire est très intéressante, mais ne creuse pas suffisamment certains aspects à mon sens (l'impact des fuites soviétiques). Les disputes conjugales me paraissent sans grand intérêt, et la fin du récit (le récit de Willem Dafoe) très peu crédible. Je me suis un peu ennuyé… On pourra toutefois avoir un ressenti plus positif, car le film est réalisé avec soin (décors intérieurs et extérieurs, prises de vue…), et les acteurs sont bons.


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De Impétueux, le 19 juin 2023 à 14:50
Note du film : 3/6

Voici l'adaptation romancée – mais sérieusement faite – d'une histoire vraie, d'une entourloupe qui a contribué à faire éclater le système soviétique vermoulu, qui parvenait pourtant à terroriser tout le monde occidental. Une histoire d'une grande complexité. Le film de Christian Carion demande à être suivi avec une grande attention, comme tous ceux qui s'approchent avec réalisme des guerres de l'ombre, si déterminantes apparemment, pour l'avenir du Monde. Des coups tordus, des trahisons, des renversements de situations, des mystères vastes comme des continents, du billard à douze bandes. Et des mystères irrésolus encore aujourd'hui.

Et pourtant, lorsque l'on regarde l'excellent passionnant supplément du DVD, on constate que le réalisateur a volontairement épuré, résumé, simplifié la réalité de l'affaire. Ce supplément fait intervenir plusieurs des protagonistes français et russes de l'affaire qui donnent leur point de vue, leur vérité pourrait-on dire. Des gens qui ouvrent des pistes. Des pistes qui ne sont ni certaines, ni sûres, ni achevées, d'ailleurs. Demeurent encore de belles quantités de zones ombreuses qui ne seront sans doute jamais éclairées. C'est assez excitant, non ?

Il me paraît peu intéressant d'essayer de recenser toutes les incertitudes dans un simple avis sur un film ; je prends donc le parti de suivre son orientation. Je note toutefois que le véritable agent Farewell, du nom de Vladimir Vetrov, n'était pas ou pas seulement un patriote russe désespéré par la décadence et l'enkystement bureaucratique de l'Union soviétique, mais un aigri endetté, ivrogne, violent et débauché (sa femme plus encore que lui) qui a trahi son pays pour l'argent.

Mais dans le film Sergueï Grigoriev (Emir Kusturica, parfait), colonel du KGB agit par idéalisme exalté. Comme dans la véritable histoire, cela le pousse à agir avec une incroyable imprudence, en rien conforme à toutes les règles des services secrets ; c'est d'ailleurs peut-être cette suite d'imprudences – si invraisemblables mais si réelles – qui lui permettront de passer longtemps à travers des gouttes.

Du côté occidental, les improbabilités sont plus fortes encore. Le contact est un jeune ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment (Guillaume Canet), en rien destiné à suivre les cheminements compliqués des services spéciaux. Il croit d'abord ne faire que rendre service à son patron direct chez Thomson-CSF, Jacques (Marc Berman) en récupérant une enveloppe de documents. Mais peu à peu, c'est l'engrenage, l'enfermement dans la logique du secret, surtout vis-à-vis de sa femme Jessica (Alexandra Maria Lara).

L'affaire Farewell montre habilement la montée des tensions et des dangers, les angoisses de plus en plus fortes, les risques de plus en plus importants. Le régime soviétique est en train de s'effondrer de l'intérieur mais en méchante bête blessée, il mord encore avec férocité. C'est l'époque de la fin de Brejnev, des courtes parenthèses d'Andropov et de Tchernenko avant l'arrivée du liquidateur Gorbatchev. À l'Ouest, les grandes manœuvres sont aux mains de François Mitterrand (ici interprété par Philippe Magnan) et de Ronald Reagan (Fred Ward). Le film jongle habilement entre la vie dangereuse de Grigoriev/Kusturica et Froment/Canet et les décisions géopolitiques prises au sommet.

Excellentes interprétations ; une mention particulière pour Niels Arestrup qui incarne remarquablement Vallier, directeur de la sécurité du territoire (DST) ; des moments de suspense réussis comme le passage de la frontière finlandaise par la famille Froment qui fuit Moscou. Et l'incertitude – qui perdure – sur le sort de Grigoriev/Farewell encore aujourd'hui.


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