J'ai lu quelque part que L'Affaire Farewell était un film d'espionnage "à l'ancienne". L'expression n'a de valeur que si l'on considère l'absence de gunfights (c'est-à-dire de fusillades) et de car chases (c'est-à-dire de poursuites en bagnoles). Et ni Emir Kusturica,
ni Guillaume Canet
ne retirent brusquement leur visage pour révéler qu'ils étaient en réalité Martin Landau
ou Tom Cruise.
Aux spectateurs solipsistes à la Tarantino, pour qui la référence à la réalité n'existe plus hors du cinéma, j'imagine que Opération Tonnerre
et L'Espion qui venait du froid
sont juste "deux styles différents" de films. En fait, si Le Carré
est un auteur de fiction, ses oeuvres de la Guerre Froide, sont bien plus vraisemblables, plus proches de la réalité. (De la quoi ? demande Tarantino).
C'est pourquoi j'ai pensé à John Le Carré (et aussi à Martin Cruz Smith)
pendant ce film d'espionnage français qui est aussi la reconstitution historique d'un point tournant de la Guerre Froide. D'autant qu'à la fin, quand le cadre de la CIA (Willem Dafoe)
fait son discours à Canet, surgit un retournement de l'intrigue qui semble sorti tout droit d'un roman… et qui est pourtant vrai.
Les interprètes de François Mitterrand (Philippe Magnan) et Ronald Reagan (Fred Ward)
ont fourni un effort estimable pour ne pas verser dans la caricature. Moscou n'est pas trop folklorisée et le régime communiste tirant sur sa fin me semble adéquatement décrit. (Les immenses statues qu'on y aperçoit existent-elles encore ?).
Le film repose presque entièrement sur les épaules de ses deux interprètes principaux. Emir Kusturica en colonel Grigoriev qui "vit dans le mensonge" est fameux. Guillaume Canet
en homme ordinaire entraîné dans une histoire extraordinaire ne l'est pas moins. La réalisation minutieuse et discrète leur donne tout l'espace nécessaire.
Le genre de film qui permet de comprendre un peu mieux le monde où nous vivons.
Petite déception pour ma part. L'histoire est très intéressante, mais ne creuse pas suffisamment certains aspects à mon sens (l'impact des fuites soviétiques). Les disputes conjugales me paraissent sans grand intérêt, et la fin du récit (le récit de Willem Dafoe) très peu crédible. Je me suis un peu ennuyé… On pourra toutefois avoir un ressenti plus positif, car le film est réalisé avec soin (décors intérieurs et extérieurs, prises de vue…), et les acteurs sont bons.
Il me paraît peu intéressant d'essayer de recenser toutes les incertitudes dans un simple avis sur un film ; je prends donc le parti de suivre son orientation. Je note toutefois que le véritable agent Farewell, du nom de Vladimir Vetrov, n'était pas ou pas seulement un patriote russe désespéré par la décadence et l'enkystement bureaucratique de l'Union soviétique, mais un aigri endetté, ivrogne, violent et débauché (sa femme plus encore que lui) qui a trahi son pays pour l'argent.
Mais dans le film Sergueï Grigoriev (Emir Kusturica,Du côté occidental, les improbabilités sont plus fortes encore. Le contact est un jeune ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment (Guillaume Canet), en rien destiné à suivre les cheminements compliqués des services spéciaux. Il croit d'abord ne faire que rendre service à son patron direct chez Thomson-CSF, Jacques (Marc Berman)
en récupérant une enveloppe de documents. Mais peu à peu, c'est l'engrenage, l'enfermement dans la logique du secret, surtout vis-à-vis de sa femme Jessica (Alexandra Maria Lara).
Excellentes interprétations ; une mention particulière pour Niels Arestrup qui incarne remarquablement Vallier, directeur de la sécurité du territoire (DST) ; des moments de suspense réussis comme le passage de la frontière finlandaise par la famille Froment qui fuit Moscou. Et l'incertitude – qui perdure – sur le sort de Grigoriev/Farewell encore aujourd'hui.
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