Que se passe-t-il quand un metteur en scène de renom rencontre une chanteuse agaçante ? Ici, pas grand chose avec pourtant une belle promesse en début de film. Vanessa Paradis a d'abord été un phénomène de foire en babillant, très jeune, une promenade dans le taxi d'un certain "Joe". Puis endossant le côté Lolita elle fit quelques ravages chez les ados et quelques gros cochons avant que de se lancer dans le cinéma. Jean-Claude Brisseau comprit vite l'émoi que pourrait susciter auprès des hommes mûrs la relation d'une pas encore Femme avec un déjà vieux Monsieur. Noce blanche eut un public très ciblé et un succès en demi-teinte auprès de la gent féminine. Ensuite, il nous a semblé la voir un peu partout. Même sur des affiches où elle n'était pas (!)..(pardon Alex…)

Quand Jean Becker voulut transformer l'essai de son collègue, la chanteuse avait perdu son côté troublant et jouait maintenant dans la cour des garces. Élisa n'est plus une gamine. Même si le film nous conte la blessure imprescriptible d'une enfance déchirée, c'est bien une femme qui, habillée au plus léger les trois quarts du film, part sur les traces de l'ombre d'un père. Dans un premier temps, et carrément dans une toute première moitié du film, Jean Becker nous "dévoile" Élisa. Égarée dans une vie sans pour autant en avoir perdu le Nord, c'est une revancharde têtue qui s'agite avec le souvenir d'une mère qui a mit fin à ses jours et celui de grands parents qui ont provoqué cette perte. Élisa est une mémoire qui marche, qui se débrouille, qui vole, qui trompe, en attendant le retour de l'ombre sacrée. Et toute cette première partie de film n'est pas loin de l'excellence. Bien menée, avec des situations quelques fois fort drôles même dans les moments troubles à la limite du malaise. La scène dans l'hôtel avec l'ancien tortionnaire de sa mère est assez mémorable. Le minable côtoie le ridicule qui lui-même frise la nausée. Et un gag vient ponctuer la scène pour nous ramener à de meilleurs sentiments. Élisa est un film qui tangue entre la douleur et l'ironie. C'est une longue plainte qui avance derrière des boucliers de sourires, de clins d'œil. En attendant un éventuel retour du Dieu Père. Il ne reviendra pas. Elle ira donc le chercher.

Et là, démarre un second film… Et nous tombons, la crinière de Depardieu au vent, dans le glauque, le n'importe quoi. Tout ce qui était structuré se désassemble. Le film se casse. On ne sait pas pourquoi, Jean Becker veut faire dans un pathos grandiloquent et inutile. L'ennui arrive alors aussi vite que la curiosité nous était parvenue dans la première partie. Élisa, bien sûr, redevient enfant en retrouvant son père, mais tout cela sent le frelaté. C'est un autre film, une autre histoire. Un peu comme si, au beau milieu du film, on avait changé le metteur en scène qui, lui-même ne se serait pas inquiété de la genèse de l'histoire. Et la belle envolée de la première heure laisse place au grotesque. Dommage…

Quelques acteurs accomplis viendront faire ce qu'ils pourront pour donner à ce demi-succès, demi-échec par force, une couleur à la Becker. Ne vous attendez pas à ce que l'ombre de Gainsbourg plane . Sa chanson éponyme ne retentira qu'au générique de fin. Et d'ailleurs, elle n'a aucun rapport, de près ou de loin, avec l'histoire… Une histoire poignante, qui méritait une autre fin que ce bâclage en règle. Étonnant Becker…

Substantiellement d'accord avec vous, Gilou40, sur la bizarre tonalité de ce film mal foutu, qui commence bien et finit dans un ridicule et obscène délire.

Beaucoup moins sur l'aversion que vous avez des talents de Vanessa Paradis ; de chanteuse – mais ceci est affaire d'un autre goût, d'un autre site – mais aussi d'actrice : La fille sur le pont, un des plus beaux Leconte, dans son Noir et Blanc somptueux, la présente au plus extrême de sa beauté acide, et lui permet de montrer un talent exemplaire.

Il est vrai que ça commence à dater…