La réinvention du roman d'espionnage par l'écrivain britannique John Le Carré atteint vraiment son apogée avec la trilogie La Taupe (Tinker, Tailor, Soldier, Spy)
, Comme un collégien et Les Gens de Smiley. Quand l'excellente minisérie avec Alec Guinness
fut conçue, on était encore en pleine Guerre Froide. Mais aujourd'hui elle est révolue : alors, je souhaite bonne chance aux auteurs, car ça devient de la reconstitution historique, et pas seulement pour une affaire de costumes ou de bagnoles : il faut rendre "l'atmosphère politique" qui régnait à l'époque en Occident, sinon la pâte ne pourra pas lever… Tout un contrat.
Ça ne saurait tarder. Dès que mon club vidéo la reçoit… et en espérant qu'il y ait au moins des sous-titres français…
Je n'ai toujours pas The Company à mon club vidéo, mais concernant ce nouveau film tiré de l'oeuvre de Le Carré, je constate que l'étau se resserre : Ralph Fiennes,
Gary Oldman
… Hum. Il faut absolument que ce film soit un succès, comme ça on pourra tourner ses deux suites obligées: Comme un collégien et l'apothéose Smiley's People, fascinante partie d'échec à distance entre le vieil espion George Smiley et l'évanescent Karla, chef des services secrets soviétiques.
Dans mon souvenir, c'est une merveille. Alec Guinness EST Smiley !
Je suis allé voir ce film.
On sort de la salle sans être certain d'avoir tout compris mais en appréciant la qualité de l'image, le jeu brillant et très froid des acteurs, l'ambiance de l'époque si bien restituée. Les subtilités de l'intrigue importent peu, l'essentiel n'est pas là. L'immense scène du film est celle de la fête du service, décomposée en plusieurs temps (le chant de l'hymne russe, Gary Oldman qui prend conscience de certaines infidélités, le regard entre la taupe et son futur assassin…) et dont les séquences s'intercalent plusieurs fois dans le déroulé du film. Le procédé est très bien trouvé.
C'est idéal, c'est tout simplement parfait. L'univers d'espionnage de John Le Carré – qui soit dit en passant a lui-même travaillé au MI-6, tout comme Graham Greene –
n'avait jamais été aussi bien porté à l'écran depuis L'Espion qui venait du froid.
Et l'intrigue, comme le souligne Gary Oldman
en entrevue, est tout ce qu'il y a de linéaire ! Il suffit de suivre vu sa chronologie morcelée. Le chasseur de scalps (exécuteur des basses oeuvres) Ricky Tarr tombe amoureux d'une Irina qui veut passer à l'Ouest en échange d'un GROS renseignement. Mais il reçoit un message du Cirque qui, comme il le dit, "cherche à gagner du temps". Jim Prideaux se prend une balle (et des mois d'interrogatoire à la sauce KGB) parce que la taupe a renseigné les services soviétiques. Tout ce que veut savoir Karla avec l'interrogatoire de Prideaux, c'est jusqu'où vont les soupçons de Control (John Hurt)
quant à l'existence d'une taupe. Tout se tient, tout est rapport de cause à effet, des petites aux grandes choses, jusqu'à et y compris l'infidélité d'Anne. (Anne dont on ne voit jamais le visage, comme pour Karla !)
LA réplique du film, c'est Guillam demandant à Smiley, au sujet de Karla, l'insaisissable chef du Centre de Moscou que Smiley a rencontré une seule fois, en 1955 (et qui lui a volé son briquet) : « À quoi ressemblait-il ? » Et Smiley répond : « Je ne m'en souviens pas. » Et le plan sur le visage de Oldman dure un tout petit peu. C'est que Karla, alter ego soviétique de Smiley est, exactement comme Smiley lui-même, l'espion suprême : celui dont on oublie le visage aussitôt qu'on l'a vu !
D'ailleurs, c'est bien simple : j'ai beau savoir que c'était Gary Oldman qui jouait Smiley, maintenant que le film est terminé je ne me rappelle carrément plus quelle tête il avait…
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