Forum - Le Fanfaron - "Le monde est rempli de Bruno Cortona"
Accueil
Forum : Le Fanfaron

Sujet : "Le monde est rempli de Bruno Cortona"


De PM Jarriq, le 4 juin 2004 à 10:10
Note du film : 5/6

Enfin dispo en DVD, un des chefs-d'oeuvre de Risi qui n'a pas pris une ride. Porté par Gassman en état de grâce, quintessence du "mâle" italien, séducteur, indélicat, insupportable, drôle et pathétique, le film se déroule de façon picaresque, presque au petit bonheur (il semble d'ailleurs bien plus long que ses 1 H 40). Trintignant est parfait en faire-valoir et quelques séquences (la visite dans la famille du jeune homme, entre autres) sont d'une profondeur inattendue. Portrait d'un homme, d'un pays, d'une époque, un grand film vraiment.

A noter que dans mon exemplaire, apparaît une barre noire en haut à gauche de l'écran, pendant les 3/4 de la durée du film. Est-ce général ?


Répondre

De Impétueux, le 26 février 2005 à 20:03
Note du film : Chef-d'Oeuvre

J'ai acheté le DVD, lorsqu'il est sorti, parce qu'il était couplé avec Les monstres que j'avais vu et infiniment apprécié….

Par curiosité (et intérêt bien compris : ça coûte bonbon, les DVD, tout de même !) j'ai mis un jour le disque dans mon lecteur… et passé l'impression désagréable d'entendre Trintignant avec une voix qui n'est pas la sienne (mais nous avons déjà beaucoup glosé sur ces contraintes de coproduction), je suis allé de surprise en tendresse, de tendresse en émotion, d'émotion en bouleversement.

Nous avons tous, c'est vrai, pour des raisons qui tiennent à nos histoires personnelles, à nos caractères, à notre état d'esprit du moment, une raison de nous attacher à un livre ou à un film qui, précisément, dépassent la raison et nous font garder gravement en nous cette lecture ou cette vision ; mais je tiens ce Fanfaron pour une des plus belles révélations qu'en cinquante ans de cinéphilie (j'ai commencé très tôt) le DVD m'ait récemment donné…


Répondre

De Arca1943, le 26 février 2005 à 20:13
Note du film : Chef-d'Oeuvre

« Le monde est rempli de Bruno Cortona » – Dino Risi

Si je n'ai pas encore envoyé mon message, auquel je travaille depuis des mois, sur cette comédie à l'italienne que je tiens pour un des meilleurs films de l'histoire du cinéma, c'est d'abord parce que les mots me manquent pour décrire une telle perfection et ensuite parce que, comme il est disponible en DVD, je tend à concentrer mon tir sur les sommets du genre qui – scandale abominable – sont toujours dans les boîtes.

Mais je n'ai pas renoncé : ça viendra…


Répondre

De Impétueux, le 26 février 2005 à 20:36
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Dispensez vite aux amateurs férus de Dino Risi le commentaire exhaustif et pertinent auquel ils estiment avoir droit !

Mais – j'y reviens ! – quelle merveille de sensibilité et d'intelligence que ce Fanfaron !


Répondre

De vincentp, le 25 juillet 2005 à 22:16
Note du film : Chef-d'Oeuvre

J'adhère à votre point de vue !

Etude de caractères renversante de brio, très beau portrait de l'Italie de l'après-guerre, mélange de sérieux et de déconnade -tant du point de vue de la réalisation que de l'interprétation…et aussi un film qui propulsa sur orbite terrestre la comédie italienne.

In mémoriam !

J'ajoute un petit point de vue qui n'engage que moi : je vois là une variation transalpine d'une thématique développée très tôt dans le cinéma, notamment outre-manche, à une autre époque, par Hitchkock : 'jeune et innocent', à savoir une étude de caractères qui se greffe sur un périple automobile, celui-ci nous décrivant de façon fine et enjouée les relations sociales au sein d'un pays à un moment donné.


Répondre

De Arca1943, le 22 mai 2006 à 16:37
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Je commence à être jaloux. Comment fait-on pour noter "chef-d'oeuvre"? Il y a un détail quelque part que je suis trop poire pour comprendre… Ah ben, non, ça y est, eureka. Bon, maintenant que j'ai dit que c'était un chef-d'oeuvre, qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire? Quelque chose m'échappe dans l'alchimie de ce film. Je continue donc de travailler sur mon message annoncé il y a plusieurs mois !


Répondre

De paul_mtl, le 22 mai 2006 à 16:42
Note du film : 6/6

Bravo Arca, tu as reussi a trouver. :D Pour les autres, ca se passe dans la liste preferée avec la note 7/6.

Excellente performance de Gassman dans cette comedie dramatique mais le jeune boulet francais J-L Trintignant empeche de décoller vers le chef d'oeuvre quand il est sensé s'amuser avec son compere de fortune (grimaces).


Répondre

De Arca1943, le 22 mai 2006 à 16:49
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Absurde, bien sûr. La création du timide Roberto est une des interprétations les plus réussies de Trintignant. Et plus la narration progresse d'un incident à l'autre et d'une révélation à l'autre, plus on réalise à quel point Bruno est timide; et plus on réalise à quel point Bruno Cortona est un monstre. Ce n'est pas du tout censé être un tandem comique.


Répondre

De paul_mtl, le 22 mai 2006 à 17:07
Note du film : 6/6

Hahahaha.

Bruno Cortona n'est ni un monstre et ni un ange, c'est un humain avec ses qualités et défauts.

Je sais bien que ca te change du dualisme simpliste americain Noir et blanc, le bon et le méchant.

Ca n'existe pas, tout est gris plus ou moins foncé ou clair suivant les individus.

La culture italienne induit sur la mentalité italienne et pour la comprendre le mieux

c'est un long sejour parmi les italiens.

Sinon le risque est grand de faire une mauvaise interpretation de l'idée originale de l'auteur.

Maintenant c'est une lecture possible et qui t'appartient.


Répondre

De Arca1943, le 22 mai 2006 à 17:12
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Dino Risi décrit même Bruno Cortona comme "un fasciste". C'est toi qui ne les connais pas, les intentions de l'auteur. D'ailleurs le monstre est le matériau de base de la comédie à l'italienne.


Répondre

De paul_mtl, le 22 mai 2006 à 17:23
Note du film : 6/6

Et tous les facistes etaient des monstres ?

Dino Risi voulait initialement devenir medecin (psychiatre) et pas exterminateur de monstres/mechants a la Rambo.

Le matériau de base de la comédie à l'italienne c'est l'humain avec ses petits défauts qui font rire.


Répondre

De Arca1943, le 22 mai 2006 à 17:50
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Ce qui fait rire, c'est – entre bien d'autres choses – que le "monstre" de comédie à l'italienne réunit en un seul personnage les défauts qui généralement sont répartis entre une bonne douzaine de personnes ! C'est un des effets de "miroir grossissant" satirique les plus courants. La création de Cortona prépare le terrain, par exemple, à Manfredi dans Affreux, sales et méchants, Sordi dans Un Bourgeois tout petit, petit ou Le Grand embouteillage, et bien sûr toute la brochette interprétée par Gassman à partir du Fanfaron, où son "type" comique s'infléchit par rapport à ce qu'il était dans Le Pigeon et La Grande guerre.


Répondre

De Impétueux, le 22 mai 2006 à 19:19
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Cher Arca, ou bien je vous comprends mal, ou bien je ne vous suis pas ; la séduction de Bruno Cortona n'est pas vaine et ses défauts, si immenses qu'ils sont, ne le rendent pas pour autant détestable ! Vous me direz – et vous l'avez écrit très opportunément sur le fil de Mes chers amis je crois – que c'est bien là une des caractéristiques du talent des scénaristes de la comédie italienne : le spectateur s'aperçoit trop tard que le personnage qui l'a fait rire et qui le touche est une canaille (le personnage d'Ugo Tognazzi – le comte Maschetti, en l'espèce).


Répondre

De Arca1943, le 22 mai 2006 à 20:10
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Vous me direz – et vous l'avez écrit très opportunément sur le fil de Mes chers amis je crois que c'est bien là une des caractéristiques du talent des scénaristes de la comédie italienne : le spectateur s'aperçoit trop tard que le personnage qui l'a fait rire et qui le touche est une canaille.

C'est tout à fait ça ! Il est impossible de repousser l'humanité de Cortona; cela dit il entraîne Roberto vers sa destruction. Roberto représente une Italie "de province" qui est en voie de disparition tandis que Cortona incarne le boom économique triomphant; mais en même temps le film nous dit que ce nouveau bien-être n'est qu'une façade qui donne sur le vide. Il n'y a pas de lecture univoque. Cela dit, ce flamboyant unhappy-end est là, selon moi, pour coincer le protagoniste en flagrant délit, les culottes baissées comme on dit au Québec, pour faire tomber son masque une bonne fois : c'est un dangereux irresponsable. « Le monde est plein de Bruno Cortona », disait Dino Risi, et ça n'est pas rassurant du tout. Je suis fasciné par la façon diabolique dont les narrateurs dosent l'information sur le personnage : au départ c'est un m'a-tu-vu à grosse voiture, et puis ensuite on apprend que c'est un escroc, et puis ensuite qu'il a gardé pour lui l'argent que sa femme lui avait donné pour le divorce, et entre temps aussi qu'il est raciste (la jeune touriste noire américaine qui lui demande des indications et qui se fait répondre "Au revoir Blanche-Neige!"), et puis il emprunte de l'argent à Claudio Gora (son futur gendre) et puis ça n'arrête pas, un véritable feu roulant !

Et puisque vous parlez de Mes chers amis, notez le parallèle entre la femme de Gassman dans Le Fanfaron et celle de Noiret dans le film de Monicelli : c'est un peu le même personnage, le personnage qui n'est pas amusé, qui reste de glace tandis que le spectateur se marre…


Répondre

De paul_mtl, le 22 mai 2006 à 23:28
Note du film : 6/6

Sans doute que le scenario de Risi etait un peu plus sombre originellement mais Gassman amene une humanité, une complexité avec son jeu, sa presence qui enrichit le propos je trouve.

On appelle ca le langage du corps qui peut nuancer, relativiser le propos.

Le personnage est un pere divorcé qui voit peu sa fille. il est egoiste mais a aussi des remords.

Il voit un jeune garcon timide qui a le même age que sa fille, enfermé a étudier par une belle journée. Il veut le sortir, lui montrer la vie en même temps qu'avoir un compagnon de sortie avec qui discuter de son divorce, de sa fille qu'il voit rarement. Une amitié se lie entre les deux. Il n'incarne que la réussite d'apparence avec sa voiture de sport car il doit emprunter de l'argent et a du garder l'argent du divorce destiné a son ex-épouse.Il est dans une situation financiere délicate. Il prend bcp de risques en voiture et echappe miraculeusement alors que son compagnon n'a pas cette chance.

Quand a la blague sur Blanche Neige, Disney c'est americain comme la touriste. Ca joue aussi sur sa couleur de peau.Est il pour autant raciste, je suis pas convaincu.


Répondre

De Impétueux, le 23 mai 2006 à 13:21
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Mmouais, Arca…vous ne me convaincrez pas, ou pas tout à fait, malgré le brio de votre argumentation !

Nous avons tous connu, je pense, un de ces types à la fois insupportables et séduisants, qui nous font quelquefois commettre les pires sottises, dont on voit bien – ou dont on croit voir – qu'ils n'ont pour nous qu'une sympathie très artificielle, très superficielle, et qui pourtant nous fascinent et nous enrôlent dans leur sarabande…

Et si je suis tellement sensible à ce film – pourtant découvert tout récemment, deux ou trois ans à peine – c'est sans doute parce que, plus semblable quand j'étais jeune à Roberto (Trintignant) qu'à Bruno (Gassman) je n'aurais sûrement pas détesté être propulsé dans le tourbillon !

Évidemment, ça se serait mal terminé. Et alors ?

Quant à la plaisanterie que vous qualifiez de raciste…je ne vous suis pas : on ne pourrait évidemment pas, en 2006, se conduire ainsi ; mais je peux vous jurer qu'en 1962, ce genre de propos – idiot, je vous le concède – n'avait pas d'autre caractère que "chambreur", en tout cas en Europe… Idiot, aberrant, tout ce que vous voulez, mais sûrement pas agressif et consciemment blessant…

Merci, néanmoins pour le parallèle entre les femmes de Cortona et de Maschetti : c'est vrai, elles ne rigolent pas ! Mais qu'est-ce que ça change ? Les amis de Maschetti – par lâcheté, par égoïsme – se fichent bien que les petites estivantes soient en chaussures de tennis dans la neige ou se réchauffent à la tiédeur de la conduite des chiottes…

Très ému, je découvre que ce message est le millième que je dépose sur DVDToile ! Qu'il arrive sur le fil du Fanfaron est un de ces hasards tendres et miraculeux qui m'enchantent…


Répondre

De Arca1943, le 23 mai 2006 à 13:41
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Je ne vais pas tenter de vous convaincre plus avant, parce que – pour utiliser un terme devenu passe-partout après avoir sévi dans une certaine vulgate universitaire – voilà un film éminemment « polysémique » ! Je me rappelle une discussion à n'en plus finir, sur un autre forum voilà quelques années, au sujet des deux manières d'interpréter la conclusion de Au nom du peuple italien (un autre Risi vraiment formidable). Mais comme je ne peux pas révéler cette conclusion – d'autant qu'il s'agit aussi de la "solution" d'un récit en forme de roman policier – je ne pourrai pas vous prouver que j'avais raison et mon interlocutrice, tort !

Pour ce qui est du parallèle entre la femme de Gassman dans Le Fanfaron et celle de Noiret dans Mes chers amis, ce qui m'accroche c'est que ce "type", ce personnage ne peut exister que dans le contexte de ce genre de comédies-là, où l'on fait constamment la navette entre la farce et le revers de la farce. Ça introduit dans l'action une sorte de contrepoint, celui d'un personnage qui trouve que la situation n'est pas drôle du tout.


Répondre

De Impétueux, le 23 mai 2006 à 18:12
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Vous avez la charité de ne pas me mettre le nez dans mon erreur de lecture, pour la comparaison des femmes sacrifiées : j'ai – trop vite – compris "femme de Maschetti" (Tognazzi) alors que vous disiez, c'est-à-dire "femme de Perozzi" (Noiret) : votre propos était bien plus subtil et cohérent que je ne l'avais sottement interprété !

L'excellente Milena Vukotic, femme de Maschetti, est, en effet beaucoup plus pathétique et moins distanciée !


Répondre

De verdun, le 23 mai 2006 à 19:18
Note du film : 6/6

Je le découvert il n'y a pas très longtemps en effet et je vais vous donner un scoop: c'est un grand film !!

Et il est vrai qu'il y a quelque chose de magique qui imprègne ce film qui, je ne sais plus où je l'ai lu, a inspiré Easy rider.

Difficile de trouver un modèle aussi parfait de la comédie italienne, cette fameuse comédie qui mêle les rires aux larmes, nous emmène sur la route du rire pour nous livrer une des fin les plus étonnantes de l'histoire du cinéma.

Mais ce qui emporte peut-être le plus l'adhésion ici, c'est la justesse des deux archétypes qui nous sont présentés: le jeune étudiant timide qui va connaître un voyage initiatique inattendu et bouleversant et le "sorpasso" intrépide mais intelligent, qui lui aussi va être changé.Ils sont totalement opposés donc totalement complémentaires.Et c'est du caviar pour Vittorio Gassman et Jean-louis Trintignant, absolument merveilleux l'un comme l'autre.

Difficile de dire ce qu'il faut penser d'un tel film tant il brasse des émotions différentes: l'humour, la sensualité (la scène du slow), la solidarité, la compétition, la force, la faiblesse,la tragédie. C'est un va-et-vient constant entre sérieux et ironie, rigueur et liberté.

Et c'est toute la liberté, toute la vie qui est ici exposée et une liberté qui émancipe mais a aussi des limites cruelles… Dino Risi est aussi un grand cinéaste de la mélancolie comme en témoigne son chef-d'oeuvre crépusculaire Valse d'amour.

Donc c'est un film simple et inépuisable, un chef-d'oeuvre évidemment.. qui peut changer une vie, la faire voir différemment. Et pour une fois qu'un chef-d'oeuvre du cinéma italien est disponible en dvd, on va en profiter pour faire tourner le disque régulièrement..


Répondre

De lych666, le 30 mai 2006 à 13:10
Note du film : 6/6

Etrangement, un plan (peut-être insignifiant) m'a marqué dans cet excellent film que j'ai vu récemment:

Sur la plage, quand Roberto traverse la foule des danseurs et (jolies) danseuses, on peut voir danser une jeune fille agée de 12-13 ans au maximum et à l'arrière plan, un jeune garçon d'a peu près 10 ans est assis devant elle et la regarde fixement. Ensuite, la caméra s'attarde en gros plan sur ce visage au regard fixe.

Dans le rythme du film, ce plan de coupe sur le visage du jeune garçon semble avoir de l'importance, peut-être est ce juste une mauvaise interprétation de ma part, mais pour moi, ce regard traduit une sorte de frustration mélée de désir, que l'on retrouve chez Roberto qui est pourtant beaucoup plus vieux. Comme si ce plan voulait mettre encore plus en évidence que Roberto à beaucoup de temps à rattraper dans le domaine des filles et du plaisir qui s'y attache, comme si il avait gaché de nombreuses années sans se décoincer.

Je ne sais plus si ce plan arrive juste avant ou après que Roberto essaie de joindre au téléphone la fille qu'il désire depuis longtemps et à qui il n'osait parler jusqu'à présent mais, à ce moment, je pense qu'il est réveillé de sa timidité gràce notament à Bruno, une sorte d'instituteur déchu de l'école de la Dolce Vita, qui entraine Roberto dans la tornade de l'insouciance.

Après, je vais peut être chercher trop loin, en tous cas, c'est l'effet que ça m'a fait.

D'autre part, je me suis moi même surpris à entendre mon coeur battre plus vite par anticipation de la fin (volontairement prévisible, je pense, dans la dernière minute du film).

J'apprécie beaucoup ces films où les personnages nous entrainent avec eux, ils ont leurs défauts mais on ne peut que s'y attacher et peut-être s'y identifier.

Dans un autre registre, j'adore aussi Les Valseuses que j'ai dû voir au moins quinze fois, qui a peut-être moins de profondeur que Le Fanfaron mais que j'ai trouvé tout aussi jouissif.


Répondre

De Werther, le 8 février 2007 à 10:02

Salut Lych,

Je ne crois pas du tout que tu ailles chercher trop loin. En effet, ce film est truffé de magnifiques scènes suggérées uniquement par la caméra qui s'arrête une seconde de trop sur une scène qui pourrait apparaître insignifiante au spectateur trop pressé.

Je n'avais pas remarqué la scène à laquelle tu fais allusion du gros garçon qui regarde la jeune fille danle danser sur la plage, avec un regard de Trintignant en miroir à sa propre histoire.

En revanche, si tu remontes en amont du film, rappelle toi la premier restaurant où Roberto s'arrête avec avec Bruno manger une soupe de poisson et que Bruno drague la serveuse, si belle, si sauvage.. et monte avec elle dans une chambre de l'auberge, mais redescend sans être parvenu à ses fins.

Roberto est seul, assis à table, la serveuse en question est en train de nettoyer la salle à manger et le regarde avec insistance…Roberto est gêné, et là , sorti de nulle part, un petit garçon en culottes courtes et aux mèches blondes parfaitement coiffées… long plan, Roberto le regarde… miroir une nouvelle fois : Roberto se sent comme ce petit garçon (peut être lui-même petit) lorsque cette femme le regarde… Il n'est pas achevé, il n'est pas encore un Homme, et c'est Bruno qui va lui permettre au cours du film de le devenir .

On pourrait s'amuser à relever mille scènes du film où un simple jeu de regards (notamment entre Catherine Spaak ou sa mère et Roberto) exprime tellement sous peu qu'on y fasse attention…

Depuis le Fanfaron j'ai vu de nombreux beaux films italiens et aucun ne m'a donné un telle pêche et joie de vivre…


Répondre

De Gaulhenrix, le 8 février 2007 à 10:30

Excellentes, vos remarques, lych666 et Werther concernant ces "plans de coupe" ou cet effet "miroir". C'est, en effet, pour moi, l'essence du cinéma et la marque des grands réalisateurs que de proposer une émotion ou une réflexion par le seul pouvoir des images et de leur assemblage.

J'avais apprécié ce talent, entre autres, dans Plein soleil de René Clément, dans Psychose d'Hitchcock, Dans A la folie… pas du tout de Laetitia Colombani et L'Homme du train de Patrice Leconte. Cf. le forum concernant ces films.


Répondre

De monella, le 1er mai 2008 à 18:18
Note du film : 6/6

Aie, comment ai-je vécu 22 longues années sans voir ce film ?

C'est chose faite désormais, et j'ai du mal a m'en remettre.


Répondre

De tietie007, le 2 juin 2016 à 18:55
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Road-Movie culte, qui a influencé le Easy Rider de Hopper, Il Sorpasso narre le périple d'un duo sur les routes de l'Italie d'après-guerre. Un Gassman gigantesque, dans sa Lancia Aurélia, des clins d'oeil de Risi au cinéma de l'époque, d'Antonioni à Bardot, et des personnages truculents, comme le vieux paysan auto-stoppeur !


Répondre

De Impétueux, le 2 septembre 2017 à 17:25
Note du film : Chef-d'Oeuvre

On se demande, d'abord, où Dino Risi veut nous conduire : l'opposition entre deux personnages aux personnalités et aux tempéraments parfaitement dissemblables est un procédé très traditionnel, très classique et d'une certaine façon très facile. Et même le voyage automobile sans destination précise, ce road movie de 1962 dont le réalisateur, dans l'entretien du DVD, dit, sans doute à juste titre, qu'il en a inspiré l'idée à Dennis Hopper pour Easy rider (1969) est, finalement, une variation moderne des récits picaresques depuis longtemps dispensés par la littérature. C'est bien cela, primitivement : une distorsion entre les caractères de deux compagnons de rencontre, l'un hâbleur, goujat, effronté, insupportable, l'autre réservé, timide, coincé, rangé, lancés dans un parcours commun où chacun réagira selon sa pente jusqu'à ce que quelque chose se passe.

Et pourtant, dès les premières images, dès que la caméra fonce à travers les rues vides du quartier moderne cossu de Balduina à Rome, sous la musique jazzy frénétique de Riz Ortolani, embarquée dans la Lancia Aurelia décapotable (trois symboles clairs du miracle économique, qui tourbillonne à plein régime et qui commence à cliver l'Italie, à en révolutionner la marche), on se sent déjà fasciné. Dans la fournaise de l'été romain, rencontre improbable de Bruno Cortona (Vittorio Gassman) et de Roberto Mariani (Jean-Louis Trintignant). D'emblée, les rôles sont posés et tout autant par la faconde épuisante de Cortona que par sa façon d'occuper le terrain (ah ! la manière dont il s'accoude à la fenêtre de la chambre du discret étudiant, emplissant à lui seul l'espace !).

Observons, au fait, que c'est davantage du point de vue de Roberto que les choses sont vues, avec un mélange de pudeur outragée et de fascination stupéfaite : la voix off, qui donne en surimpression les pensées des acteurs, n'est utilisée qu'à son seul usage ; et il paraît être seul à mettre de la distance entre ce qui se passe et ce qu'il ressent. Mais cette voix off, cette conscience en éveil est de moins en moins utilisée, va jusqu'à disparaître au fur et à mesure que Roberto se laisse captiver par Bruno.

La route, la Via Aurelia (comme la voiture) : la vitesse, les agressions incessantes du klaxon, le pittoresque des kilomètres avalés, des rencontres incongrues qu'on y fait, des accidents qu'on y observe, des spectacles qu'on peut y découvrir : séminaristes en panne, beautés allemandes à draguer, ploucs qui s'exercent à twister dans des gazouillis d'accordéon. Le titre du film, Il sorpasso, c’est-à-dire, en français Le dépassement (bien plus fidèle à l’esprit que le réducteur Fanfaron) commence à prendre toute sa dimension.

Et la prend davantage au fur et à mesure que les kilomètres s’ajoutent les uns aux autres. Le film, insidieusement, change de nature ; ou plutôt Risi commence à mettre de plus en plus fort les points sur les I. Lorsque, dans la belle maison patricienne, Bruno – qui a séduit tout le monde par son brio, sa faconde – fait découvrir en quelques instants à Roberto ce qu'il n'a pas compris depuis vingt ans : que le serviteur empressé, Pinochio, est une vieille pédale champêtre, que le péremptoire cousin Alberto (John Francis Lane) n'est pas le fils de l'oncle, mais celui du régisseur, que la tante Lidia (Linda Sini) brûle de frustration…

Le film s’amertume à proportion qu’on entre de plus en plus dans le secret des êtres ; comme le dit fort justement plus haut Arca, Bruno/Gassman, au début c'est un m'as-tu vu à grosse voiture ; et puis on apprend que c'est aussi un escroc, qu'il a gardé pour lui l'argent que sa femme lui avait envoyé pour l'annulation de leur mariage ; la façade se craquèle, au restaurant de nuit, d'abord, puis devant le mépris distant mais presque affectueux de l'ancienne femme (Luciana Angiolillo) (C'est comme si j'étais la mère d'un fils un peu malchanceux), devant le réalisme déterminé mais presque innocent de Lilly (Catherine Spaak) la fille, d'épouser le sage barbon Bibi (Claudio Gora).

Un type douteux et fragile, Bruno Cortona. Évidemment oui. L'image du démon tentateur qui fragilise et pervertit ? Évidemment non ! Pathétique bien sûr et est aussi chaleureux que léger, amical qu'insouciant, brave qu'inconsciemment cruel. C'est son égoïsme intégral qui pourrait le faire tenir pour un de ces Monstres des autres films de Risi ; mais on peut éprouver drôlement du bonheur auprès de ces égoïstes là, si on se contente de recueillir un peu de leur rayonnement, il me semble.

Roberto-Trintignant ne meurt-il pas sans s'en rendre compte en riant, en jubilant, même, grâce à Bruno-Gassman avec qui il a passé les deux plus beaux jours de sa vie ?

Et puis quoi, dit Risi dans l’entretien du DVD, le drame final, ça ressemble à l’existence, non ?


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0062 s. - 5 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter