Une adaptation réussie de Flaubert, dont l'équilibre doit beaucoup à la justesse du casting, et au refus de Chabrol
de faire dans le joli. Son Madame Bovary
est âpre et cruel, montrant constamment la sordide réalité de l'existence étriquée de la petite bourgeoise provinciale, rêvant d'une vie meilleure. L'opacité naturelle de Huppert
rajoute des facettes au personnage, qui va du pathétique le plus poignant, à la bêtise la plus crasse, sans changement spectaculaire dans son jeu. Balmer,
un petit peu trop caricatural dans la mollesse geignarde, est tout de même l'incarnation même du pauvre Charles, et Malavoy
joue les "grands cons" avec verve. Yanne
lui, se délecte d'un rôle de pharmacien gueulard, insensible, qui rappelle ses grandes heures avec Chabrol
(Que la bête meure).
Certaines scories, comme une lumière pas toujours heureuse, des seconds rôles pénibles de l'écurie du réalisateur, une ironie grinçante et fielleuse qui bloque toute émotion, empêchent ce Madame Bovary d'être la version cinématographique "définitive" du roman, mais la course affolée d'Emma, abandonnée de tous, face à sa misérable réalité, son visage maculé de mort aux rats, hantent durablement la mémoire.
Puis-je vous chipoter un peu, PMJarriq, sur une de vos phrases ? (je n'ai pas vu le film) ?
Vous écrivez sordide réalité de l'existence étriquée de la petite bourgeoise provinciale, rêvant d'une vie meilleure. Il n'y a, dans le roman (et, j'imagine, dans le film aussi) qu'Emma qui rêve à une vie meilleure (ou espérée telle). Tous les autres, Charles, Rodolphe, Homais et tutti quanti sont précisément extrêmement satisfaits de la vie de cloportes graisseux qu'ils mènent…
Absolument. J'ai bien écrit "Bourgeoise provinciale", et non "Bourgeoisie", je pense que votre perplexité vient de là.
Mille excuses ! J'ai lu et écrit trop vite !
Je me disais aussi….
Il faudrait que je le revoie (et que je relise le livre, lu à l'école mais un peu oublié depuis) mais je me souviens en tout cas d'une interprétation impeccable, de décors soignés et d'une atmosphère très bien rendue (musique y compris).
A comparer notamment avec la Madame Bovary de Vincente Minnelli
récemment sortie en dvd zone 2 dans la collection Fnac.
Deux approches très différentes pour une même histoire de rêve et d'insatisfaction.
Vers 38'18 Chabrol cite presque textuellement Flaubert :Lheureux (Jean-Louis Maury) : "une misère, une misère vraiment,rien ne presse , nous ne sommes pas des juifs". Le texte original etant :"Une misère, répondit-il, une misère : mais rien ne presse ; quand vous voudrez ; nous ne sommes pas des juifs !" Curieux personnage que Lheureux, comme le défini ce texte sur internet du site lewebpedagogique : "Flaubert, Madame Bovary Certains ont défini le personnge de Lheureux comme "l'amant négatif" d'Emma. Que pensez-vous de cette appellation?
Avec le personnage de Lheureux, Flaubert renouvelle le type traditionnel de l'usurier, tel que Balzac le représente avec les personnages de Gobseck ou du père Grandet. Ce n'est plus le stéréotype du banquier d'origine juive (Flaubert,de manière très ironique lui fait dire: "Nous ne sommes pas des juifs" dès sa première visite chez Emma, II partie chapitre V, p.169), mais c'est un commerçant, "un marchand de nouveautés", dont les affaires sont multiples, et qui est capable de faire de tête "des calculs compliqués à effrayer Binet lui-même". Ainsi son rapport avec Emma est-il complexe, au point que certains critiques ont pu le qualifier "d'amant négatif d'Emma". Pour expliquer cette formulation, nous évoquerons d'abord la figure du personnage comme celle d'un tentateur avant de voir que Flaubert l'associe systématiquement aux adultères commis par Emma. Enfin, nous évoquerons la violence du personnage qui trouve sa jouissance dans la destruction d 'autrui et contribue ainsi à la mort d'Emma, autant que Rodolphe ou Léon. Lheureux apparaît comme une sorte de figure diabolique, associée à la tentation et à la séduction. Par sa double origine "né Gascon, mais devenu Normand", il est d'emblée caractérisé par la ruse, le mensonge et la parole trompeuse: Flaubert parle de "faconde méridionale" et de "cautèle cauchoise". Cautèle: A.? DR. CANONIQUE. Prudence, réserve. Absolution à cautèle. Absolution* sous condition (attesté ds Ac. 1835-1878)." Jean Yanne incarne bien le personnage du pharmacien Homais , ambitieux, prétentieux, qui incite le Dr Bovary à pratiquer l’opération désastreuse du pied bot d’Hippolyte. Pseudo science de Homais qui s’improvise savant, pseudo science également vers 1 h 54 mn 22 s lorsque les huissiers d’apprêtent à saisir une tête phrenologique (conforme au roman) , mais y renonce car considérée comme un outil professionnel. La phrénologie était à la mode à l’époque.
Trop scolaire, trop bien élevé, pour un roman qui, lorsqu'il fut publié, mit un sacré coup de pied dans la bien-pensance et les certitudes de la société. Sans doute que la révolution flaubertienne est d'un si grand niveau que même les plus iconoclastes des galopins n'osent pas en montrer les abîmes.
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