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Forum : Equus

Sujet : critique


De dumbledore, le 22 avril 2004 à 20:33
Note du film : 4/6

A l'origine du projet, il y a une pièce à succès qui remporte même l'Emmy de la meilleure pièce cette année-là. Equus est écrit par Peter Shaffer, un grand dramaturge à qui l'on devra Amadeus.

Entre ces deux pièces et ces deux films, il y a une même thématique, celle de l'art plus grand mais également plus pénible que la raison. Raison politique du côté de Amadeus avec Salieri comme apparatchik du pouvoir et raison psychologique, avec Martin Dysart ici, psychiatre en plein doute et dont le travail est de rendre normal ses patients, c'est-à-dire de leur faire renoncer à leur part d'individualisme. "Trop de notes" dira l'un. "Trop de désir" pourrait dire l'autre.

Tout le film/pièce repose sur le même duo opposant un jeune adolescent plein de fougue et de folie Amadeus/Strang et un être de la société et du bon sens qui tente de le casser Salieri/Dysart.

A la différence toutefois d'Amadeus, le texte est ici écrasant. Les monologues dits pourtant avec brio par un sublime Richard Burton sont lourds, démonstratifs et trop théoriques. Ainsi tous les discours sur la psychanalyse sont un peu convenus et on les sent trop comme étant élaborés par un néophyte plutôt qu'une réflexion propre à un psy. L'histoire névrotique de Strang est également un peu faible et surtout clichée dans un freudisme de par trop évident : Cheval=Christ=Père. Même les yeux crevés depuis Oedipe est devenu un cliché du genre pour représenter la castration. Quant à l'homosexualité du personnage, on la devine très vite et son impuissance finale est prévisible. La résolution en elle-même sous forme de secret enfin révélé manque de piment. Ce secret est par ailleurs une figure bien simpliste (très hollywoodienne) et surtout fausse de la catharsis psychanalytique, fausse car elle met l'accent sur le secret et non pas sur la personne qui le (re)découvre.

Comme justesse de représentation psychanalytique, on préférera de loin l'idée de mise en scène qui consiste à prendre Strang adulte pour jouer le Strang enfant dans ses souvenirs. Cette idée permet non pas seuelemnt à l'acteur de procéder à quelque performance, mais surtout correspond bien à la définition du souvenir au sens psychanalytique, à savoir une reconstruction en après-coup, adulte en somme, d'une réalité enfantine. La réalité en elle-même n'intéresse pas le psy, seule la construction importe car seule cette construction est agissante dans la souffrance.

Le vrai intérêt finalement de l'oeuvre sera finalement le personnage du psychiatre et de l'interprétation symbolique que prend pour lui Equus. Autrement dit le dernier monologue. Son identification au Cheval comme un être muselé, soumis à l'autorité d'une société qui vous dompte avant de vous diriger. Belle idée, mais bien peu exploitée finalement. Peut-être que le film aurait dû commencer là où il finit.

A la mise en scène, on retrouve Sidney Lumet, un spécialiste du film de politique-social, dénonçant par le polar les grands maux de notre époque. On le sent un peu mal à l'aise dans le sujet, ou plus exactement dans le traitement à apporter à cette pièce pour la rendre plus "visuelle". Il fait sortir les personnages soit par des flash back bienvenus et efficaces soit en suivant le personnage du psy qui sort "enquêter" ce qui est plus problématique car il dépasse par là un comportement de psy qui, encore une fois, n'est pas un flic. Heureusement, il a avec lui deux grands comédiens, Richard Burton et surtout le jeune premier Peter Firth très à l'aise dans le rôle de l'adolescent trouble de l'avoir joué au théâtre auparavant.


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De PM Jarriq, le 28 mars 2009 à 21:03
Note du film : 3/6

Tout à fait d'accord avec l'avis ci-dessus. Equus est un film ingrat et exagérément bavard, décrivant un cas de démence adolescente singulier. Si on compare avec Amadeus du même auteur, on pourra noter une hantise de la médiocrité, qui mine le psy comme il minera Salieri. A part qu'ici, on comprend mal la fascination qu'éprouve le thérapeute pour les délires équins de son patient tête à claques. Selon l'humeur, on pourra trouver les séquences d'extase chevaline tout à fait grotesques, et le discours sur les risques de l'analyse un peu dépassé. Quelques seconds rôles british familiers (Joan Plowright en mère bigotte, Harry Andrews en patron horrifié), donnent un peu de texture à l'ensemble.

Equus, qui n'arrive pas une seconde à faire oublier ses origines théâtrales, vaut malgré tout pour quelques monologues de Burton, splendide, en particulier celui qu'il adresse à sa collègue, et où il décortique sa propre personnalité de raté pusillanime, incapable de passion. Lumet lui offre quelques gros-plans inoubliables, dont le dernier qui finit sur son oeil angoissé. Mais franchement, ce qu'il peut raconter avec tant de ferveur, demeure extrêmement fumeux…


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De Arca1943, le 28 mars 2009 à 21:46

Je me rappelle avoir vu ce film, mais après avoir vu la version théâtrale, une version vraiment extraordinaire, quelque peu élaguée – oh la bonne idée ! – par rapport au texte original, mise en scène par Olivier Reichenbach avec Daniel Gadouas dans le rôle de l'ado et le génial Jean-Louis Roux dans celui du psy. Quand j'ai vu le film – je me rappelle au moins de ça – je me suis dit : « Mais quelle drôle d'idée de mettre ça en film ! »

Je crois que le projet s'est retrouvé entre les mains de Lumet à cause de son expertise en matière de huis clos (Twelve Angry Men, Dog Day Afternoon). Je présume que quelqu'un s'est dit : En voilà un qui peut nous filmer ça sans que ça ait l'air théâtral. Mais voilà : Equus, c'est typiquement théâtral, il n'y a qu'au théâtre que ça peut marcher. D'un point de vue narratif, c'est statique au possible, il ne se passe rien, au fond, sinon le jeune qui débloque et le vieux qui soliloque.

Je note aussi un détail fatal : c'est l'auteur de la pièce qui a scénarisé le film. Oh what a huge mistake !

Mais toujours parlant de théâtre adapté, c'est aussi à Peter Shaffer que l'on doit The Royal Hunt of the Sun, porté à l'écran en 1969 avec Christopher Plummer dans le rôle de l'empereur Aztèque Atahualpa et Robert Shaw dans celui de Pizarro.


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De PM Jarriq, le 29 mars 2009 à 10:20
Note du film : 3/6

Equus, c'est typiquement théâtral, il n'y a qu'au théâtre que ça peut marcher.

C'est vrai. D'ailleurs, ce qu'il y a de pire dans le film de Lumet, ce sont les tentatives de visualiser les fantasmes et souvenirs du patient (le flash-back sur la plage est d'un kitsch redoutable), et de s'attarder sur des scènes inutiles, comme celle du grenier avec Jenny Agutter, qui ne se justifie que pour pimenter le film de quelque nudité.

Peut-être qu'en se contentant de "capter" la pièce telle quelle, les auteurs auraient pu en préserver tout l'intérêt… Ou peut-être que Equus aurait dû rester à sa place : sur les planches.


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