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Sujet : Drame somptueux, dans un cadre nocturne


De jipi, le 28 août 2008 à 15:27
Note du film : 5/6

Existe-t-il une aussi grande comédienne que ce lingot d'or personnifié par Bette Davis capable en fonction des rebondissements d'une enquête de passer de l'assurance d'un regard de glace aux plaintes les plus persuasives mêlées d'évanouissements judicieux afin de manipuler au maximum un environnement soumis ou respectueux non conscient du mécanisme d'une créature vénale.

« La lettre » tout en restant une œuvre lente et souffreteuse déblaie habilement les faux vêtements de lumière d'une créature froide et coupante voguant habilement entre un mari naïf et la faiblesse d'un avocat.

Le choix de montrer une faune locale servile ou corrompue toisée par un colon croulant sous le service n'est pas du meilleur gout. Nous sommes dans les quotas de l'époque ou tout ce qui vient de l'orient est jugé comme décalé et fourbe donc à manager par l'ordre et le mépris.

La scène de la remise de la lettre est un moment grandiose. Deux femmes s'affrontent par une dominance vengeresse déclenchant une soumission calculée.

Le remarquable prologue et épilogue lunaire fil rouge porteur de toute l'œuvre valorise l'Alpha et l'Oméga d'un contenu bien souvent terne. Il faut lutter contre quelques risques de somnolences afin d'atteindre en pleine possession de ses moyens dans l'ombre de l'astre de nuit un dénouement fantastique presque extra terrestre par son esthétisme.

La sublime est d'une beauté machiavélique en clamant ouvertement son adultère. Elle ne manque pas d'humour non plus par l'intermédiaire de cette phrase surprenante

« J'ai voulu me faire belle, ça m'a pris du temps »


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De vincentp, le 16 mai 2011 à 22:34
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Le choix de montrer une faune locale servile ou corrompue toisée par un colon croulant sous le service n'est pas du meilleur gout. Nous sommes dans les quotas de l'époque ou tout ce qui vient de l'orient est jugé comme décalé et fourbe donc à manager par l'ordre et le mépris dixit Jipi.

Effectivement, nous sommes en 1940 et les asiatiques de ce récit sont montrés comme exceptionnellement fourbes. La tension est palpable entre les Etats-Unis et le Japon (même si ce récit est censé se passer à Singapour). Une palme pour l'adjoint de l'avocat. Il faut avoir vu ce film rien que pour cela. Cet asiatique ressemble aux japonais dessinés par Victor Hubinon dans les récits Buck Danny des années cinquante (et appelés de façon peu aimable "face de citron" par le scénariste Jean-Michel Charlier). Ce personnage se meut avec un sourire sarcastique, courbé en deux, se frottant les mains, prêt à tous les mauvais coups. Impressionnant (et à peine croyable). Même un enfant de quatre ans décèle que c'est un méchant.

Le reste du récit est plus traditionnel, mais la mise en scène utilisant une caméra subjective représentant les pensées de l'héroïne fait preuve d'imagination. Le talent de Bette Davis est de plus évident. Superbe photographie (Tony Gaudio) en noir et blanc. Un William Wyler, bien dans le ton des studios hollywoodiens de l'époque, peut-être mineur mais intéressant pour le cinéphile.


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De vincentp, le 1er mai 2018 à 11:54
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Revu sur grand écran à l'occasion de la rétrospective William Wyler pour un avis revu en forte hausse. The Letter (1940) est une adaptation d'une pièce dramatique de Somerset Maugham par le scénariste Howard Koch (Casablanca, Lettre d'une inconnue,…), photographiée par Tony Gaudio (146 films à son actif, dont Les aventures de Robin des bois), avec une musique de Max Steiner. Le sujet (un conflit passionnel dans un contexte colonial) n'est pas original, mais son traitement est très réussi. Wyler suit de près, avec un rythme modulé, les évolutions de personnages tourmentés, et explore la part secrète des individus, cachée derrière le masque confortable de la société. La conclusion qui se profile semble tournée vers un happy end inévitable, mais ce ne sera pas le cas, la part sombre et incontrôlable prenant le pas. Wyler fut bel et bien un auteur à part entière développant des thèmes dramatiques personnels (que l'on retrouve dans Carrie, Jezebel…) via un canevas en apparence académique.

Le climat qui porte The Letter est sombre, nombre de séquences étant tournées dans la pénombre, éclairées par l'astre lunaire. Les plans-séquences introductifs et conclusifs sont des cas d'école, plantant le cadre de l'intrigue, soulignant les traits psychologiques des protagonistes. Beaucoup d'émotions impactent le spectateur, notamment celles de Bette Davis à son meilleur. L'oeuvre globale de Wyler apparaît aujourd'hui à la fois grand public, accessible, reconnue en son temps (douze nominations aux oscars comme meilleur réalisateur, un record) mais aussi secrète, mystérieuse et exigeante pour le spectateur. On peine néanmoins à comprendre comment ce cinéaste, l'un des plus talentueux du cinéma américain, ait pu ne pas être reconnu en France à sa juste valeur. Probablement, en raison de la non-connaissance à l'époque d’œuvres clé comme The Letter, la "théorie des auteurs" liée à la "nouvelle vague", et quelques meneurs excités, dogmatiques et de mauvaise foi.


NB : Selon Wikipédia, The Letter reçut sept nominations aux Oscars :

  • Meilleur film
  • Meilleur réalisateur
  • Meilleure actrice (Bette Davis)
  • Meilleur acteur dans un second rôle (James Stephenson)
  • Meilleure musique
  • Meilleure photographie
  • Meilleur montage

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