Se présentant comme une sorte d'anti-Ridley Scott, Cronenberg
filme comme dans les années 70, à une seule caméra, dans une lumière plate et frontale, il privilégie l'histoire, les comédiens, et englue lentement dans les méandres d\'un magnifique scénario, d'une totale noirceur, fouillant sur le territoire habituel d'un James Gray.
Le réalisateur du délirant Festin nu,
a enfin trouvé une approche "grand public", sans rien perdre de son identité, ce qui est déjà un exploit en soi.
Aidé par Mortensen, qu'on n'avait pas vu aussi parfait depuis Indian runner,
le réalisateur décrit un univers confiné, traite la violence à la limite du "gore", sans effets enjolivant, ni fausse pudeur. La bagarre dans le sauna, est un sommet de brutalité. En chauffeur mystérieux, émacié, ridé avant l'âge, Mortensen
crée une silhouette inoubliable, et enterre complètement Vincent Cassel,
qui surjoue systématiquement tous ses rôles, tentant ici d'imiter le Gary Oldman
des Anges de la nuit.
En vain, évidemment. Naomi Watts
est bien, comme toujours, et Mueller-Stahl
dans la continuation de son rôle de monstre débonnaire de Music box,
campe un "parrain\" russe absolument monstrueux.
Après le superbe History of violence, ce Eastern promises
laisse espérer que Cronenberg
va poursuivre dans cette veine policière, car il n'a jamais été plus à sa place.
J'avais plutôt aimé A History of Violence mais ce Cronenberg-ci est encore meilleur, surtout en raison d'un scénario plus substantiel et complexe. Il n'est pas "complètement noir" selon moi, mais il a la bonne idée de s'arrêter en laissant une solide dose d'incertitude sur ce qui va se passer. Le film pourrait se poursuivre sur une bonne vingtaine de minutes, en un finale spectaculaire mais aussi forcément convenu : les méchants sont arrêtés ou abattus, etc. Cependant les scénaristes – et c'est très bien ainsi – ont plutôt décidé d'arrêter quand se termine l'histoire à laquelle le personnage de Naomi Watts
est mêlé.
Comme j'aime bien Vincent Cassel malgré tout, je le défendrai ici contre le sévère Jarriq en disant que son jeu, certes appuyé, convient au personnage de Kirill. Bien sûr, Viggo Mortensen
est impressionnant dans le rôle central, mais la palme revient à Armin Mueller-Stahl,
qui fait vraiment froid dans le dos avec sa bonne tête de brave homme (comme dans Music Box,
c'est vrai : les deux rôles se ressemblent). C\'est d'ailleurs une des très bonnes idées du film : on l'aperçoit qui frappe son fils avec violence (mais ne l'avait-il pas mérité), on le voit donner ou plus exactement sous-entendre un ordre de tuer, mais tout ce qu'il fait de plus ignoble n'est jamais montré, seulement raconté par d'autres. La scène où il rend visite à Naomi Watts
à l'hôpital est remarquable : il aurait été facile d'être "lourd de sous-entendus", mais au contraire, il a l'air si ordinaire, si anodin, il s'exprime sur un ton si égal que c'est à s'y méprendre; n'est-ce pas la simple visite d\'un vieux monsieur un peu désœuvré qui vient prendre des nouvelles de la sympathique sage-femme et jeter un œil amusé au bébé dans sa couchette ? Sauf à la fin de la scène, quand il dit : "Eh bien, vous savez où me trouver et je sais où vous trouver".
À noter le réalisateur Jerzy Skolimowski qui livre une performance amusante dans le rôle de l'oncle borné et vantard de Watts.
Cette histoire vous prend aux tripes du début à la fin… Bien sur, Viggo Mortensen (sans doute l'un des tous meilleurs acteurs de sa génération) est parfait, mais le plus remarquable est l'écriture cinématographique. Un scénario en béton (excepté une ou deux invraisemblances, qui passent inaperçues dans le feu de l'action), des plans très variés (et très travaillés, de l'avant à l'arrière plan, comme on peut le remarquer lors de la scène du bain douche, avec les personnages statiques et cois observant les catcheurs), du mode narratif (voix off du personnage féminin secondaire, sous-entendus visuels…), des thèmes développés (état de la société, conscient et inconscient des individus) touchant forcément le spectateur lambda… Sans parler de la bande sonore de Howard Shore
à la fois discrète et redoutablement efficace, pour emmener le récit et produire des émotions. David Cronenberg
délivre une impressionnante leçon de cinéma moderne, et confirme son récent statut d'auteur majeur. Bientôt étoilé par ses pairs comme le personnage principal de Les promesses de l'ombre
?
Le virage à 360 degrès que Cronenbreg a pris depuis History of Violence m'a beaucoup troublé. Pour moi il se distinguait avant tout par son approche très porté sur le corps (son évolution vers quelque chose de plus primaire). Donc quand j'ai appris qu'il avait changé son fusil d'épaule pour faire des films plus « consensuels », j'ai adopté une attitude complètement négative. Il n'était pas question que je regarde ces nouveaux films. Après quelques mois je suis revenu sur ma position et j'ai visionné History Of Violence. Quelle claque !!!! Sa maîtrise saute aux yeux (je me rappelle notamment de la scène d'ouverture en plan séquence). D'ailleurs je préfère ce film par rapport aux promesses de l'ombre. Je le trouve plus viscérale. Même si les promesses de l'ombre est encore une preuve du grand talent de ce réalisateur je le trouve moins radical que le précédent. Mais la scène de combats dans le hammam est très impressionnante. Elle a une véritable force d'impact. Donc ne boudons pas notre plaisir.
Le film vaut d'être revu, car il gagne en profondeur et en étrangeté. C'est un grand polar, réussissant là où James Gray par exemple, n'atteint jamais totalement son but par excès de sophistication. Les contributeurs ont déjà dit ce qu'il fallait penser des Promesses de l'ombre,
j'ajouterais les implications incroyablement ambiguës de la conclusion : après la révélation de l'identité réelle de Mortensen,
on dirait qu'il est tellement impliqué, si profondément identifié à l'ennemi, que cela ne change finalement rien à son destin. Il finira sur le trône, seul, corrompu, mort à l'intérieur, et ses véritables motivations pour se retrouver là, n'ont que peu d'importance.
C'est, je crois, quasiment un chef-d'oeuvre.
Viggo Mortensen est éblouissant de charisme, comme un fauve dont chacun des mouvements semble être précisément calculé. Sa façon d’occuper l’espace, sa posture hiératique, ses réponses laconiques sont une merveille de jeu d’acteur. Cronenberg
entretient magistralement l’ambiguïté sur ses motivations, comme si ce qu’il ne disait pas semblait plus important que ses paroles effectives. C’est vraiment un immense comédien.
Le film est baigné d’une insondable noirceur, en apnée dans les eaux troubles où le Bien et le Mal se confondent. A l’image de ces mafieux exhibant fièrement leurs tatouages, symboles d’une toute-puissance érodée par une brutalité atavique.
C'est grâce à sa composition essentiellement, à son souffle, à son rythme et bien sûr à ses acteurs que le film a de l'intérêt.
Car le scénario, s'il n'est certes pas banal, est assez facilement décryptable et même un peu trop prévisible. Il me semble, par exemple, que l'on devine bien rapidement que Nikolaï Loujine (Viggo Mortensen)Parce qu'ainsi, loin des constructions épouvantablement compliquées par quoi certains réalisateurs tentent de masquer leurs insuffisances, le spectateur peut suivre sans se perdre les développements du scénario et vibrer avec eux.
Et puis, pour un film de divertissement (j'hésite un peu à qualifier ainsi Les promesses de l'ombreLe charme de Naomi Watts, la présence de Viggo Mortensen,
la fluidité de Armin Mueller-Stahl
(le chef de bande). Il n'y a guère que Vincent Cassel
qui dénote et surjoue. Bon, excellent film de genre. Bien sûr les Anglo-Saxons comme Cronenberg
affublent les Slaves de pulsions sauvages destructrices ce qui leur permet de faire partie du Camp du Bien. On se dit quelquefois qu'ils n'ont pas absolument tort.
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