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Forum : Les Blessures assassines

Sujet : Profondément dérangeant


De Impétueux, le 3 septembre 2007 à 16:26
Note du film : 4/6

L'histoire véridique des sœurs Papin, Christine (Sylvie Testud) et Léa (Julie-Marie Parmentier) a si extraordinairement frappé l'opinion publique et fasciné les auteurs que Les blessures assassines semble être la cinquième adaptation après Les bonnes de Jean Genet au théâtre, Les Abysses de Nikos Papatakis (avec les soeurs Francine et Colette Bergé), Sister, my sister de Nancy Meckler et La cérémonie de Claude Chabrol (cette interprétation-là prenant de grandes libertés avec le récit).

Comme je n'ai pas vu Les Abysses, je n'en puis dire la fidélité à l'histoire criminelle réelle. Mais mon Wikipédia habituel me relate que Les blessures assassines suivent d'assez près la réalité de la pauvre existence des deux criminelles au moins dans l'esprit présumé, même si, pour les besoins de la démonstration qu'il veut faire, le réalisateur, Jean-Pierre Denis, travestit la littéralité des faits, notamment au moment de l'assassinat, et accentue l'aspect homosexuel incestueux.

Et comme le fait divers est riche de sens, que les criminologues, psychiatres, psychothérapeutes et autres aliénistes tentent de le décrypter depuis soixante-quinze ans, ajoutant à chaque fois une couche d'interprétations, le film fait un peu fouillis, juxtaposant, au cœur d'un récit linéaire lui-même assez convaincant et bien construit, des scènes ou des images brutes dont la signification est peu compréhensible pour qui ne connaît pas les détails de l'affaire (ainsi l'énucléation et les scarifications quasiment rituelles subies par les victimes).

Le propos est de surcroît un peu affaibli par le parti pris de Jean-Pierre Denis qui se range aux côtés de tous ceux qui ont vu dans les sœurs Papin des victimes emblématiques de l'obscurantisme religieux et de l'exploitation de classe, alors qu'il y a, bien davantage, un drame de la folie obsessionnelle et de l'enfermement mental. Le réalisateur paraît d'ailleurs hésiter entre la métaphore militante fictionnelle (d'après de qu'on m'a dit, c'était là un peu le fond des Les Abysses, film lui-même adapté du subversif Jean Genet) et le compte-rendu objectif.

Cela étant, et si on veut bien oublier l'ancrage dans la réalité historique de cette terrible histoire de passion et de mort, le film est d'un grand intérêt : la reconstitution d'époque est réussie, le rythme du récit très soutenu, et il y a deux formidables actrices, Sylvie Testud, aussi parfaite que dans Karnaval, qui parvient à donner une grande cohérence à son personnage déchiré, qui s'enfonce graduellement dans la violence et la folie, et Julie-Marie Parmentier, qui interprète avec un rare talent le rôle de la jeune sœur un peu retardée. La passion exclusive qui unit les deux sœurs – dont on ignore si elle fut vraiment incestueuse, donc – est dans la parfaite logique du déroulement des faits et – là encore si l'on ne s'attache pas à l'exactitude historique – intervient avec une grande évidence. Toute la montée de la tension est remarquablement mise en scène, et la scène du massacre est difficilement soutenable (et c'est un amateur de gore qui écrit cela).

Malgré un sujet trop riche et des incohérences ou anomalies, voilà un film impressionnant, agressif, même, qui ne vous laisse pas dormir tranquille.


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De sucre, le 5 septembre 2007 à 15:00

Une petite remarque concernant le film "La ceremonie". claude chabrol a été inspire,non pas des soeurs Papin,mais d'un roman de Ruth RENDELL l"analphabète", le tout remanié à la française. D'ailleurs Chabrol s'inspire beaucoup de cette auteur pour realiser ses films (la demoiselle d'honneur etant le dernier).


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De Impétueux, le 5 septembre 2007 à 18:35
Note du film : 4/6

Loin de moi l'idée de vous contredire, d'autant que je n'ai jamais entendu parler de Ruth Rendell et, a fortiori de son roman. Mais ne croyez vous pas que cette dame ait pu avoir une vague réminiscence de l'affaire des soeurs Papin ? En tout cas, j'ai souvent lu que La Cérémonie était une démarque de l'affaire de 1933… (avec la libre interprétation et re-création que nous voyons).


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De sucre, le 6 septembre 2007 à 15:59

Ruth Rendell est la nouvelle Agatha Christie et elle a ecrit de nombreux romans policiers a trame psychologique, il y en a d'excellents comme l'Analphabete ou Un enfant pour un autre dont Claude Miller a tiré Betty Fisher et d'autres mais ce sont surtout les derniers qui sont tres decevants. Mais elle doit surement s'essoufler au nom de la productivité… Il est possibble qu'elle se soit inspirée des soeurs Papin mais je crois me souvenir que dans le livre l'analphabete etait seule pour commettre son crime…. Je pencherai plutot pour une adpatation tres libre de Chabrol qui lui a du etre inspiré par les soeurs Papin…. J'ai toujours un grand plaisir a lire vos commentaires… Vous me faites penser au professeur de français que mon fils a eu en quatrième… il a beaucoup appris mais et a acquis le gout de la lecture, autres que BD et mangas !!


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De Impétueux, le 6 septembre 2007 à 18:03
Note du film : 4/6

Merci pour votre mot aimable (je puis vous assurer que je ne suis pas professeur de quoi que ce soit !).

En fait, comme toujours, les inspirations s'interpénètrent et les faits divers qui ont marqué une époque ressortent sous des formes ennoblies – ou abâtardies – pour forger romans et mythes… Voyez cette actuelle polémique sur le bouquin de Mazarine Pingeot qui s'est inspirée tout en ne s'inspirant pas (!) de l'histoire de Véronique Courjault, accusée d'avoir tué et congelé ses bébés…


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De Gaulhenrix, le 6 septembre 2007 à 23:33

Oui, Impétueux… Sauf que Pingeot, au-delà du thème universel et intemporel de l'infanticide qu'elle est libre de s'approprier, a utilisé le détail du congélateur qui, lui, appartient à l'actualité récente. Pourquoi ne le reconnaît-elle pas et feint-elle de croire qu'on lui reproche d'avoir fait un roman sur l'infanticide ?

Mauvaise foi, quand tu nous tiens…


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De sucre, le 7 septembre 2007 à 08:11

Il est vrai que la parution du livre de mAzarine Pingeot, que je n'ai pas lu, juste après l'affaire Courjault est une troublante coincidence….il est difficile de croire qu'elle n'a pas ete inspirée par le detail du congelateur…. !! j'ai lu un excellent livre de Renate Dorstein qui traite du theme plus precis de la depression post partum et des consequences dramatiques qu'elle peut provoquer lorsqu'elle n'est pas detectée. Mais cette auteur hollandaise , je crois, n'est pas Mazazrine Pingeot et son livre est passé inaperçu. POUR EN revenir aux blessures assassines ce qui m'a derangé c'est la relation incestueuse, est ce un fait veridique ,? ce qui etait interessant c'etait d'apprendre que des intellectuels ont pris fait et cause pour les soeurs Papin presentant leur crime comme etant le symbole extreme de la lutte des classes et de l'exploitation ouvriere par la haute bourgeoisie.


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De PM Jarriq, le 7 septembre 2007 à 08:29

Ah ! Vaste sujet, qui renvoie aux tares de notre 21ème siècle, qui fait des stars de "peoples" sans aucune légitimité.

Après avoir aperçu la dame à la télé, devisant sur les derniers films vus en projection, égrénant les banalités et les lieux communs, je suis sûr d'une chose : je ne lirai même pas la 4ème de couverture de son roman, qui évoque par le plus grand des hasards (ou des coïncidences, dirait Lelouch), l'affaire récente des bébés congelés.


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De droudrou, le 7 septembre 2007 à 08:54

A PM Jarriq : tu es dur quand tu parles de légitimité pour Mazzarine…

Ceci dit, il y a un phénomène assez caractéristique depuis deux siècles au niveau des affaires "criminelles" : c'est leur exploitation en fonction du moment où elles tombent face à l'opinion publique, utilisées par le monde politique et/ou relayée par le monde journalistique avec, aujourd'hui, tous les prolongements possibles par le système des médias. De fait, quand on regarde bien le monde qui nous entoure, le progrès a changé notre environnement physique, certes, mais il n'a pas changé nos comportements à la fois de citoyen et de consommateur au sens très large du terme. J'aurais quelque peu tendance à dire que l'abrutilité se serait même développée…


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De sucre, le 7 septembre 2007 à 09:19

lorsque les medias s'emparent d'un sujet ils le font tourner 24H/24 pour qu'il rentre mieux dans nos têtes comme, effectivement, s'ils s'adressaient a des abrutis qui doivent adherer a la vision journalistique….et ensuite le sujet tombe completement dans l'oubli, on a l'impression qu'il s'agit de faire du sensationnel et ensuite et bien … aucune suite jusqu'au prochain rebondissement. Moi non plus je ne m'attarderai pas sur ce livre… le livre de Renate a pour titre "un coeur de pierre" et il est assez derangeant mais tres poignant et l'auteur sait nous faire partager l'angoisse de la mère et son passage a l'acte. Mais c'est tellement plus "people" de parler de congelateur, a defaut d'etre originale.


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De Impétueux, le 7 septembre 2007 à 10:15
Note du film : 4/6

Au cas où il y aurait le moindre doute dans l'esprit de certains, je précise que je n'ai jamais lu et ne lirai jamais du Mazarine Pingeot ; je citais simplement – parce que l'actualité en est pleine – cet exemple d'imbibation d'une oeuvre (excellente ou médiocre, là n'est pas la question) par le fait divers. Stendhal a bâti Le rouge et le noir sur une affaire judiciaire réelle, et il n'était ni le premier, ni le dernier à agir ainsi. Mais ce qui est agaçant, avec Mlle Pingeot, c'est que, dans plusieurs interviouves, elle nie que l'affaire Courjault lui ait servi de support…

Pour en revenir aux Blessures assassines et à la question de Sucre, il semble que l'homosexualité incestueuse des deux soeurs ne soit pas avérée ; ce qui est certain, c'est qu'elles avaient une relation exclusive, ce qui ne signifie pas que cette relation était sexuelle ; mais ça met un piment romanesque au récit…


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