Tiens, je suis le premier à poster un message au sujet de cet Hôtel des Amériques.

On peut faire des reproches au cinéma de Téchiné, notamment celui de manquer de passion. Je trouve que c'était le cas pour le très languissant Les égarés.

Ici, ce n'est pas le cas de ce film passionnant, pétri de lyrisme. La raison d'être du film est le duo constitué par Patrick Dewaere et Catherine Deneuve. Patrick Dewaere est remarquable de violence contenue -mais y a-t-il un film où on l'ait vu médiocre ?? Catherine Deneuve est elle aussi parfaite en infirmière traumatisée par un drame intime. Je ne suis pas forcément un inconditionnel de cette grande actrice mais je la trouve ici parfaite, très sensible et touchante.

Un troisième personnage apparaît peu à peu, c'est la ville de Biarritz, magnifiquement éclairée par Bruno Nuytten. Le travail en ce qui concerne la beauté de la mise en scène en scope est à saluer, surtout si on compare la beauté formelle de cet Hotel des Amériques à la médiocrité esthétique des récents Temps qui changent du même Téchiné..

Seul le scénario, histoire d'amour de deux êtres qui s'aiment mais pas au même moment, peut être considéré comme trop léger. Téchiné n'y utilise pas ses digressions habtuelles, l'essentiel est centré sur le couple star, même si le spectateur remarquent le personnage de paumé incarné par Etienne Chicot, personnage en fin de compte assez important pour le déroulement de l'histoire..

Ainsi, voilà une belle réussite de Téchiné, qui n'a pas souffert du tout des rides qui affectent certains films français des années 70-80.

N'étant résolument pas sensible au cinéma de Téchiné, ni à ses thèmes sans cesse ressassés, j'hésitais à revoir celui-ci, pour Dewaere un comédien exceptionnel, dans le sens que non seulement son jeu et sa personnalité ne vieillissent pas, mais en plus il s'accorde de plus en plus avec notre époque. Assez phénoménal, à bien y regarder. Le seul autre comédien qui ait réussi à se moderniser ainsi "post mortem", n'était autre que Bogart.

Ce que je veux dire, c'est que les exemples que tu cites (Fonda et Stewart) restent immuables, et leur style ne vieillit pas, ne devient pas désuet contrairement à, par exemple celui de Gable ou James Dean… Alors qu'un Dewaere, qui passait pour un chien fou, un désespéré excessif, un écorché, un peu dérangeant dans le star system français, semble bien plus intégré aujourd'hui, tout à fait en adéquation avec les mentalités des années 2000, et la tranche d'âge qu'il représente.

Quand je citais Bogart, c'est également parce que s'il semblait inhabituel dans les années 40, il a connu un regain de popularité aux U.S.A., surtout dans un public estudiantin dans les années 60, parce que son cynisme, sa rebellion contre l'autorité, son individualisme, correspondaient parfaitement à cette période.

Mon cher Jarriq, Patrick Dewaere ne passait pas "pour"…..Il était !! Ce qui, en 2000, chez les acteurs n'est plus ! AU-THEN-TIQUE ! Car aujourd'hui, un navet en boite, un succès d'estime, et l'on devient une "star". Patrick était tout, sauf une star….Il était surtout un artiste. Et il y a mis le temps! Car s'il faut quelques heures de nos jours pour être starifié, il faudra toujours 30 ans, minimum, pour devenir un véritable artiste. Patrick Deweare ne sait pas fait avec les "Voici" ou "Gala", mais avec ses tripes ! Il en est mort d'ailleurs…..On ne meurt plus d'être un écorché, aujourd'hui. On disparait parce que les paparazzis se désintéressent….

Chère Sépia, on est d'accord : quand je dis "passait pour", c'est aux yeux des médias et de la profession du cinéma. De son vivant, Dewaere était loin d'avoir l'aura qu'il a – légitimement – aujourd'hui, et ne faisait pas du tout l'unanimité.

C'était tout le sens de mon premier message à ce sujet : mal ou faussement appréhendé à son époque, Dewaere est maintenant un comédien aimé et estimé pour ce qu'il était réellement. Un peu tard pour lui, hélas…

4,8/6. Très homogène et de belle qualité dans toutes ses composantes (scénario, mise en scène, photographie, interprétation, musique, montage,…). Hôtel des Amériques est une belle étude psychologique et sociale, mettant en évidence les aspirations affectives et les zones d'ombre de personnages de milieux sociaux différents. On retrouve des thèmes qui traversent l'oeuvre fort intéressante de André Téchiné, par exemple la beauté et le caractère régénérateur de l'environnement naturel, alors que la société tend au contraire à enfermer les individus dans un carcan pesant. Ce film passe plutôt bien l'épreuve du temps, comme le fait remarquer Verdun… Mais heureusement que Dewaere est là, sinon le film pouvait vriller vers le "guindé" (il n'en est pas loin, par moments). Un incontournable du cinéma français du début des années 1980.