On va essayer de ne pas faire trop dans la nostalgie, d'évoquer les grandes ombres de La caméra explore le temps ou du Petit théâtre de la jeunesse – œuvres originales pour l'une, adaptations littéraires pour l'autre – mais on voudrait revenir sur une des plus exceptionnelles réussites qu'on ait jamais vu – et revu, parce qu'on a la chance d'avoir ce trésor de qualité en cassette VHS -, qui est, donc, Les Célibataires, adapté par Jean Prat de l'œuvre d'Henry de Montherlant.
Il est de bon ton, aujourd'hui, de se gausser de l'auteur des Jeunes filles, tétralogie misogyne qui rencontra un succès immense (et qui fut admirablement portée à l'écran à la télé aussi par Lazare Iglesis, avec Jean Piat, Yolande Folliot, Emmanuelle Riva).
Montherlant connaît son purgatoire et, compte tenu des valeurs qu'il défend – stoïcisme et rigueur, courage physique et lucidité -, n'est pas près d'en sortir. C'est bien dommage, parce qu'on n'a guère écrit, au XXème siècle, dans une langue plus pure et plus haute et avec un tel tempérament.Cela étant, revenons à ces Célibataires, roman – et dramatique télévisée – de l'inadaptation au monde et de la cruauté de ce monde aux inadaptés.
Au lendemain de la Grande Guerre, qu'ils n'ont pas faite, l'un étant trop âgé, l'autre sans doute réformé, cohabitent, dans une petite maison du Boulevard Arago, Elie de Coëtquidan (Fernand Ledoux) et son neveu, Léon de Coantré (Jean-Paul Moulinot) qui n'ont jamais rien fait de leur vie mais ont vivoté médiocrement auprès de Mme de Coantré, sœur de l'un et mère de l'autre.
Mme de Coantré vient de mourir ; on ouvre le testament ; il n'y a plus rien que des dettes ; et pis encore, il n'y a plus de férule, de direction, de conduite de la maison. Il va falloir quitter le boulevard Arago, trouver une situation, travailler… Un abîme pour ces deux infirmes sociaux, incapables de prendre une décision, puérils et pathétiques, ni bons, ni méchants par la même sclérose de la volonté, à peine sexués, totalement hors du monde. Le récit est celui de la lente dégringolade de Léon. Quelle que soit l'infinie médiocrité du personnage, il est assez poignant. Sur le fil de Milou en mai, j'ai écrit que j'avais trouvé une certaine parenté de destin, plus rose ici, plus noir là entre ces personnages hors du temps et de la vie. Plus j'y songe, plus la comparaison me semble exacte. Êtres immatures, nullement près à affronter les difficultés, à peine capables d'approcher les autres, Milou, Elie et Léon sont des paumés intégraux.Le téléfilm de Jean Prat est une splendeur de sensibilité et d'intelligence. Il rend à merveille, jusque dans la musique de piano parcimonieuse et bien élevée qui en accompagne la fin, l'aigre mesquinerie de la vie de parasites éberlués, ahuris par la violence du Monde…
Ma VHS grisaillante est en bout de vie… Une édition DVD serait si bienvenue…
Je ne laisserai pas passer pareille analyse sans réagir !
Je vous sais gré, Impétueux, d'avoir exhumé du fond de ma mémoire cette belle adaptation du roman de Montherlant – dont vous montrez, fort justement, que les valeurs d'exigence ne peuvent être très populaires – que j'avais vue alors, bouleversé par le récit de cette lente dissolution d'un personnage anonyme, solitaire et résigné, dont la vie glisse hors de lui et du monde, en silence, comme le sable entre les doigts. Inéluctablement.
Votre texte devenant le mien, je me permets de le citer pour qu'il soit lu une seconde fois :
"Le téléfilm de Jean Prat est une splendeur de sensibilité et d'intelligence. Il rend à merveille, jusque dans la musique de piano parcimonieuse et bien élevée qui en accompagne la fin, l'aigre mesquinerie de la vie de parasites éberlués, ahuris par la violence du Monde… "
Impétueux et Gaulhenrix : bravo ! Passionnant de vous lire, Impétueux, et suivre le complément de Gaulhenrix !
Peut être est-il en fin de compte assez réconfortant de penser qu'il existe dans les archives de toutes les télévisions du monde une réserve inépuisable de chefs-d'œuvre de cette nature, complètement inconnus du grand public, mais qu'on redécouvrira un jour…
Bravo ! Quel téléfilm émouvant avec des acteurs ô combien remarquables. C'est en effet bien dommage que l'INA ne le re-propose pas alors qu'il est unanimement réclamé comme d'ailleurs bien d'autres grandes heures de la Télévision française…..
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