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Sujet : Le mythe magnifique de Gabin


De Impétueux, le 20 novembre 2006 à 17:14
Note du film : 6/6

C'est un grand bonheur que de pouvoir retrouver bientôt, dans de bonnes conditions, cette Bandera que je n'ai plus vue depuis des lustres, et qui commence à solidement arrimer le mythe magnifique de Gabin, brave type malheureux poursuivi par diverses fatalités, truand sans méchanceté coincé par le Destin, loubard aimé des femmes et sacrifié par elles…

Est-ce que la parution de La Bandera va commencer à décoincer les éditeurs et leur permettre de sortir le grand Duvivier de la scandaleuse situation qui lui est faite, au moins pour ses chefs-d'œuvre d'avant-guerre ? Il y avait, donc, Pépé le Moko, voici La Bandera, et il me semble avoir lu quelque part qu'était annoncé Golgotha

Mais aucune nouvelle de La belle équipe, non plus que d'Un carnet de bal ni de La fin du jour ! Qu'attendent Arte, MK2 ou Canal+ classique ???


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De droudrou, le 20 novembre 2006 à 18:15

J'avouerai plus encore mon désappointement quant à l'avis donné par Impétueux sur le film. Quand j'ai vu sur le Forum qu'il était intervenu à propos de la bandera… je me suis dit : Impétueux nous parle de miss Sharon Stone dans Basic Instinc nr 2… s'il nous parle de la bandera, ça risque d'être plutôt hard. Or, qu'est-ce que je note à propos de ce très beau film, c'est que notre cher Impétueux aurait dû donner un avis à propos de "La Débandade" surtout que lui et moi nourrissons une passion particulière pour l'oeuvre de Claude Berri…

J'espère que tout un chacun comprendra qu'il faut rire ou plutôt sourire et, éventuellement, lever les bras au ciel en disant "mais comment peut-on ? mais comment peut-on ? où va-t'on ?"…


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De Impétueux, le 20 novembre 2006 à 18:24
Note du film : 6/6

Qu'alliez-vous penser là ! Ce n'est pas que je me sois abstenu de nourrir pour les qualités physiques et la "simplicité de bon aloi" (comme disait le Général de Mme Brigitte Bardot) de Mlle Sharon Stone des regards roucouleurs (à défaut d'être torves et insinuants), mais dans le domaine cinématographique qui nous est cher, la bagatelle n'a, à mes yeux ni importance démesurée ni aspect horrifiant. En témoignent la présence, dans ma liste immarcescible à la fois de Thérèse et de Caligula ce qui, on en conviendra, fait preuve d'un certain éclectisme, à défaut d'une incontestable cohérence (quant au bon goût !!).

Cela étant posé, je me dis que le film de Duvivier n'aurait pas pu être tourné un an plus tard… Parce que le Tercio (Légion étrangère espagnole) et ses banderas (bataillons) ont été parmi les premières unités engagées par le Général Franco lors du Soulèvement national du 18 juillet 1936…


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De droudrou, le 20 novembre 2006 à 19:02

Après ma mise en boîte et historiquement parlant, c'est très vrai ce que vous dites à propos du film. Mais nul n'est prophète quant à l'avenir et l'Histoire remet également souvent en cause les histoires qui l'ont mise en cause elle-même quand des vérités sortent des oubliettes. Nous pouvons convenir que l'Histoire mondiale n'a pas été triste mais quelle accélération quand même au cours de ce 20ème siècle.

Amitiés.


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De Impétueux, le 17 décembre 2006 à 15:17
Note du film : 6/6

Un mot pour revenir sur l'impeccable édition que M6 Vidéo nous offre et qui laisse bien augurer de parutions réclamées à cor et à cris depuis des lustres : après La bandera, Maria Chapdelaine, La Horse, pour n'en citer que quelques uns, notre appétit est ouvert !

Donc, remarquable présentation, dans un coffret élégant, livret très bien conçu avec des photos lumineuses et bien choisies et commentaires pertinents.

Une petite faiblesse, dans cette édition de la Bandera : les suppléments, qu'on aurait aimé plus nombreux et plus denses ; un documentaire anodin fait un rapide résumé sur la Légion étrangère, mais il est, bizarrement tourné vers la Légion étrangère française, et présenté par un de ses officiers, et non vers le Tercio, qui est la Légion étrangère espagnole. Toutefois – et comme quoi trouve des pépites celui qui les cherche ! – le chef de bataillon qui réalise le commentaire fait une différence très importante entre Légion et Tercio : dans la première, dit-il, l'important est de réaliser la mission ; dans le second, l'important est de mourir. C'est, je pense, toute la dimension du dolorisme un peu masochiste et expiatoire de l'Espagne éternelle.


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De vincentp, le 27 novembre 2008 à 23:00
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Egalement un très beau film sur le jeu de l'apparence et de la connivence. Quelques moments mémorables sur ce sujet : par exemple, quand Gabin et son supérieur militaire se découvrent des affinités de caractère, lesquelles surmontent leur différence de grade, de position sociale. Duvivier montre ce bref instant en enchainant deux gros plans sur les yeux des deux personnages. Le tout mixé avec des dialogues percutants et prodigieux. La marque d'un grand cinéaste.


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De PM Jarriq, le 12 février 2009 à 18:47
Note du film : 5/6

"Ces hommes méritent qu'on les oublie".

C'est en effet un beau film, d'une noirceur terrible, littéralement hanté par la déchéance et la mort, qui finit par apparaître comme une délivrance. La relation entre Gabin et Le Vigan est extraordinaire, le second symbolisant le passé du premier. Au premier abord, Gilieth s'en méfie, puis le hait, le fuit, et finit par l'accepter et s'en faire un (presque) ami. L'oeil halluciné de Le Vigan, son rire compulsif, sa raideur, créent un personnage fascinant d'infiltré répugnant. Gabin lui, campe un antihéros jamais franchement sympathique qui apparaît pour la première fois dans le film couvert de sang, hagard à la suite d'un meurtre au couteau dont on n'apprendra rien. Les rapports entre son personnage et celui de Pierre Renoir annoncent un peu celles qu'il connaîtra avec Fresnay deux ans plus tard, dans La grande illusion. Seule Annabella détonne un peu, avec son maquillage outrancier, et son jeu emphatique, en total porte-à-faux avec ses partenaires.

La bandera avance par à-coups, isole ses personnages dans ses situations de plus en plus suffocantes, jusqu'à cette fin atroce dans un "fort" minuscule, sous le cagnard et les feux croisés d'ennemis invisibles.


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De Impétueux, le 13 mai 2014 à 13:40
Note du film : 6/6

Julien Duvivier, évidemment pour ses films d'avant-guerre, mais aussi pour nombre de ceux qui lui sont postérieurs, c'est le cinéaste de l'écrasement des hommes par leurs fatalités. On le verra un peu plus tard dans Pépé le Moko et La belle équipe, mais aussi dans La fin du jour, dans Panique ou dans des œuvres moins connues, comme L'affaire Maurizius, La femme et le pantin, voire dans une comédie comme L'homme à l'imperméable. La vie est un long labyrinthe piégeux qui, quoi qu'on en fasse, se termine mal.

Il y avait donc une osmose évidente entre le pessimisme intrinsèque du réalisateur et la mythologie de la Légion, où la rédemption n'est jamais plus réussie que dans l'anéantissement. Finalement, on paye toujours ses fautes mais en se battant pour une cause, on le fait au moins élégamment. Comme le dira le capitaine Weller (Pierre Renoir, dont c'est assurément le meilleur rôle de la carrière) lorsque les légionnaires s'enferment, sans nulle espérance raisonnable dans le fortin assiégé par les Rifains : Au moment de vous conduire à la mort, l'Espagne ne vous doit aucune explication ; ce qui sous-entend, naturellement, qu'elle n'en demande parallèlement aucune. Ce romantisme des voyous perdus et rédimés par l'évidente acceptation qu'ils seront sacrifiés à des buts et des causes qui ne les concernent pas et les regardent à peine est évidemment un riche matériel romanesque. Dès lors, bien sûr, Duvivier n'a pas à s'appesantir sur les raison qui font que ces hommes sont là ; à peine de les mentionner : ça n'a vraiment aucune importance et si on doit aux conventions et au pittoresque l'image de Pierre Gilieth (Jean Gabin) éperdu et les mains couvertes du sang qui macule la robe d'une fêtarde rue Saint Vincent, on passe, en une minute dans les lourdes rues poisseuses du Barrio Chino à Barcelone où Gilieth traîne son angoisse. Solitude des hommes, à peine adoucie par la douceur des femmes, Viviane Romance dans le bouge d'Espagne, Margo Lion ou Annabella à Tétouan.

Mais les femmes n'ont vraiment aucune importance dans ce film d'hommes, sinon comme des compagnes nécessaires et inutiles : les légionnaires ne sont pas là pour faire des projets et rêver à une vie dorée pleine de calme et d'enfants rieurs, mais simplement pour achever leur boulot, c'est-à-dire pour mourir. Ce qui éclaire d’un jour nouveau le cri singulier de Viva la muerte ! poussé par le Général Milan Astray à Salamanque, en octobre 36, devant Unamuno qui s’en indigna. Milan Astray est le créateur du Tercio ; comme le Capitaine Weller du film, il était un grand blessé de guerre, mutilé d’une main et borgne. Il serait abusif de croire qu’il n’a pas inspiré le personnage de Weller.

Si Pierre Renoir est remarquable, si Raymond Aimos n'est jamais décevant, Jean Gabin commence à endosser le rôle du brave gars au cœur pur mais à la tête chaude, qu'il va trimballer, peut-être un peu trop, dans les années suivantes, jusqu'au Jour se lève, en passant par Gueule d'amour et La bête humaine.

Je crois n'avoir jamais vu Robert Le Vigan mauvais. Colette le trouvait saisissant, immatériel, sans artifice, quasi céleste ; son interprétation de Fernando Lucas, le traître qui sera transfiguré par la mort de ses compagnons est absolument extraordinaire : lors de la scène du beuglant où il se heurte à Gabin en une sorte de combat de coqs, il y a dans son œil une lumière hallucinée qui le hausse au rang des plus grands.

À quoi bon répéter que Duvivier en est, des plus grands, incontestablement ?


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