C'est un grand bonheur que de pouvoir retrouver bientôt, dans de bonnes conditions, cette Bandera que je n'ai plus vue depuis des lustres, et qui commence à solidement arrimer le mythe magnifique de Gabin,
brave type malheureux poursuivi par diverses fatalités, truand sans méchanceté coincé par le Destin, loubard aimé des femmes et sacrifié par elles…
Est-ce que la parution de La Bandera va commencer à décoincer les éditeurs et leur permettre de sortir le grand Duvivier
de la scandaleuse situation qui lui est faite, au moins pour ses chefs-d'œuvre d'avant-guerre ? Il y avait, donc, Pépé le Moko,
voici La Bandera,
et il me semble avoir lu quelque part qu'était annoncé Golgotha
…
Mais aucune nouvelle de La belle équipe, non plus que d'Un carnet de bal
ni de La fin du jour
! Qu'attendent Arte, MK2 ou Canal+ classique ???
J'avouerai plus encore mon désappointement quant à l'avis donné par Impétueux sur le film. Quand j'ai vu sur le Forum qu'il était intervenu à propos de la bandera… je me suis dit : Impétueux nous parle de miss Sharon Stone dans Basic Instinc nr 2… s'il nous parle de la bandera, ça risque d'être plutôt hard. Or, qu'est-ce que je note à propos de ce très beau film, c'est que notre cher Impétueux aurait dû donner un avis à propos de "La Débandade" surtout que lui et moi nourrissons une passion particulière pour l'oeuvre de Claude Berri…
J'espère que tout un chacun comprendra qu'il faut rire ou plutôt sourire et, éventuellement, lever les bras au ciel en disant "mais comment peut-on ? mais comment peut-on ? où va-t'on ?"…
Qu'alliez-vous penser là ! Ce n'est pas que je me sois abstenu de nourrir pour les qualités physiques et la "simplicité de bon aloi" (comme disait le Général de Mme Brigitte Bardot) de Mlle Sharon Stone
des regards roucouleurs (à défaut d'être torves et insinuants), mais dans le domaine cinématographique qui nous est cher, la bagatelle n'a, à mes yeux ni importance démesurée ni aspect horrifiant. En témoignent la présence, dans ma liste immarcescible à la fois de Thérèse
et de Caligula
ce qui, on en conviendra, fait preuve d'un certain éclectisme, à défaut d'une incontestable cohérence (quant au bon goût !!).
Cela étant posé, je me dis que le film de Duvivier n'aurait pas pu être tourné un an plus tard… Parce que le Tercio (Légion étrangère espagnole) et ses banderas (bataillons) ont été parmi les premières unités engagées par le Général Franco lors du Soulèvement national du 18 juillet 1936…
Après ma mise en boîte et historiquement parlant, c'est très vrai ce que vous dites à propos du film. Mais nul n'est prophète quant à l'avenir et l'Histoire remet également souvent en cause les histoires qui l'ont mise en cause elle-même quand des vérités sortent des oubliettes. Nous pouvons convenir que l'Histoire mondiale n'a pas été triste mais quelle accélération quand même au cours de ce 20ème siècle.
Amitiés.
Un mot pour revenir sur l'impeccable édition que M6 Vidéo nous offre et qui laisse bien augurer de parutions réclamées à cor et à cris depuis des lustres : après La bandera, Maria Chapdelaine,
La Horse,
pour n'en citer que quelques uns, notre appétit est ouvert !
Donc, remarquable présentation, dans un coffret élégant, livret très bien conçu avec des photos lumineuses et bien choisies et commentaires pertinents.
Une petite faiblesse, dans cette édition de la Bandera : les suppléments, qu'on aurait aimé plus nombreux et plus denses ; un documentaire anodin fait un rapide résumé sur la Légion étrangère, mais il est, bizarrement tourné vers la Légion étrangère française, et présenté par un de ses officiers, et non vers le Tercio, qui est la Légion étrangère espagnole. Toutefois – et comme quoi trouve des pépites celui qui les cherche ! – le chef de bataillon qui réalise le commentaire fait une différence très importante entre Légion et Tercio : dans la première, dit-il, l'important est de réaliser la mission ; dans le second, l'important est de mourir. C'est, je pense, toute la dimension du dolorisme un peu masochiste et expiatoire de l'Espagne éternelle.
"Ces hommes méritent qu'on les oublie".
C'est en effet un beau film, d'une noirceur terrible, littéralement hanté par la déchéance et la mort, qui finit par apparaître comme une délivrance. La relation entre Gabin et Le Vigan
est extraordinaire, le second symbolisant le passé du premier. Au premier abord, Gilieth s'en méfie, puis le hait, le fuit, et finit par l'accepter et s'en faire un (presque) ami. L'oeil halluciné de Le Vigan,
son rire compulsif, sa raideur, créent un personnage fascinant d'infiltré répugnant. Gabin
lui, campe un antihéros jamais franchement sympathique qui apparaît pour la première fois dans le film couvert de sang, hagard à la suite d'un meurtre au couteau dont on n'apprendra rien. Les rapports entre son personnage et celui de Pierre Renoir
annoncent un peu celles qu'il connaîtra avec Fresnay
deux ans plus tard, dans La grande illusion.
Seule Annabella
détonne un peu, avec son maquillage outrancier, et son jeu emphatique, en total porte-à-faux avec ses partenaires.
La bandera avance par à-coups, isole ses personnages dans ses situations de plus en plus suffocantes, jusqu'à cette fin atroce dans un "fort" minuscule, sous le cagnard et les feux croisés d'ennemis invisibles.
Julien Duvivier, évidemment pour ses films d'avant-guerre, mais aussi pour nombre de ceux qui lui sont postérieurs, c'est le cinéaste de l'écrasement des hommes par leurs fatalités. On le verra un peu plus tard dans Pépé le Moko
et La belle équipe,
mais aussi dans La fin du jour,
dans Panique
ou dans des œuvres moins connues, comme L'affaire Maurizius,
La femme et le pantin,
voire dans une comédie comme L'homme à l'imperméable.
La vie est un long labyrinthe piégeux qui, quoi qu'on en fasse, se termine mal.
Si Pierre Renoir est remarquable, si Raymond Aimos
n'est jamais décevant, Jean Gabin
commence à endosser le rôle du brave gars au cœur pur mais à la tête chaude, qu'il va trimballer, peut-être un peu trop, dans les années suivantes, jusqu'au Jour se lève,
en passant par Gueule d'amour
et La bête humaine.
À quoi bon répéter que Duvivier en est, des plus grands, incontestablement ?
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