La nuit américaine est certainement le premier " Making off " cinématographique de longue durée de tous les temps.
Toute la machinerie nécessaire au fonctionnement d'un film est présente sur cet immense plateau ou l'on côtoie une véritable pyramide hiérarchique partant d'un essaim de petits boulots (Accessoiristes et assistants) qui très jeunes pour la plupart font leurs premiers pas dans les métiers du cinéma.
Cette spirale nous transporte vers le caïd du plateau le réalisateur Ferrand (François Truffaut) qui essaie en maîtrisant son stress de faire avancer le tournage de son film « Je vous présente Paméla » compromis quotidiennement par les humeurs des comédiens qui ne sont que des humains fragiles devant contenir les trépidations capricieuses d'une vie quotidienne agitée par une concentration à toute épreuve que nécessite l'interprétation de personnages rigoureux.
Ferrand se débat entre journées épiques et nuits cauchemardesques. Le tout sur pression quasi permanente de son producteur.
Des interactions interviennent entre comédiens et personnages qui ne se contrôlant plus vivent les mêmes passions que leurs rôles. Le virtuel devient réalité.
Séverine (Valentina Cortèse) actrice grignotée par l'alcool est incapable de réciter un texte à la perfection, toute l'équipe n'étant pas dupe de ses maladresses l'encourage malgré tout à persévérer qu'importe les aléas l'entreprise doit réussir même si il faut employer la flatterie hypocrite qui bypasse le constat d'une actrice déclinante.
Alphonse (Jean-Pierre Léaud) comédien jeune et fougueux à l'image de Julien Sorel ne sait pas gérer ses soudaines passions éphémères qu'il ressent pour Paméla (Jacqueline Bisset) qui en véritable mère plutôt que femme accepte de noyer dans l'étreinte ses démesures.
Alexandre (Jean-Pierre Aumont) par un événement tragique apporte ce que chaque metteur en scène redoute le plus pendant le tournage d'un film.
Toute la ruche des assistants avec les jeunes comédiens débutants que sont à l'époque : Nathalie Baye, Dani, Bernard Menez et Jean François Stévenin sont par leurs fraîcheurs les emblèmes de ces métiers du cinéma stressants et conviviaux. La scène du chaton qui refuse d'exécuter ce qu'on lui demande est symbolique d'une équipe soudée qui persévère.
A fur et à mesure que le temps passe l'inquiétude se lit sur leurs visages : Que feront-ils après ? Le dernier jour de tournage avec le traditionnel pot de départ malgré son coté festif désintègre toute une chaîne d'esprits.
La nuit américaine est une œuvre culte qui porte le nom le plus fabuleux « Vie ». Cette fonction fabrique de bas en haut un groupe ou chacun motivé par son travail active une énergie ou tout n'est qu'un.
Vive le cinéma.
Mais on mesure ici néanmoins combien Léaud est le prolongement naturel de Truffaut. Et plus qu'un film sur le cinéma, ce film est peut-être bien un film sur l'univers de son metteur en scène, artiste visiblement empêtré dans un système économique qui le perturbe, avec en plus des problèmes de libido.
Ce n'est qu'un avis subjectif que l'on est libre de ne pas partager.
Enthousiasme ? Quel enthousiasme ?
Je n'ai jamais vu ce film !!! En aurais-je dit du bien quelque part ? mon gâtisme est-il vraiment définitif ?
Comment, vous ne vous rappelez pas ? Mais allons, c'était juste après votre vibrant hommage à Mort d'un maître de thé et juste avant votre touchante tentative pour réhabiliter Arrête de ramer, t'attaques la falaise
…
Ah ! C'est vrai ! Maintenant que vous me le rappelez ! Et je crois également dispensé une fine allusion à La nuit américaine dans le corps du dithyrambe (peut-être un peu trop long, avouons-le) que j'ai rédigé pour Rodriguez au pays des merguez
de l'immortel Philippe Clair
et un questionnement assez angoissé, mais non sans rapport avec le sujet du film de Truffaut
dans une chronique assez violente où j'attaquais la sècheresse un peu trop bressonienne du Majordome est bien monté de l'austère et brûlant José Benazeraf
!
Heureusement que vous êtes là pour corriger mes trous de mémoire !
Regardez bien passer l'agent d'assurance britannique : c'est Graham Greene !
Non seulement le film est une merveille des merveilles d'un point de vue strictement cinématographique mais la musique de Georges Delerue, loin de se limiter au pastiche baroque bien connu (le fameux "Grand choral"), recèle de véritables trésors de pure délicatesse impressionniste comme "Je Vous Présente Pamela" ou "Alphonse".
La bande originale complète est disponible ici pour presque rien :
Ce n'est pas forcément mon Truffaut favori.
Je mettrais au pinacle La peau douce, La chambre verte,
L'enfant sauvage,
Les Quatre cents coups,
Tirez sur le pianiste
ou Baisers volés
mais pas forcément cette Nuit américaine
pourtant si agréable à regarder.
Comme souvent chez Truffaut, il s'agit d'un film bien écrit malgré un côté kaléidoscopique qui donne un sentiment d'hétérogénéité, au scénario assez dense basé sur diverses anecdotes inspirées de la réalité mais on est un peu sur le fil du rasoir. En tous cas on n'oubliera guère certaines séquences comme les trous de mémoire de Valentina Cortese, le chat difficile à diriger ou les rêves où le cinéaste se remémore le temps où il volait les photos d'exploitation de Citizen Kane.
Le ton semble prétentieux mais n'est pas prétentieux. On frôle les clichés avec toutes les coucheries décrites mais on ne tombe pas dedans quand même. Ce n'est pas mal joué mais la distribution est assez étrange : le jeu comme décalé de Léaud ou de Truffaut
en personne, des actrices comme Bisset
ou Cortese
peu habituées à jouer en français, un futur abonné des nanars,l'excellent Bernard Menez, la chanteuse Dani
ou l'ex-playboy Jean-Pierre Aumont.
En voilà un drôle de casting !
Dernière bizarrerie, le film dans le film, Je vous présente Paméla ressemble à un nanar en studio assez vieillot et qualité française dans ce que cette dernière a de plus suranné. Étrange pour un représentant de la nouvelle vague !
Ce n'est donc pas mon Truffaut de chevet mais cet hommage au septième art reste très attachant et dégage une impression de sincérité même si une certaine candeur a pu lui être reprochée.
Je partage l'avis de Verdun concernant les bons films de Truffaut. J'ajouterais à cette liste Le dernier métro, L'histoire d'Adèle H.
(à mon avis ses deux meilleures réussites), et aussi L'homme qui aimait les femmes,
long-métrage que je n'avais pas aimé une première fois, mais par contre très apprécié plus tard, grâce à son humour décalé, et le fait que le récit échappe aux poncifs type "aventures conjugales" pour créer un univers très original.
Ce regard amoureux porté sur le cinéma est évidemment ce qu'il y a de meilleur dans le film de François Truffaut, qui interprète lui-même le réalisateur Ferrand et on y sent la retranscription romancée de tas d'anecdotes vécues, de tas de souvenirs authentiques comme on y voit, dans leur propre rôle (Jean-François Stévenin,
alors assistant), ou dans une personnalisation fidèle (Nathalie Baye,
qui incarne l'habituelle script de Truffaut,
Suzanne Schiffman).
Regard amoureux, passionné, même, tellement éclairant dans ce que dit Ferrand à son acteur Alphonse (Jean-Pïerre Léaud)
qui veut quitter la baraque : Je sais, il y a la vie privée, mais la vie privée, elle est boiteuse pour tout le monde. Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse. Il n'y a pas d'embouteillages dans les films, il n'y a pas de temps morts. Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. Les gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est fait pour être heureux dans le travail de cinéma.
Cela produit un curieux ouvrage, qui a dû donner à son réalisateur et à ses interprètes beaucoup de plaisirs de tournage, mais qui décontenance un peu le spectateur ; ce petit monde des tournages fait songer à ces sociétés de province qui ne sont amusantes que pour ceux qui, vivant sans cesse dans leur cercle, peuvent être au fait des sempiternelles médisances, plaisanteries ou rivalités sur lesquelles pivotent ordinairement les beaux esprits de l'endroit (Eugène Suë).
C'est un peu mince, donc. Mais Jacqueline Bisset est une bien belle plante.
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