Je signale à tous ceux qui ont aimé "Massacre à la tronçonneuse" de Tobe Hooper, qu'une étude critique passionnante a été faite sur le film. Il s'agit de : "Une expérience américaine du chaos" de Jean-Baptiste THORET aux éditions DREAMLAND. L'auteur, critique et enseignant de cinéma, y fait une analyse thématique complète et très documentée. Pour en finir une fois pour toute avec cette mauvaise réputation qu'a le film depuis 20 ans. Réputation faite d'ailleurs le plus souvent par des gens qui ne l'ont même pas vu !!!
Bonne lecture.
Merci pour cette information intéressante. En effet, comme pour de nombreux films où la force de suggestion prime, combien de scénarios et ragots ai-je entendu sur ce film ? Comme le bébé de Rosemary's baby, combien on cru y voir des scènes gores insoutenables, d'autres prétendant les avoir vues dans une version non officielle et non censurée, d'autres me racontant des scènes avec des détails pittoresques comme la poule enfermée dans la cage dont la tête aurait été arrachée par leatherface, le shérif local qui aurait été mêlé à la famille et que l'on ne voit pas. Grace à la version DVD et à un certains nombres de sites sur Massacre à la tronçonneuse,
nous avons la certitude à présent que Massacre à la tronçonneuse
ne comporte aucune scène gore malgré la violence du propos du film excepté un ou deux plans de quelques secondes sanguignolants volontairement non montés… et c'est justement le fait de ne pas voir assez, la manière documentaire de filmer, ce côté kitch années 70, des plans étranges, des effets de flous, tout cela contribue à faire travailler notre imaginaire et rendre encore plus horrible et plus malsaine cette histoire.
Avec du recul, je m'aperçois que Massacre à la tronçonneuse est un film qui est d'autant plus fort qu'il vieillit. Son âge et cet aspect sale avec son image jaunie et granuleuse (pour ceux qui l'on vu en VHS) ne font que renforcer ce sentiment de répulsion. Toute la scène finale m'est toujours pénible à revoir avec cette hystérie collective, les hurlements de la protagoniste, ce diner macabre, le vieux grand-père qui ressemble plus où moins à un mort-vivant. Les vieux films des années 70 ou même les séries américaines se déroulant dans les campagnes texanes avec ces vielles fermes ou vieilles baraques en bois m'évoquent sans cesse Massacre à la tronçonneuse.
La version DVD Zone 2 nous procure ces fameuses scènes coupées (sans rapport avec les ragots et rumeurs qui circulaient et qui invoquaient ces éléments de scénario inventés et des scènes sanguignolantes) avec surtout des bouts de pellicule (sorte de rushes) non utilisées dans le montage final, un bêtisier et des interviews avec des anecdotes de tournage comme cette chaleur accablante qui était un calvaire insoutenable pour toute l'équipe.
Massacre à la tronçonneuse est le film qui aura marqué bien des esprits dans l'histoire du cinéma d'horreur.
Massacre à la tronçonneuse est à rapprocher de Psychose,
ne serait-ce que parce que les deux films font référence à l'histoire vraie de Ed Gein – personnage très particulier de l'Amérique des années cinquante – qui tuait, pillait les tombes, était nécrophage et amateur en ossements humains. Les références (clins d'œil ?) au film de Hitchcock sont en effet multiples dans Massacre à la tronçonneuse
: une même maison surélevée où gît une horreur voisine ; un escalier identique qui conduit à l'innommable ; une momie pareille à celle de la mère de Norman et pareillement éclairée par une lampe oscillante ; un panoramique avant filmant Pam s'avançant vers la maison des cannibales semblable à celui montrant, dans Psychose,
Lila Crane s'approchant de la demeure des Bates ; un œil de jeune femme grand ouvert sur le néant filmé en très gros plan pareil dans les deux films, etc. Pourtant, au-delà de cette indéniable filiation que Hooper revendique ostensiblement, les deux films se démarquent sensiblement. C'est ainsi que la momie n'est plus dans la cave, mais se trouve au grenier ; elle n'est plus montrée seule, mais veillée par un vieillard quasi cadavérique ; surtout, n'intervenant pas dans la signification du récit, elle n'est que l'un des signes horrifiques qui parsèment le film.
Le voyage des adolescents vers le cimetière, qui ouvre le film, répond à une curiosité, c'est-à-dire à un besoin de savoir (la tombe du grand-père de l'un des leurs a-t-elle été profanée ?) auquel le film doit apporter une réponse. Il s'apparente donc à un parcours initiatique qui va leur servir d'apprentissage et leur révéler le monde réel, bien différent du monde factice, que leur jeune âge et leur inexpérience les a jusqu'alors condamnés à prendre pour le vrai. Une voix off – celle de la radio du van – informe qu'un cimetière a été profané et que des cadavres ont été exhumés, mais que les autorités enquêtent : un parfait exemple de discours officiel rassurant (mais factice) que l'on tient aux enfants, ou, en l'occurrence, aux adolescents et qui se trouve bien éloigné de la réalité qui les attend. Tobe Hooper, quant à lui, développe un discours autrement plus convaincant ! Car ce qu'ils découvrent, à leur arrivée au cimetière, est un abominable totem en forme d'épouvantail, fait de cadavres aux chairs décomposées – une exhumation ô combien symbolique pour faire sortir la vérité de la gangue qui la recouvre. Ce tableau macabre complaisamment filmé en un plan saisissant, qui semble surgi du poème de Villon, La ballade des pendus, exprime la vérité du monde : la vie ne peut (ne doit ?) se séparer de la mort et l'univers est une immense matière de vie et de mort en gestation. Le cimetière ordonné, aux tombes bien rangées, est une mascarade qui vise à tranquilliser et camoufle – vainement – la vérité ainsi annoncée de la Mort. Prétendre honorer les morts, que nous serons tous un jour, en les cachant sous terre, puis en en fleurissant le lieu, revient à les abandonner, car leur vie se poursuit en une métamorphose continue que l'on se refuse à considérer autrement qu'avec dégoût et horreur.
Tobe Hooper nous guide ainsi du simple constat de la mort à une véritable investigation sur la vie après la mort : le fil conducteur du récit initiatique mène du tatou renversé mort aux cadavres exhibés ; puis, aux momies et, enfin, à l'ossuaire issu du cannibalisme et utilisé à des fins domestiques.Le visage torturé, déformé, méconnaissable de Sally, la seule survivante, à l'issue de son voyage vers la vérité interpelle le spectateur : est-il prêt à accepter sans dommage le propos de ce film ? L'initiation subie par Sally s'imprime sur son visage dé-figuré qui devient le lieu même de la terrible vérité, tel un masque indélébile. Un masque réplique inversé de celui du « Leatherface à la tronçonneuse » : savoir a pour corollaire d'effacer l'apparence et de faire surgir ce qui est sous-jacent et souterrain pour le mettre en pleine lumière ; ce qui ne va pas sans risque évident de folie. Le film a inversé les valeurs reconnues en proclamant la double vérité de la Mort sur celle de la Vie, et celle du triomphe de la Matière sur l'Esprit : l'être humain ainsi rabaissé à sa simple animalité retrouve sa juste place dans la chaîne du vivant.
Au dénouement du film, dans le paroxysme d'une nuit d'horreur cauchemardesque, alors que le jour se lève sur une aube symboliquement rougeoyante, un camion providentiel a beau délivrer et emporter une Sally enfin initiée et secouée d'un rire hystérique et fou, il ne lui rendra pas pour autant ses illusions d'adolescente. Massacre à la tronçonneuse devient alors la métaphore de toute existence traversée, un jour ou l'autre, par les prédateurs de la vie et les fossoyeurs d'illusions.
Oui, tout cela est vrai! Tellement vrai…Mais , puis-je me permettre un mot, après ce message passionnant ? Nous fleurissons la tombe de nos morts comme nous faisons la cour à une femme…Comme nous l'embrassons, comme nous lui faisons l'Amour…Donc, comme nous l'honorons ! Si nous pensions , en ces gracieux instants, ce qu'est réellement cette femme, à savoir 75% de flotte, du sang, des os , et le bel esprit que nous lui accordons prèt à devenir bouillie immonde au premier pare-brise traversé, pourrions nous prétendre l'aimer ? Nous aimons cette femme comme nous "abandonnons" nos morts…
"Nous cachons nos morts dans la terre…" Mais SUR la terre, ce sont les vérités que nous cachons…Toutes les vérités. La seule vérité ? Mais elle est la mort et elle est dans la terre !
Merci de me remettre vertement en place si je m'égare..
Vous ne vous égarez pas, Crésus et ce que vous écrivez, après avoir été largement présent dans la spiritualité du 17ème siècle a eu une forme plus sarcastique, mais tout aussi désespérée dans l'oeuvre du grand Albert Cohen : lisez ou relisez le début de Belle du Seigneur, lisez Le livre de ma mère et retrouvez, dans Solal, la définition qu'il donne du baiser, soudure de deux tubes digestifs.
Grinçant, non ?
"grinçant", en effet. C'est, je crois, Céline qui écrivait que lorsqu'on embrasse, il fallait songer aux mètres d'intestins qui prolongeaient l'orifice buccal ! (…)
En 1993, sans cris de cochons, sans tronçonneuse ni repas supposé dominical, Franck Marschal "écrivait" tout cela, fort bien également, bien qu'allant directement "à l'essentiel", dans l'excellent Alive (les survivants). Ce film, inspiré d'un fait divers (!)de 1972, relatait les aventures cannibales d'un groupe de passagers, rescapés d'un accident d'avion, tombé dans les neiges de l'Annapurna…
Et, étrangement, en pensant à ce film, on se souvient d'abord du bleu, du si joli bleu du ciel au-dessus de leurs tètes…
Alors, entre ce bleu-ci, et le ciel de ce tronçonneur là, que pourrait on mettre ? Peut-ètre les nuages de Renoir…Le seul cinéaste (avec Pagnol) à savoir filmer les nuages, autant dire la complexité de ce monde…Jacques Lantier, Nana, Gervaise n'étaient ils pas les représentants d'un cannibalisme silencieux et que tant ont jugé moral ? Mais c'est une autre histoire…
Voilà un bien joli film, frais et drôle, idéal pour une soirée familiale sous de bons auspices. Tous les petits n'enfants apprécieront le sympathique personnage de Leatherface, ce gentil monsieur qui aime beaucoup sa famille et qui découpe des gens à la tronçonneuse, comme ça, pour passer le temps. Il faudrait néanmoins, pour apprécier le film à sa juste valeur, se munir de boules Quiès, tant l'accorte et aimable héroïne ne peut s'empêcher de hurler à la mort sous les prétextes les plus fallacieux, par exemple lorsque qu'un de ses amis est atrocement massacré, ou qu'elle est poursuivie par un malade mental au visage recouvert de cuir. J'estime que ce sont là des situations de la vie de tous les jours, banales, qui ne nécessitent pas tant de décibels.
Qui ne s'est jamais retrouvé en plein désert et n' y a jamais pris en stop un fou furieux sans le savoir, je vous le demande ?
Plus sérieusement, ce film est le plus dérangeant que j'ai vu, à égalité avec le Funny games de Michael Haneke. Filmé comme un reportage, avec une image granuleuse et sale, c'est un film sorti de nulle part qui imprime durablement la rétine, par son atmosphère hallucinée, ses acteurs qui ont visiblement souffert le martyr sur le tournage, Et l'accumulation de séquences dantesques (aaaah la scène de banquet familial…aaah la transe finale de Leatherface…).
C'est extrêmement glauque et poisseux et en même temps virtuose, comme un magnifique tas de fumier.
Je pense que son interdicton en France sous Giscard d'Estaing a grandement contribué à son statut de film culte.
Heureusement.
À lire le début de votre message, Steve McQueen, j'ai eu terriblement peur qu'il ne se continue sur les riantes perspectives que vous dressez dès l'abord. Et je me suis dit que Pianiste allait tomber dans le panneau et regarder un film d'apparence idyllique (néanmoins privé d'Anouk Aimée et de Jean Rochefort).
Les glapissements effrayés que nous aurions dû subir ensuite auraient été à la mesure de votre perversité.
Heureusement, vous rétablissez dans vos paragraphes suivants l'avertissement indispensable qui doit en écarter les âmes sensibles.
Amis qui ne supportez pas l'horreur, n'allez pas jeter un œil curieux sur Massacre à la tronçonneuse : vous y ressentiriez quelques désagréments que vous ne pourriez supporter.
Vive Tobe Hooper !
D'évidence, Le silence des agneaux exploite l'usage des objets et vêtements en peau humaine. Et le cannibalisme, naturellement. La complicité morbide familiale, c'est dans The Devil rejects.
Et, de façon plus surprenante, puisque ça se passe dans nos contrées civilisées, la famille tout entière cannibale, on la retrouve dans Ma loute
de Bruno Dumont
!
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