Puisque l'on parle des Les visiteurs du soir, n'oublions pas Sous les toits de Paris qui, lui, existe en DVD zone 1 – Outre René Clair, on y retrouve Marcel Carné – Nous disposons d'un cinéma de choix et de grande qualité qui est largement oublié des éditeurs de DVD.
Et puisque l'on parle de "Sous les toits de Paris", n'oublions pas la rare simplicité de ce film qui ne lasse pas un seul instant…
Je n'ai pas, pour René Clair une admiration absolue : trop léger, trop funambulesque, trop facile, ce réalisateur qui fut le premier cinéaste – et l'unique, il me semble – à être élu à l'Académie française (je ne tiens pas Robbe-Grillet pour un homme de cinéma (ni de quoi que ce soit, d'ailleurs) et j'ai honte pour les Quarante), ce réalisateur a tourné quelques films plus jolis et insouciants que vraiment forts.
Mais il faut lui reconnaître un sens très sûr de la prise de vue, la recherche d'angles intéressants et une grande habileté à manier la caméra (je songe en ce moment même à ce qui sera, à mes yeux, sa meilleure œuvre, Les grandes manœuvres) ; le Paris populaire reconstitué en studio par le grand Lazare Meerson est toujours aussi photogénique ; Paris photographié par Izis, par Brassaï, par Edouard Boubat est retrouvé ici par la promenade sur les toits qui ouvre et clôture le film, Paris des mille spectacles merveilleux, chanteurs des rues, bals populaires, pavés mouillés, Paris des concierges grognons qui maugréent à tirer le cordon pour les locataires qui rentrent trop tard chez eux… Il y a, en un peu adouci, et en beaucoup moins tragique, il y a du Casque d'or dans Sous les toits de Paris : dans l'un et l'autre film, une belle fille est l'enjeu d'une querelle entre brave type et voyou ; mais, alors que le film de Becker est une pure tragédie, tendue jusqu'à la rupture, le film de Clair confine avec bonhomie au vaudeville puisque la belle (Pola Illéry, plus tard vedette de la première version du Tombeau hindou) hésite entre deux sympathiques garçons, l'un chanteur des rues (Albert Préjean), l'autre camelot (Edmond T. Gréville), tout cela sous le regard noir du presque marlou Gaston Modot (le futur Schuhmacher de La règle du jeu).On l'aura compris, ça ne va pas très loin, même si c'est plutôt charmant, et bien enlevé. Mais c'était sûrement, pour les spectateurs, une agréable entrée dans le monde du parlant… Car en plus bientôt, il y aurait les dialogues…
4,5/6. Qualité des prises de vue effectivement, mais aussi des aspects sonores. La gouaille populaire des parisiens de 1930 est bien illustrée et semble crédible. Des parisiens pour certains immigrés de régions (le barman a l'accent de l'Aveyron). Le peuple passe facilement du rire aux larmes, de la joie à la colère, parfois pour peu de choses (un billet perdu, une chanson simplette). C'est encore le cas quatre-vingt ans plus tard. René Clair fixe à mon avis sur la pellicule (avec plus de profondeur que celle évoquée ci-dessus par Impétueux) des caractéristiques intangibles du peuple français, notamment parisien. Mais il est aussi vrai que ces gens-là sont en voie de disparition Paris intra-muros : ils sont devenus bobos pour la plupart, et revendiquent des places en crèche, des piscines propres, et un nettoyage des trottoirs quotidien.
Sous les toits de Paris n'est pas le film français du siècle, mais un des premiers classiques du cinéma français parlant, et est sans doute à connaitre.
Ce film présente toutes les caractéristiques d'un cinéma qui prononce ses premiers mots et qui tend encore vers de longues scènes avec la musique pour seule bande-son, en revanche, je suis d'avis de débaptiser le présent fil, la chanson "Avoir un bon copain" ne figure aucunement dans cette production, et c'est Garat qui l'enregistra en 1932, et non pas Préjean.
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