Intéressant angle d'attaque, pour un scénario qui aurait pu n'être qu'une banale histoire de super-commando de "vigilantes". L'ambiguïté règne en maître tout au long de Munich, la frontière entre bien et mal s'estompe progressivement, et les apparences "héroïques" tournent au vinaigre, particulièrement lors du meurtre de la tueuse hollandaise, où trois hommes armés exécutent de sang-froid une jeune femme nue. Spielberg
oblige à se poser des questions embarrassantes, parvient à ne rendre sympathique aucun de ses protagonistes, pas même Bana,
qui a tout l'air d'un naïf aveuglé et manipulable.
Les seconds rôles n'ont aucune chair (le futur 007 traverse tout le film comme un zombie, sans imprimer la mémoire), les comédiens français sont inégaux (Attal et Kassovitz
maniérés, Amalric
étonnamment bon, Lonsdale
pilier des copros depuis les seventies, égal à lui-même, dans le rôle que tint Lino Ventura
dans le téléfilm "Sword of Gideon"). La narration est complexe, trop parfois, virant à la confusion, le dialogue est souvent alambiqué et prétentieux, et l'ennui l'emporte au long de ces 2 heures et quelques. Munich
reste une tentative intéresante de relire l'histoire sans manichéisme, ni préjugé, mais il y a quelque chose dans le style du réalisateur, qui manque depuis quelques années. Tournerait-il trop ?
La scène, déplaisante et voulue telle, de l'agonie de Marie-Josée Croze m'a surpris de la part de Steven Spielberg.
Ce cinéaste que son goût pour la guimauve mène souvent à des invraisemblances criantes (exemple : la survie de toute (!!!) la famille de Tom Cruise
dans War of the Worlds)
est ici beaucoup plus réaliste. C'est remarquable comme les scènes d'action ne sont pas "gonflées", les bombes défectueuses, les tireurs aléatoires. Très seventies, en passant; on s'y croirait. Quant à la complexité parfois décourageante de l'intrigue, ma foi, je me demande si ce n'est pas voulu, un peu comme dans Cadavres exquis
? Tous ces doubles fonds à donner le tournis, et notamment le rôle équivoque jusqu'à la fin du clan Lonsdale,
contribuent à l'écoeurement généralisé du héros / boucher Bana.
Et Geoffrey Rush,
fidèle à son habitude, est parfait. Par moments, ça m'a fait penser aux Patriotes.
Le discours est quand même très limite : tout le monde est finalement mis dos à dos, assassins fanatiques et vengeurs patriotes. C'est bien de ne pas être manichéen, mais un peu moins bien quand ça tourne à la confusion intellectuelle. Que préconise exactement Munich ? De tendre l'autre joue ? J'avoue que la complexité du scénario et de la vision de Spielberg
m'a laissé perplexe.
Œil pour œil, dent pour dent. Cette célèbre citation biblique projette sur le terrain cinq hommes programmés pour retrouver et éliminer onze preneurs d'otages disséminés un peu partout.
Le bien fondé de leur mission va s'élimer, pour obtenir des renseignements il faut dépenser des sommes considérables, certains sont peu expérimentés, doutent devant l'acte final, la manipulation des engins explosifs est dangereuse. Le statut de nouveau père de l'un d'entre eux est déphasé par rapport à l'extrême violence des combats. Les motivations s'effritent.
Ces cinq agents du Mossad vont devoir accueillir un démon encombrant : le seuil de tolérance qui au fil de la mission va bousculer un déterminisme.
On ne vit que pour soi-même en employant la loi naturelle de la bonté, cette violence est hors norme, elle détruit un processus de vie basée sur l'amour du prochain. Les lois internes naturelles sont fissurées.
Robert (Mathieu Kassovitz) est trop tendre pour cette mission, Carl (Cioran Hinds) trop religieux. L'architecture morale de ces hommes est fragilisée. La loi du talion fait d'eux des assassins, le rang d'homme s'estompe. Comment s'accepter comme père et criminel.
A quoi bon couper des branches, tout repousse irrémédiablement, ces terroristes éliminés sont remplacés par d'autres encore plus dangereux, devant cette réfléxion la coalition se remet en question de l'intérieur.
Une exécution de trop va remuer définitivement ces consciences agissant parfois sans analyses.
Cette machinerie exécute sans jugements. La cas Eichmann est évoqué, n'était-il pas préférable de rapatrier vivant ces hommes à la maison puis les juger. Cette déferlante sanguinaire est dominée par un seul processus : l'élimination brutale pure et simple sans procès.
Une vie pour une vie alors que la vie est un pole universel commun.
Munich bénéficie d'une reconstitution urbaine des années 70 exemplaire, on s'y croit vraiment. Le Paris des années 70 respire au son d'une chanson de Georgette Lemaire (Comment diable Steven Splieberg a-t-il pu découvrir ce morceau surgit du néant ?)
Par contre les cassures de rythmes empêchent une vitesse de croisière constante, le film s'essouffle pour soudain repartir dans des scènes trépidantes auditives et mouvantes semblant vouloir combler l'ennui qui précède.
Munich offre une pensée à ces machines d'exécutions qui sont dans l'incapacité de positionner un équilibre entre la rigueur et la grâce.
Le patriotisme a besoin de toute urgence de sécuriser ses enfants par le respect de leurs avenirs d'hommes.
Il faut croire que Spielberg a de très bons informateurs mais "Des millions d'amoureux", interprêté par Georgette Lemaire, fut tout de même un très gros tube. J'imagine que certaines ont dû être vertes de voir que c'est Georgette qui avait emporté le morceau ! Tout vient à point qui sait attendre …
De fait, on a assez reproché, à bas bruit, aux Juifs d'Europe de s'être laissés décimer par le nazisme sans trop réagir en se laissant mener comme des moutons à l'abattoir, pour s'étonner que le jeune et toujours menacé État d'Israël frappe aujourd'hui ses ennemis avec rigueur, vigueur et brutalité. A-t-il le choix, au demeurant, plongé qu'il est dans une région et un monde qui lui sont radicalement hostiles et qui guettent le moindre relâchement de sa vigilance ?
Donc, quelque temps après le massacre de Munich est décidée au plus haut niveau l'élimination de onze responsables palestiniens, qui ont inspiré l'opération meurtrière, l'ont matériellement conçue ou exécutée. C'est une liste, avec ses parti-pris, ses failles, ses faiblesses, avant tout destinée à montrer à l'opinion publique mondiale qu'Israël ne se laissera pas faire et punira, quel qu'en soit le coût, financier, matériel et humain, ceux qui oseront s'attaquer à son existence.Donc c'est long, c'est tordu, quelquefois mal compréhensible. On trouve Marie-Josée Croze bien belle et bien vénéneuse. Mais le film est plus un brouillon talentueux qu’une œuvre aboutie. Dommage.
Ah, au fait, est-ce que cette vengeance a été efficace ? Je ne sais pas du tout. Mais je ne sais pas du tout non plus comment on peut faire entrer un litre et demi dans une bouteille d’un litre.
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