Il importe peut-être de préciser que parmi les longues citations égrénées, voix off ou par les "figurants", qui donnent à ce film si "conceptuel" sa dimension de phénoménologie du rapport image/son/bruit, est souvent privilégié Sartre (l'être et le néant). Par exemple, la séquence, à juste titre mémorable, grand moment de cinéma moderne, de la tasse de café et de la mousse, approchée jusqu'à figurée une sorte de voie lactée cosmique.
Le langage comme maison où l'homme habite, c'est de Martin Heidegger. Et simple erratum : la mention de la problématique sociétés disciplinaires/sociétés de contrôle (en fait exprimée par Deleuze analysant, tardivement, le parcours de Foucault), ainsi que le thème du pouvoir (abordé en 76 par Foucault dans "la volonté de savoir", me semblent donc anachroniques, les ouvrages en question étant tous postérieurs à 1967…
Pour évoquer brièvement ce film : c'est un de mes préférés de Godard, malgré ou peut-être à cause de son caractère d'objet "abstrait-concret" sans histoire ni trame narrative. Ce film, par sa thématique (ville, solitude, prostitution des rapports sociaux), annonce, y compris dans son écriture et son montage, "sauve qui peut (la vie)" (1979).
L'édition dvd "cinéart" (zone 2) propose une image superbement restaurée, aux couleurs pop-art, et le mixage sonore est parfait (ah, cette omniprésence des "bruits" habituellement gommés au cinéma: machines, générateurs, cliquetis de la vaisselle dans les cafés, etc).
Le bonus est un peu faiblard, dialogue entre un Dominique Païsini un peu pompeux et onctueux, et un Freddy Buache fatigué et manquant d'allant. Par surcroit, leur conversation est bien réductrice, et le film ne me semble pas pouvoir se réduire au constat d'une "disparition du réel" et à la réduction du monde à un "bordel". Si tant est que ce film donne à voir/penser "le fantôme du réel", il donne peut-être à voir/penser, justement que nous n'avons affaire au réel que toujours-déjà disparu, spectral…
Lorsqu'il clamsera, ce qui ne saurait tarder puisqu'il aura 92 ans fin décembre 2022, il est vraisemblable que des chaînes de télévision de service public, forcément respectueuses des impostures et renommées progressistes et politiquement correctes présenteront l'un de ses films ; sûrement Arte, peut-être FR3 (mais en deuxième partie de soirée). Je gage que le choix sera restreint : tout le monde apprécie à peu près À bout de souffle, certains ont de la considération pour Le mépris
et les virtuoses s'extasient sur Pierrot le fou.
Ça ne fera pas un gros Audimat.
On s'étonne de la nocivité du monde d'aujourd'hui et on ne se rappelle pas que le ver était dans le fruit d'hier…
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