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Forum : L'Amour l'après-midi

Sujet : Critique


De dumbledore, le 26 juin 2003 à 13:10
Note du film : 5/6

Voici le sixième et dernier conte moral de Eric Rohmer. On trouve moins d'humour que dans les autres, mais la justesse psychologique est toujours la même. Le personnage de Fréderic est particulièrement savoureux, complexe tout en restant compréhensible. Son rapport aux femmes est notamment passionnant. Il est amusant de voir dans le prologue comment le réalisateur l'a affublé d'une "âme féminine" : sans complexe machiste au point de s'asseoir à la place de sa secrétaire, taper à la machine et répondre au téléphone; très à l'aise avec les femmes de son bureau avec qui il n'a pas une relation homme/femme mais une relation asexuée ; le fait qu'il passe ses après-midi à faire du shopping (à la recherche d'un pull), etc. Mais au-delà de cette caractérisation, c'est toute une réflexion sur la crise de l'homme marié que nous propose Eric Rohmer. Marié, heureux en mariage, il ne peut s'empêcher de regretter l'époque des débuts d'amour, il ne peut s'empêcher de regarder les femmes et de se demander quelle serait sa vie s'il était marié avec elles, avant de se rendre compte que ce serait la même vie… Incapable de passer à l'acte ou plus exactement castré de l'envie de passer à l'acte, il recourt au fantasme, pis-aller suffisant pour rester heureux.

La mise en scène est très sobre comme toujours. Eric Rohmer est décidemment plus un scénariste qu'un réalisateur. Ce sont les détails qui l'intéressent et qui font avancer l'action, ces petits détails qu'il maîtrise parfaitement et qui rendent ses films pareils à des modèles d'orfèvrerie scénaristique.

Certains reprocheront le manque d'histoire, de rebondissements, et le caractère psychologisant de Eric Rohmer. On répondra qu'il vogue dans les mêmes eaux qu'un Ingmar Bergman, et qu'il est plus difficile d'être juste et complexe sur des situations très communes plutôt que dans des situations extraordinaires.


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De Gaulhenrix, le 26 juin 2003 à 16:04
Note du film : 5/6

Une bonne analyse du cinéma de Rohmer, Dumbledore. Et, pour ma part, une attirance toujours renouvelée pour ce monde d'un quotidien saisi dans ses instants privilégiés où tout semble vaciller (Trintignant face à Françoise Fabian ; Bernard Verley face à Zouzou) mais qu'une volonté remet en place, comme si l'attrait charnel dérangeait un ordre qu'il faut accepter car on l'a choisi (à moins qu'il ne s'agisse d'un "pari", au sens pascalien), ou remettait en cause des valeurs supérieures -spirituelles- qu'il convient de préserver.

Certains films de Rohmer ("Ma nuit chez Maud", "Le Genou de Claire", "L'Amour l'après-midi" et "Les Nuits de la pleine lune") sont un plaisir pour les sens et pour l'intelligence.


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De Moonfleet, le 27 juin 2003 à 13:21
Note du film : 5/6

Très belle analyse dumbledore mais la sobriété de sa mise en scène ne doit pas passer pour de la 'non mise en scène'  ;-)

Pour moi ce film est l'un de ses plus faibles mais un film faible de Rohmer est toujours un bonheur de tous les instants pour ma part


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De Impétueux, le 26 mai 2006 à 11:19
Note du film : 5/6

Revu hier, ce Rohmer est sans doute moins exceptionnellement réussi que ses deux chefs-d'œuvre (à mes yeux !), Ma nuit chez Maud et (plus encore !) Le genou de Claire, mais c'est tout de même une sacrée leçon de finesse et de subtilité.

Je doute que quiconque se soit ainsi faufilé dans le quotidien évident des jours…


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De vincentp, le 12 août 2007 à 22:00
Note du film : 4/6

Le récit aborde intelligemment le sujet de l'émancipation, au début des années 1970, de la femme. Celle-ci occupe dans L'amour l'après-midi des fonctions subalternes : secrétaire, vendeuse, serveuse. Le monde professionnel est dominé par des hommes : tous patrons. Mais moins patrons d'un business -obscur- que de personnages féminins, recrutés selon des critères machistes, et dominés par des caractéristiques psychologiques. Chloé incarne la rebellion contre cet ordre établi par les hommes. Elle domine le personnage masculin principal par son intelligence, son audace, son esprit de décision. Face à elle, le personnage de Frédéric, "couille-molle", comme on dit dans le Midi, au lit et au bureau. Rohmer montre, au travers des avatars de cette histoire, comment les femmes, par leur intuitivé naturelle, leur intelligence psychologique, peuvent alors aspirer à autre chose en société qu'un rôle mineur.

Un discours "féministe", subtil, convaincant, et précurseur.

D'autant plus précurseur que la société de cette époque montre certaines faiblesses qui, près de quarante ans plus tard, sautent aux yeux : tenues vestimentaires masculines ridicules (ah, ces rouflaquettes…) , voitures ringardes, accords de couleurs aberrants, mobilier fait de bric et de broc…

Un beau témoignage en fin de compte concernant l'état de la société française à une époque, qui semble aujourd'hui appartenir à un passé fort lointain.


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De Impétueux, le 1er octobre 2013 à 12:38
Note du film : 5/6

Quoi de meilleur, lorsqu'on a passé les derniers jours à regarder des productions un peu violentes et saignantes, que d'aller prendre une cure d'intelligence du côté de chez Éric Rohmer qui, même dans les moins réussies de ses réalisations, sait, au hasard des conversations et des péripéties, dispenser une leçon narquoise et subtile ?

Et lorsque, ainsi que c'est le cas pour L'amour l'après-midi, la qualité des situations et la justesse des dialogues se hausse au meilleur des niveaux, c'est un vrai régal, un vrai bonheur ensoleillé de retrouver ces égarements du cœur et de l'esprit que Rohmer sait mettre en scène comme personne.

Frédéric (Renaud Verley) est l'associé d'un cabinet d'affaires qu'il dirige avec Gérard (Daniel Ceccaldi, impeccable, même en simple silhouette) situé à deux pas de la gare Saint-Lazare. Il vit tranquillement dans une calme bourgade de la banlieue Ouest, du côté du Pecq ou du Vésinet, avec sa femme Hélène (lumineuse Françoise Verley, au demeurant sa vraie femme dans la réalité). Verley, qui joue un personnage tendre et un peu mou a le beau physique pâle, mièvre, un peu estompé de ce jeune trentenaire assez prospère, sagement amoureux, sagement papa d'un, puis de deux enfants. Rien ne semble pouvoir déranger sa tranquille aisance.

Lorsque Chloé fait, un peu incongrûment, irruption dans sa vie, il va y avoir, sur cette eau calme, un peu d'orage. Chloé, c'est Zouzou, un des icônes singulières des Sixties, mannequin de Catherine Harlé, égérie de Saint-Germain des Prés, amante de rockers britanniques, goûteuse de la vie et des substances dangereuses. Son choix par Rohmer pour incarner cette fille bien plus libre encore que libérée est parfait. Les jolies femmes qui évoluent autour de Frédéric, notamment ses secrétaires à manteaux longs et jupes courtes n'ont jamais troublé le calme de ses nuits. Mais Chloé va envahir très lentement, très graduellement son espace, lui devenir proche ; puis chère ; puis indispensable. Elle dit qu'elle fane le jour et s’épanouit la nuit. Elle s'absente quelquefois, part en escapade ici ou là, avec un amant de rencontre. Mais à chacun de ses retours, elle s'ancre davantage dans la vie de Frédéric.

Jusqu'à… Jusqu'à où précisément ? Ah c'est bien là la subtilité de Rohmer ; là où on s'attendrait à bien banale coucherie, il y a pirouette élégante et narquoise et Frédéric revient à sa sage tranquillité. Non seulement c'est moral, mais c'est rassérénant sans être gnangnan…

Mais il n'y a pas que l'agrément du récit qui séduise dans le film : il y a les mille notations sur la vie des villes, sur le plaisir des foules, notations bien éloignées des habituelles adulations campagnardes, si souvent nunuches. Je sais bien que, pour qui apprécie la verdure et les petits oiseaux ces considérations paraissent du chinois et que regarder, à six heures révolues, la course tourmentée des banlieusards vers leurs trains peut faire frémir devant la douceur, réelle ou prétendue, des villages… Je suis bien plus sensible au point de vue de Frédéric qui, dans le tourbillon animé de la grande ville songe à la torpeur morne des rues vides des après-midi de province. Sensible à ce sentiment que la grande ville, c'est la constance du sentiment de présence de l'inconnu et de sa survenue possible. Sensible à la fièvre grisante qui parcourt à tous moments ses artères…

Le sixième et dernier des Contes moraux n'a pas tout à fait la profondeur de Ma nuit chez Maud ou le charme du Genou de Claire ; mais c'est un très intéressant exercice de style, très écrit et plein de brio.


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