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Sujet : Froid, distant, inquiétant


De fredouille1211, le 23 novembre 2005 à 13:45
Note du film : 5/6

Pour décrire ce film, on peut employer plusieurs adjectifs : il est grotesque et certainement absurde, mais il est surtout inquiétant. La cruauté et la brutalité deviennent incontrôlables, l'histoire se termine par un bain de sang imprévisible car les protagonistes ne sont pas maîtres de la situation. Dans Fargo, tout va un peu plus lentement qu'ailleurs. Notamment à cause du paysage enneigé où chaque mouvement prend trois fois plus de temps que d'habitude.

Tout joue un rôle dans cette histoire qui traite de la réalité du crime et de la capacité du Mal à devenir autonome. Les criminels sont cupides, bêtes et nerveux, la police n'a besoin que de les suivre à la trace et de rassembler les cadavres.

Fargo est le film le plus froid, le plus distant de tous les films des Frères Coen, sans doute parce qu'il est peu spectaculaire. Les couleurs demeurent ton sur ton, presque monochromes, la musique est minimaliste, les dialogues réduits à leur plus simple expression.


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De Gaulhenrix, le 19 avril 2007 à 01:25
Note du film : 6/6

Une analyse très pertinente, Fredouille1211

Dans un Minnesota recouvert d'une neige-symbole (de la difficulté des personnages à communiquer entre eux), Joel Cohen construit un escalier de l'horreur tragi-comique dont chaque marche mène inévitablement les protagonistes vers un sommet dramatique.

Tragique, d'abord, rendu par l'inoubliable musique de Carter Burwell (et notamment du thème musical intitulé North Dakota) qui illustre à merveille l'engrenage funeste des événements et suggère, en contrepoint des fréquents plans de paysages enneigés, toute la vacuité de la vie et la grande solitude des personnages. Les personnages, précisément, hommes et femmes simples, voire primaires, suscitent à la fois compassion (pour Jean et Jerry dans ses vains efforts pathétiques pour trouver une issue), répulsion (pour Carl et, surtout, Gaear, personnage mi-animal mi-humain) et tendresse amusée (pour la policière Marge Gunderson, interprétée par Frances MCDormand, et son mari).

Comique, aussi, grâce au second degré de l'humour noir qui affleure tout au long du film, notamment dans les séquences qui montrent un Gaear stupéfiant d'inhumanité, ou encore lors des scènes d'intimité entre Marge et son mari, placées sous le signe d'une vie heureuse mais étriquée, d'une existence paisible mais professionnellement rigoureuse. Bref, ils mènent tous deux la vie que Jerry Lundegaard, pour son malheur et celui de sa famille, n'a pas su accepter.

Faut-il voir dans le film un propos plutôt cynique – qui semble l'avatar obligé d'un second degré toujours sous-jacent – selon lequel il faut savoir rester à sa place, ne faire que ce pour quoi on est fait et accepter sa condition, alors que l'illégalité semble réservée aux plus malins (le beau-père et son associé) ? Les destins contraires entre les personnages qui ont réussi leur vie (Marge et son mari) et ceux qui ont échoué (Jerry) – alors qu'ils sont issus du même milieu – sembleraient le prouver.


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De PM Jarriq, le 19 avril 2007 à 08:49
Note du film : 6/6

Ce qui m'a toujours le plus séduit dans Fargo, ce sont ses digressions : la longue scène entre Marge et son ancien copain asiatique, qui s'éternise et… ne mène à rien. L'interrogatoire minable des deux filles qui ont couché avec les tueurs, l'échange entre Buscemi et le gardien de parking… En accumulant ce genre de saynettes, Coen parvient à créer tout un univers autour de l'enquête elle-même, et à prouver finalement qu'au royaume des aveugles, le borgne est roi. Le borgne étant ici Frances McDormand, fliquette pas bien vive ni bien fûtée, mais géniale, comparée à ses hommes, aux kidnappeurs incompétents, au suspect ringard. Il y aurait beaucoup à dire sur Fargo, qui demeure à mes yeux, le chef-d'oeuvre des frères Coen, celui qui les résume le mieux. Car le plus surprenant dans tout cela, c'est qu'on ne méprise personne parmi ces "freaks", et qu'on finit même par être en empathie. Pour cela, le réalisateur doit beaucoup au talent de McDormand, Buscemi et Macy (magistral), qui ne cèdent jamais à la caricature, et campent ces débiles légers avec sérieux et même émotion.


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De Gaulhenrix, le 19 avril 2007 à 11:06
Note du film : 6/6

En effet, PM Jarriq. Je revois ma note et je salue, comme tu le fais, un William Macy magistral.

Les digressions de Fargo en évoquent d'autres : celles que Tarantino multiplie dans Pulp fiction (échanges désopilants sur le hamburger selon les pays, sur Dieu, etc.) et qui produisent le même effet, à savoir une sorte de compassion toute particulière pour ces personnages repoussants, mais si humains. Je songe aussi au film de Sam Raimi Un plan simple (même paysages enneigés, même climat glacial) et aux efforts désespérés des personnages pour s'extraire vainement du piège dans lequel le destin les enferme inéluctablement, heure après heure, minute après minute, comme si leurs vies ne pouvaient être que tragiques. On y retrouve d'ailleurs un Billy Bob Thorton pathétique, en frère d'un excellent Bill Paxton.


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De droudrou, le 19 avril 2007 à 17:18
Note du film : 6/6

Tout à fait d'accord avec vos avis et aussi avec les divers films cités à titre de rapprochement… Chaque fois qu'on m'évoque le titre de "Fargo" je pense aussitôt à "Un plan simple"… Que de personnages…

En opposition, je pense aussi au film d'Egoyan "De beaux lendemains" (The Sweet Herreafter) : Une adolescente sauve des manœuvres d'un avocat sa communauté endeuillée par la mort d'enfants dans un accident de bus scolaire… Très différent !


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De Impétueux, le 5 avril 2009 à 15:57
Note du film : 5/6

Une des grandes qualités de DVD Toile est, assez souvent, de donner envie ; ignorant presque tout des frères Coen, bien que j'aie beaucoup apprécié O' Brother (mais me sois passablement ennuyé avec No Country for Old Men), tombant par hasard sur les propos alléchants de nos distingués Gaulhenrix (qu'est-il devenu, cet excellent contributeur ?) et PM Jarriq, je me suis passé Fargo hier et je me suis régalé.

En tout cas, je n'ai rien à redire sur ces pertinentes analyses (le questionnement sur la moralité – comme il y en a dans les fables – de Gaulhenrix) et ces subtils éclairages (le doigt mis sur les digressions par PM Jarriq). J'ai beaucoup aimé le contraste entre l'extrême violence, le côté presque Grand Guignol des meurtres et autres sauvageries, par exemple la vision cocasse de la jambe de Showalter (Steve Buscemi) que son complice Grimsrud (Peter Stormare) se prépare à passer au broyeur à bois lorsqu'il est surpris par Marge (Frances McDormand), contraste, donc entre l'outrance cruelle de tueries, et la platitude mortelle de la vie des personnages, qui va de pair avec la mortelle platitude du décor.

Doux Jésus, est-il vrai que des hommes peuvent habiter dans ces solitudes glacées du Dakota du Nord, brouillardeuses et surtout sans relief, où l'on imagine que des kilomètres et des kilomètres de plaines battues par des blizzards coupants se succèdent à l'infini ? Rien d'étonnant que cet État soit 48ème sur 50 dans l'ordre des populations (alors qu'il est brillamment 19ème dans l'ordre des superficies !) ; rien d'étonnant non plus à ce que les protagonistes du film soient nombreux à porter des patronymes scandinaves (Lundegaard, Grimsrud, Gustafson, Gunderson, Olson), ça doit vraiment correspondre à une réalité de terrain ! Rien d'étonnant non plus à ce que ces malheureux puissent ingérer des nourritures aussi manifestement dégoutantes que celles, à base de poulet frit, de brocolis et de mixtures diverses, dont s'empiffrent Marge et son taciturne mari (John Carroll Lynch) lors d'une étonnante scène dans un self-service où la piste qui mène à Jerry Lundegaard est ouverte pour la première fois…

Cela dit, nous pourrions collectivement nous préoccuper de savoir si nous ne pourrions pas aller quelque jour aller chercher le presque million de dollars qui, me semble-t-il, dort toujours auprès d'une longue clôture barbelée, simplement signalé par une pelle rouge vif, sous une vaste couche neigeuse…

À moins que, quelquefois, au Dakota du Nord, la neige fonde… Mais ça m'étonnerait…


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De PM Jarriq, le 5 avril 2009 à 17:55
Note du film : 6/6

En tout cas, pas plus tard que le 29 mars dernier, cette bonne ville de Fargo a failli être engloutie par une inondation… Quelqu'un a peut-être retrouvé ce fameux sac, flottant entre les maisons ?

Pour Impétueux : si tout n'est pas bon dans l'oeuvre des deux frérots, il vous reste à découvrir les indispensables Big Lebowski et surtout Barton Fink. Le reste est moins urgent…


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De vincentp, le 5 avril 2009 à 19:55
Note du film : 4/6

4,5/6 pour Fargo. Barton Fink, The big Lebowski ? Contrairement à PM Jarriq, je ne suis pas un fan des frères Cohen, même si leur cinéma est plutôt original, mais avec un côté un peu artificiel, fabriqué, qui peut irriter. Souvent bon, jamais vraiment très bon. Barton Fink m'a énormément déçu.

Lebowski est l'histoire d'une homonymie avec effectivement de bons cotés, des références à Raymond Chandler, mais aussi des dérapages incontrôlés. Anecdote marrante en lien avec ce film : j'ai un homonyme (et un seul heureusement) qui vivote de façon louche dans le Sud-Ouest. Régulièrement, je reçois via facebook des mails bizarres ou même une fois aguichant, adressé par des individus qui se trompent de personne. Mais heureusement pour vous Impétueux, il n'existe qu'un seul Impétueux : celui de dvdtoile ! Si vous avez aimé Fargo, vous aimerez Affliction ou Un plan simple, deux polars dans l'amérique contemporaine et profonde.


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De PM Jarriq, le 5 avril 2009 à 20:18
Note du film : 6/6

Fan des frères Coen ? Pas réellement. Big Lebowski est réussi, mais reste une galéjade sans conséquence. Barton Fink, par contre, est un des films les plus profonds et cyniques sur l'acte d'écrire, la frontière entre imaginaire créatif et folie pure et simple, et plus généralement sur le monde du showbiz.


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De Arca1943, le 6 avril 2009 à 01:04

« À moins que, quelquefois, au Dakota du Nord, la neige fonde… Mais ça m'étonnerait… »

L'Alaska, patrie de la sémillante Sarah Palin, est j'en ai peur le seul État américain où la neige ne fond pas. Ce qui ne veut pas dire que la valise ait disparu pour autant : les passants ne sont guère nombreux dans le coin, à l'évidence.

Même au Canada, la neige fond. Ainsi, présentement à Montréal, il ne reste presque plus de neige, c'est dire ! Jeudi dernier en après-midi, la température est même montée jusqu'à 12 degrés centigrades : le printemps est à nos portes…


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De Torgnole, le 6 avril 2009 à 14:39
Note du film : 5/6

Et bien moi je m'assume en tant que fan des frères Coen. Jarriq apprécie beaucoup Barton Fink, ce film est peut-être celui que j'aime le moins, trop boursouflé sans doute. S'il fallait un film auquel le comparer sur "l'acte d'écrire, la frontière entre imaginaire créatif et folie pure et simple" je lui préfère de loin Le Festin Nu.

Les frères Coen aiment personnifier les univers qu'ils décrivent, souvent des endroits bien particuliers, pour cela, ils prennent le temps de développer des personnages singuliers, reflets de leur univers, puis l'intrigue s'y adapte, d'où l'utilité de ces "digressions" donnant consistance à l'univers décrit. L'excellent Fargo se base sur une histoire vraie, l'intrigue à donc une importance considérable mais peut aussi devenir une limite, même si l'extravagance de la réalité dépasse souvent la fiction. J'ai l'impression que chez les frères Coen, il y a toujours cette recherche d'un équilibre entre l'intrigue et l'univers, entre le fond et la forme.

Dans The Big Lebowski, l'équilibre est parfait, il n'y a aucune limite car Los Angeles est un endroit éclectique. Ce film est pour moi, l'apogée de leur style, on remarquera que chaque scène est une épreuve de compatibilité. Comment Walter et Dude peuvent ils être amis? Les personnages sont tous perchés dans un trip différent, voire, des époques différentes. Tout est décalé, il n'y a aucune harmonie, la communication entre les individus paraît impossible, The Dude semble toujours inadapté aux endroit où il se trouve et pourtant, il est "l'homme de L.A.", "parfaitement à sa place", nous dit le narrateur, lui-même perché dans son trip Cow-Boy, au sein de ce patchwork d'individus.


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De Nicoco, le 20 février 2012 à 20:27
Note du film : 5/6

Je rejoins l'avis général de ce forum, Fargo est un petit bijou de polar noir, une des meilleures œuvres des frères Cohen.

J'ai toutefois une légère préférence pour leur 1er film, dans la même veine, Blood Simple, en français « Sang pour Sang », bien plus machiavélique. Les deux films sont du reste assez comparables : leur histoire (une sombre histoire de kidnapping / d'assassinat de l'épouse, commanditée par le mari, jaloux de l'amant dans un cas, intéressé par l'argent du beau-père dans l'autre) fait intervenir des personnages idiots et complètement dépassés par la complexité de leur projet criminel et la tournure que prennent les événements.

D'ailleurs une scène de Blood Simple se reproduit à l'identique dans Fargo : celle du cadavre planté au milieu d'une route déserte, dans la nuit (Blood Simple) ou dans la neige (Fargo) que le tueur tente désespérément de transporter jusqu'à sa voiture, juste au moment où une autre voiture, sortie de nulle part, arrive en sens inverse. La conclusion de la scène est toutefois différente dans les deux films.

Un bémol pour Fargo : je regrette que l'intrigue soit si facilement résolue. Ce n'est que par hasard que Frances McDormand trouve le repaire des deux bandits, alors même qu'elle était sur leur piste. Il ne lui en fallait pas tant pour mener à bien cette enquête qui se résolvait toute seule, non pas grâce à ses talents (quoique, elle formule lors de la scène du triple meurtre la bonne hypothèse tout de suite ! ) mais par l'incompétence des malfaiteurs et du mari. Je trouve ainsi la fin du film légèrement bâclée.


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