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Sujet : De main de maître


De totoro, le 3 mai 2003 à 00:00

C'est en 1945 que David Lean trouve avec ce film un succès critique et populaire international : ce film romantique magnifié par la musique de Rachmaninov (Concerto pour Piano et Orchestre n°2 do mineur – Opus 18, composé en 1901) est mené d'une main de maître de bout en bout, et ici le style de Lean est remarquable de finesse : un casting irréprochable (le duo d'acteurs est sublime), une photographie magnifique (assez sombre avec des noirs dominants et l'apparence globale velouté et non agressive, à l'opposé de l'expressionisme "à la Fritz Lang" utilsé pour Oliver Twist). Il en ressort une ambiance dépouillée et triste qui dépeint cette histoire d'adultère intimiste et réaliste (théme récurrent de l'amour interdit chez Lean : La Fille de Ryan, Doctor Zhivago, et La Route des Indes par exemple…). La grande place donnée la musique fait ressortir les émois intérieurs de la jeune femme qui raconte en flash-back son histoire d'amour. Tous ces procédés seront réutilisés dans La Route des Indes pour retranscrires les émois de la jeune héroïne… Enfin, on retrouve des trouvailles visuelles qui font la marque des plus grands, notamment la séquence où la jeune femme a la tentation de mettre fin à ses jours, qui est un moment exceptionnel.


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De Freddie D., le 7 février 2006 à 14:23

C'est sa banalité, sa description naturaliste du quotidien de "petites gens", soudain transcendés par l'amour, qui fait tout l'intérêt et la raison d'être de Brève rencontre. Pour rire un bon coup, je propose aux admirateurs de ce film, de jeter un coup d'oeil sur son remake, portant le même titre, et récemment sorti en zone 2, avec… Sophia Loren et Richard Burton ! Excellent casting, non ? Le pauvre réalisateur passe tellement de temps à nous convaincre que ce ne sont pas des stars, mais des gens normaux, comme vous et moi, avec un métier, des enfants, etc., qu'il en oublie de traiter le sujet, et accumule les séquences "quotidiennes" assommantes. Ce cast est un tel contresens, que le remake devrait être proposé en supplément du film de Lean, pour montrer pourquoi l'original est un grand film et le remake une clownerie pitoyable. Tant qu'à voir Burton et Loren ensemble, autant que ce soit dans "Le voyage", de Vittorio de Sica, tourné à la même époque, et autrement plus intéressant…


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De vincentp, le 22 décembre 2008 à 23:10
Note du film : 5/6

Très belle étude psychologique de deux amants, pris au piège de la passion amoureuse. Aux qualités (musique-prises de vue) déjà énumérées par Dumbledore, on peut ajouter la qualité de l'écriture cinématographique qui montre :

  • > l'enfermement de ces individus dans leurs sentiments, cela par le biais d'un flash-back particulièrement inventif,
  • > le crescendo de plus en plus déchirant de cette histoire par un réemploi modulé des mêmes décors et individus,
  • > le panel large des émotions et pensées véhiculées par l'héroïne par une utilisation judicieuse de sa voix-off.

Lean et ses collaborateurs font en moins de 90 minutes un tour de la question sur ce sujet intemporel. L'auteur a eu au total six épouses et sans doute en connait-il déjà un rayon quand il réalise ce film. Mais ceci ne nous regarde pas…

Cette histoire a largement inspiré Sur la route de Madison, c'est une évidence.

 

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De Impétueux, le 3 mars 2021 à 17:52
Note du film : 4/6

Formidable succès du titre de ce film qui est allé jusqu'à passer dans le langage courant. Tout y est : la concision, la netteté, le sentiment d'urgence, la précarité ; on pourrait presque ajouter la banalité et même la grisaille et on n'aurait pas tort, tant Brève rencontre est l'illustration parfaite de la vie qui coule, un peu douce, un peu triste, un peu médiocre, un peu rassurante. Je songe à un mot de Jean Giono dans je ne sais plus quoi : Le désir amoureux, feu téméraire et volage…. Téméraire, puisqu'il peut tant et tant abîmer des hommes et des femmes qui sont devant lui si fragiles ; volage, parce qu'il n'a pas d'avenir s'il ne permet pas un projet ancré dans la durée.

Structure intelligente du film de David Lean, qui s'engage et presque se termine par la même séquence, la fin donnant toute sa saveur au début, dans le buffet miteux d'une petite gare de la banlieue anglaise au lendemain de la guerre. Gare où se ponctueront beaucoup des épisodes de la courte histoire de Laura Jesson (Celia Johnson) et du docteur Alec Harvey (Trevor Howard). Brumes souillées des trains qui passent, fumées pleines d'escarbilles de charbon, marivaudage (!!) quotidien d'Albert Godby, le chef de gare (Stanley Holloway) et de Myrtle Bagot (Joyce Carey), la revêche tenancière du buffet. Les banlieusards attendent les trains qui les reconduisent chez eux avec patience et résignation.

Tiens, encore une citation qui me semble particulièrement appropriée à la vie conjugale de Laura et d'Alec, jusqu'à ce que l'un et l'autre soient si brièvement réunis par un coup de cœur qui demeurera sage, de justesse d’ailleurs : elle est dans La belle image de Marcel Aymé : Le bonheur d’un ménage est au prix d’un aveuglement réciproque, d’une volonté paisible de se méconnaître mutuellement. Les époux sont comme des rails de chemin de fer, ils vont à côté l’un de l’autre en respectant l’intervalle et si jamais ils se rejoignent, le train conjugal fait la culbute. La vie tranquille de Laura (on ne verra rien de celle d'Alec) est faite de cela : Fred (Cyril Raymond), son mari, paraît être un homme solide, bienveillant, doux, attaché à sa femme et à ses jeunes enfants ; ennuyeux ? pas même ! sortir pour emmener les enfants au cirque ou à la pantomime, ou aller en couple au cinéma, bien volontiers. Mais c'est un type très positif au sens le plus trivial du terme : il ne connaît ni poésie, ni littérature et il a besoin des lumières de Laura pour certaines définitions des mots croisés, qui sont sa marotte vespérale.

Est remarquablement fine la description de cette passion qui va durant quelques semaines faire vibrer le médecin et la ménagère ; rencontre inopinée, intervention du médecin pour ôter une poussière de charbon malencontreusement logée dans l'œil de la jeune femme, rencontres ultérieures d'abord par le plus grand des hasards mais avec une sympathie immédiate, puis l'attirance acceptée, la cour discrète et délicate et enfin le bouleversement sans issue des vies. De très belles séquences : celle par exemple où Laura semble fascinée par le discours enthousiaste d'Alec sur la médecine préventive, mais qui, en fait, est parcourue par le métalangage amoureux, c'est-à-dire le coup violent du désir physique qui est sublimé par l'apparent intérêt donné à la générosité sociale prêchée par le médecin.

David Lean filme ce qui est, en fait, l'adaptation d'une pièce de théâtre de Noël Coward avec beaucoup de délicatesse et de doigté. Il parvient à représenter la grisaille britannique sans acrimonie mais avec une sorte de complicité pour ces gens de grande banalité. Après tout, si Brève rencontre a rencontré tant et tant de succès, n'est-ce pas du fait que le film représentait ce que nous aurions pu tous rencontrer ?


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