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Forum : Les Sentiers de la perdition

Sujet : Déçu d'être déçu...


De dumbledore, le 21 septembre 2002 à 00:00

Après le succès d'American Beauty, on attendait avec curiosité le prochain film de Sam Mendes. Le casting était impressionnant (Tom Hanks, Paul Newman, Jennifer Jason Leigh, Jude Law), le sujet passionnant (une adaptation d'une bande dessinée réaliste et violente). Seulement, au résultat, on ne peut être que déçu. Plus étonnant, on est même intrigué par cette déception car au fond, tout est là pour que le film soit bien.

Le scénario est quasiment un modèle du genre. Les scènes sont courtes et efficaces, maintenant sans cesse la tension et la curiosité. Les personnages sont décrits avec finesse et efficacité. Les thèmes abordés sont bien traités (la filiation : Paul Newman avec Tom Hanks, (Tom Hanks avec son fils ; le rapport à la violence, fondatrice à l'époque de (Tom Hanks mais qui ne l'est plus avec son fils ; le thème du voyeurisme avec le fils qui regarde et découvre la " scène originelle ", ce qui va causer un drame par la suite, ou bien encore le personnage de Jude Law), voyeur morbide, qui joue le rôle totalement opposé à l'enfant etc, etc).

Les comédiens sont formidables. Tom Hanks aborde un caractère qu'il n'avait jamais joué jusque là et s'en sort plutôt bien, même s'il joue un peu trop au type qui a tous les malheurs du monde sur les épaules. Paul Newman prouve que même s'il a pris un sacré coup de vieux, il en a encore sous la botte : en quelques répliques, en quelques gestes, il sait faire naître l'émotion. Jude Law est un peu moins bien loti avec un personnage caricatural duquel il n'y a pas grand chose à tirer. Quant à Jennifer Jason Leigh, on ne peut que la plaindre de s'être trouvée là, dans un rôle insignifiant qui fait un peu tâche dans sa filmographie passionnante.

La mise en scène est elle aussi irréprochable. Elle est carrée, efficace et réussit même à devenir sublime dans deux scènes : la dernière scène avec Paul Newman et le plan de face de Tom Hanks avec la mer qui se reflète sur lui créant une sérénité impressionnante.

Seulement, malgré tout cela, le film ne prend pas. Il ressemble à un gros gâteau bien riche, mais indigeste. Ce que l'on sent peser durant tout le film, c'est la patte d'Hollywood qui formate totalement le film et le transforme en un produit finalement sans âme et trop bien pensant. La violence par exemple. Comme Tom Hanks tue des gens dans le film, il doit forcément payer d'une manière ou d'une autre. La problématique du fils qui se sent incapable de se servir du revolver frôle le pathétique digne d'une Virginie qui préfère mourir noyée plutôt que de retirer ses vêtements et pouvoir rejoindre son Paul : on n'est plus dans la réalité des personnages mais dans des codes de morale. Idem pour le personnage de Tom Hanks. C'est un tueur, mais on ne le voit jamais tuer !! Quand il tire, il est toujours soit hors champ, soit filmé par bouts. Encore une fois, on sent Hollywood qui accepte que le gentil Tom Hanks joue un méchant, mais on ne le montre pas pour ne pas choquer…

Alors, non, on ne peut pas dire que le film soit mal fait. Il est très bien fait, seulement, il n'y a pas d'émotion, pas de sentiments… Et ça, c'est tout de même gênant dans un film !

Avec ce film, on peut se poser la sempiternelle question, à savoir est-ce que Hollywood n'est pas en train de mourire lentement d'asphyxie !… Et de nous asphyxier avec !!


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De PM Jarriq, le 19 mars 2007 à 11:01
Note du film : 4/6

Tout à fait d'accord avec cette critique (déjà ancienne !), mais si je n'avais pas vraiment accroché à première vision, j'avoue qu'une seconde m'a davantage séduit. Le film de Mendes est une sorte d'épure sans âme, mais maîtrisée avec un soin maniaque, les personnages sont esquissés, mais il y a un tel esthétisme, qu'on reste accroché. Bien sûr, Hanks dérange indéniablement dans ce contremploi : trop grassouillet, dénué du moindre charisme, oui Jude Law est nul en tueur cinglé. Bien sûr, le rôle de sa femme aurait pu (dû) être plus étoffé, mais les seconds rôles assurent : de Daniel Craig (méconnaissable) en fils à papa dégénéré et lâche, à Stanley Tucci en Frank Nitti business man, en passant par Newman, impérial en vieux caïd. Malgré tous ses défauts, Les sentiers de la perdition laisse des images gravées dans la mémoire : une exécution sous la pluie battante, une maison au bord de la mer… Déjà pas mal, par les temps qui courent.


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De Gaulhenrix, le 24 mars 2007 à 00:29
Note du film : 5/6

Je découvre avec quelque retard ton avis, PM Jarriq, sur ce film, mais je tiens à partager tes remarques concernant la note du film et le choix des séquences à retenir : la scène de l'exécution des membres de la pègre orchestrée en un tableau saisissant (filmée au ralenti, nocturne, sous une pluie battante, muette et silencieuse) magnifié par une photographie splendide ; la scène du châtiment final précédée d'une photo surexposée qui met en lumière l'accomplissement du héros.. J'ajouterai la scène du premier meurtre – partiellement (sans doute pour mieux révéler symboliquement l'effroi de la vision forcément tronquée qui est celle d'un enfant) – entrevue par les yeux horrifiés du fils caché.

J'ai, par ailleurs, apprécié le double mouvement – parallèle mais inverse – qui succède au meurtre : à la fois une descente aux enfers (se venger signifie pour Michael Sullivan se retrouver seul, en danger de mort, contre la pègre), et une ascension vers une rédemption spirituelle (assurer la survie de son fils est une façon de se racheter de son passé de criminel et de mauvais père).

Mais c'est visuellement – et c'est l'un des atouts du film – que Sam Mendès traduit ce double mouvement : il nous montre un Michael Sullivan très entouré à l'écran au début du film (relations nombreuses, amis précieux et famille refuge) pour, progressivement, l'installer dans une solitude désespérée, en charge d'un enfant qui représente une entrave face à un univers hostile et menaçant, alors même qu'il est pourchassé par un tueur psychopathe (Jude Law) lancé à ses trousses. De même, le chemin du rachat se lit à travers les transformations successives d'un décor et d'une lumière très symboliques : la neige glaciale du début du film fond peu à peu ; lui succède une pluie dense, diluvienne, oppressante ; avant que la lumière de l'océan n'envahisse l'image à la fin du film. De la neige au soleil de la mer, de l'ombre à la lumière, ces sentiers-là mènent au salut. Mais un salut qui exige son tribut : le châtiment est souvent le prix à payer pour pouvoir se racheter… La qualité de la photographie (due au chef opérateur Conrad Hall, décédé depuis) est proprement superbe, qui organise souvent une profondeur de champ visant à exprimer le refus des apparences (c'est-à-dire le premier plan) et la sensation (Cf. la partie inférieure de la jaquette du Dvd) que le héros et son fils sortent littéralement d'un passé trouble (désormais derrière eux) qu'ils rejettent pour s'avancer vers la lumière et la réconciliation avec eux-mêmes.

Le réalisateur s'interroge ainsi, comme dans American beauty, sur le rôle social des apparences et, en contrepartie, sur notre besoin profond de vérité et d'accord avec nous-même, à travers des personnages nuancés et complexes qui sont, tour à tour, dans l'ombre et la lumière, comme l'illustre la photographie du film.

Il signe un film, certes, très construit et – en apparence seulement – glacé, mais que j'ai trouvé, pour ma part, émouvant, voire poignant.


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De littlecat, le 14 janvier 2008 à 13:04

Entièrement d'accord avec toutes vos remarques sur ce film que j'ai admiré. C'est le nom de Paul Newman, encore si séduisant il y a quelques années, qui m'avait attirée. J'ai découvert Tom Hanks, très paternel, un peu grassouillet peut-être pour le rôle inquiétant d'un tueur, en tout cas pas avec une tête de salop ; j'ai découvert Jude Law et Daniel Craig, plus inoubliable que le précédent. Ce n'était pas du temps perdu.


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De Impétueux, le 30 novembre 2019 à 23:40
Note du film : 4/6

Ma foi, aux vertueux et ripolinés États-Unis, on pourrait dire que tout est mal qui finit bien, puisque ces Sentiers de la perdition qui auraient dû conduire le jeune Michael Sullivan (Tyler Hoechlin) à s'installer dans la commode carrière de tueur à gages à quoi tout le prédisposait le conduisent finalement à rejeter avec horreur ces oripeaux et à effectuer un retour à la terre. À quoi tout le prédisposait, ai-je bien écrit, parce qu'il y a, dans l'Illinois des années 30, du fait de la stupide vertueuse prohibition, une sorte de climat d'évidence qui aurait dû installer le gamin dans les pas de son père.

J'exagère un peu puisque c’est fortuitement que l'adolescent, élevé dans le respect scrupuleux des bons principes par des parents aimants, découvre que tous ceux qui l'entourent sont des criminels épouvantables pour qui la vie humaine est une variable d'ajustement. C'est d'ailleurs assez merveilleux ce côté assez rassis et bon enfant de la troupe trafiquante de John Rooney (Paul Newman), qui serait un parfait grand-père gâteaux si… Si précisément ce n'était pas un chef de bande sans aucune pitié qui fait exécuter concurrents et séides avec la même détermination et qui n'a pas le moindre scrupule dès qu'il a le moindre doute sur la sécurité de son business. C'est d'ailleurs une constante de cette engeance et je me suis rappelé une scène célèbre de Casino de Martin Scorsese où un patriarche de la Mafia, alors que chacun s'interroge sur le sort d'un homme de main qui pourrait avoir commis une imprudence, conclut par un Pourquoi prendre le risque ? tout à fait glaçant.

Si l'on fait abstraction des considérables invraisemblances qui émaillent le film de Sam Mendes, cette histoire de Michael Sullivan Sr (Tom Hanks), consciencieux fonctionnaire du meurtre qui, par la suite d'une imprudence de son fils Michael Jr et du zigouillage concomitant de sa femme Annie (Jennifer Jason Leigh) et de son autre fils Peter (Liam Aiken) est amené à ruer dans les brancards ne manque pas d'originalité. D'autant que le scénario a imaginé l'existence d'une relation quasi filiale entre l'exécuteur des basses œuvres et le chef de clan Rooney/Newman et la jalousie vipérine de Connor (Daniel Craig), fils légitime, mais méprisé dudit chef de clan. Vous mettez tout cela dans la centrifugeuse, appuyez sur le bouton et obtenez une belle histoire de bruit et de fureur ponctuée d'assassinats multiples et souvent spectaculaires.

C'est agréablement filmé, avec un sens très sûr des images frappantes. Les séquences de pluies diluviennes qui trempent les chapeaux de feutre et les gros pardessus de tout le monde et qui interviennent à de bons moments de furie meurtrière sont ainsi celles dont on pourra se souvenir. Et le réalisateur trompe habilement son monde, avec une belle roublardise, en montrant, à la fin, au moment où l'on pourrait croire le film achevé sur des aventures conclues au mieux, une plage de début du monde, une maison d'apparence paisible mais où le drame se conclura. Entre parenthèses, il aurait cent fois mieux valu clore là le propos, sur une sorte de bonheur dans le crime, plutôt que de tourner la scène ridicule où le truand blessé à mort par surprise tue son ignominieux assassin le sanguinolent photographe Harlen Maguire (Jude Law) sur qui son garçon n'ose pas tirer. Voilà qui est très gnagnagna.

Mais, ainsi qu'on l'a dit, comment Hollywood pourrait-il imaginer une fin opportunément immorale, surtout lorsque c'est Tom Hanks, le héros attachant de Forrest Gump et de Seul au monde qui porte, avec talent, tout le poids du film sur ses épaules alourdies ?


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