Après le succès d'American Beauty, on attendait avec curiosité le prochain film de Sam Mendes.
Le casting était impressionnant (Tom Hanks,
Paul Newman,
Jennifer Jason Leigh,
Jude Law)
, le sujet passionnant (une adaptation d'une bande dessinée réaliste et violente). Seulement, au résultat, on ne peut être que déçu. Plus étonnant, on est même intrigué par cette déception car au fond, tout est là pour que le film soit bien.
Le scénario est quasiment un modèle du genre. Les scènes sont courtes et efficaces, maintenant sans cesse la tension et la curiosité. Les personnages sont décrits avec finesse et efficacité. Les thèmes abordés sont bien traités (la filiation : Paul Newman avec Tom Hanks,
(Tom Hanks
avec son fils ; le rapport à la violence, fondatrice à l'époque de (Tom Hanks
mais qui ne l'est plus avec son fils ; le thème du voyeurisme avec le fils qui regarde et découvre la " scène originelle ", ce qui va causer un drame par la suite, ou bien encore le personnage de Jude Law)
, voyeur morbide, qui joue le rôle totalement opposé à l'enfant etc, etc).
Les comédiens sont formidables. Tom Hanks aborde un caractère qu'il n'avait jamais joué jusque là et s'en sort plutôt bien, même s'il joue un peu trop au type qui a tous les malheurs du monde sur les épaules. Paul Newman
prouve que même s'il a pris un sacré coup de vieux, il en a encore sous la botte : en quelques répliques, en quelques gestes, il sait faire naître l'émotion. Jude Law
est un peu moins bien loti avec un personnage caricatural duquel il n'y a pas grand chose à tirer. Quant à Jennifer Jason Leigh,
on ne peut que la plaindre de s'être trouvée là, dans un rôle insignifiant qui fait un peu tâche dans sa filmographie passionnante.
La mise en scène est elle aussi irréprochable. Elle est carrée, efficace et réussit même à devenir sublime dans deux scènes : la dernière scène avec Paul Newman et le plan de face de Tom Hanks
avec la mer qui se reflète sur lui créant une sérénité impressionnante.
Seulement, malgré tout cela, le film ne prend pas. Il ressemble à un gros gâteau bien riche, mais indigeste. Ce que l'on sent peser durant tout le film, c'est la patte d'Hollywood qui formate totalement le film et le transforme en un produit finalement sans âme et trop bien pensant. La violence par exemple. Comme Tom Hanks tue des gens dans le film, il doit forcément payer d'une manière ou d'une autre. La problématique du fils qui se sent incapable de se servir du revolver frôle le pathétique digne d'une Virginie qui préfère mourir noyée plutôt que de retirer ses vêtements et pouvoir rejoindre son Paul : on n'est plus dans la réalité des personnages mais dans des codes de morale. Idem pour le personnage de Tom Hanks.
C'est un tueur, mais on ne le voit jamais tuer !! Quand il tire, il est toujours soit hors champ, soit filmé par bouts. Encore une fois, on sent Hollywood qui accepte que le gentil Tom Hanks
joue un méchant, mais on ne le montre pas pour ne pas choquer…
Alors, non, on ne peut pas dire que le film soit mal fait. Il est très bien fait, seulement, il n'y a pas d'émotion, pas de sentiments… Et ça, c'est tout de même gênant dans un film !
Avec ce film, on peut se poser la sempiternelle question, à savoir est-ce que Hollywood n'est pas en train de mourire lentement d'asphyxie !… Et de nous asphyxier avec !!
Tout à fait d'accord avec cette critique (déjà ancienne !), mais si je n'avais pas vraiment accroché à première vision, j'avoue qu'une seconde m'a davantage séduit. Le film de Mendes est une sorte d'épure sans âme, mais maîtrisée avec un soin maniaque, les personnages sont esquissés, mais il y a un tel esthétisme, qu'on reste accroché. Bien sûr, Hanks
dérange indéniablement dans ce contremploi : trop grassouillet, dénué du moindre charisme, oui Jude Law
est nul en tueur cinglé. Bien sûr, le rôle de sa femme aurait pu (dû) être plus étoffé, mais les seconds rôles assurent : de Daniel Craig
(méconnaissable) en fils à papa dégénéré et lâche, à Stanley Tucci
en Frank Nitti business man, en passant par Newman,
impérial en vieux caïd. Malgré tous ses défauts, Les sentiers de la perdition
laisse des images gravées dans la mémoire : une exécution sous la pluie battante, une maison au bord de la mer… Déjà pas mal, par les temps qui courent.
Je découvre avec quelque retard ton avis, PM Jarriq, sur ce film, mais je tiens à partager tes remarques concernant la note du film et le choix des séquences à retenir : la scène de l'exécution des membres de la pègre orchestrée en un tableau saisissant (filmée au ralenti, nocturne, sous une pluie battante, muette et silencieuse) magnifié par une photographie splendide ; la scène du châtiment final précédée d'une photo surexposée qui met en lumière l'accomplissement du héros.. J'ajouterai la scène du premier meurtre – partiellement (sans doute pour mieux révéler symboliquement l'effroi de la vision forcément tronquée qui est celle d'un enfant) – entrevue par les yeux horrifiés du fils caché.
J'ai, par ailleurs, apprécié le double mouvement – parallèle mais inverse – qui succède au meurtre : à la fois une descente aux enfers (se venger signifie pour Michael Sullivan se retrouver seul, en danger de mort, contre la pègre), et une ascension vers une rédemption spirituelle (assurer la survie de son fils est une façon de se racheter de son passé de criminel et de mauvais père).
Mais c'est visuellement – et c'est l'un des atouts du film – que Sam Mendès traduit ce double mouvement : il nous montre un Michael Sullivan très entouré à l'écran au début du film (relations nombreuses, amis précieux et famille refuge) pour, progressivement, l'installer dans une solitude désespérée, en charge d'un enfant qui représente une entrave face à un univers hostile et menaçant, alors même qu'il est pourchassé par un tueur psychopathe (Jude Law) lancé à ses trousses. De même, le chemin du rachat se lit à travers les transformations successives d'un décor et d'une lumière très symboliques : la neige glaciale du début du film fond peu à peu ; lui succède une pluie dense, diluvienne, oppressante ; avant que la lumière de l'océan n'envahisse l'image à la fin du film. De la neige au soleil de la mer, de l'ombre à la lumière, ces sentiers-là mènent au salut. Mais un salut qui exige son tribut : le châtiment est souvent le prix à payer pour pouvoir se racheter… La qualité de la photographie (due au chef opérateur Conrad Hall, décédé depuis) est proprement superbe, qui organise souvent une profondeur de champ visant à exprimer le refus des apparences (c'est-à-dire le premier plan) et la sensation (Cf. la partie inférieure de la jaquette du Dvd) que le héros et son fils sortent littéralement d'un passé trouble (désormais derrière eux) qu'ils rejettent pour s'avancer vers la lumière et la réconciliation avec eux-mêmes.
Le réalisateur s'interroge ainsi, comme dans American beauty, sur le rôle social des apparences et, en contrepartie, sur notre besoin profond de vérité et d'accord avec nous-même, à travers des personnages nuancés et complexes qui sont, tour à tour, dans l'ombre et la lumière, comme l'illustre la photographie du film.
Il signe un film, certes, très construit et – en apparence seulement – glacé, mais que j'ai trouvé, pour ma part, émouvant, voire poignant.
Entièrement d'accord avec toutes vos remarques sur ce film que j'ai admiré. C'est le nom de Paul Newman, encore si séduisant il y a quelques années, qui m'avait attirée. J'ai découvert Tom Hanks, très paternel, un peu grassouillet peut-être pour le rôle inquiétant d'un tueur, en tout cas pas avec une tête de salop ; j'ai découvert Jude Law et Daniel Craig, plus inoubliable que le précédent. Ce n'était pas du temps perdu.
Mais, ainsi qu'on l'a dit, comment Hollywood pourrait-il imaginer une fin opportunément immorale, surtout lorsque c'est Tom Hanks, le héros attachant de Forrest Gump
et de Seul au monde
qui porte, avec talent, tout le poids du film sur ses épaules alourdies ?
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