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Forum : 24 Heures avant la nuit (La 25e Heure)

Sujet : Triste et angoissant


De Jarriq, le 16 mai 2003 à 19:15

Enfin débarrassé de son influence scorsesienne, Spike Lee affirme son style, affine ses opinions, clarifie sa narration. C'est un beau film, triste et angoissant, où plâne constamment l'ombre du 11 septembre. Norton, dont on commençait à douter avec "The Score" et "Red Dragon", retrouve la grande forme de ses débuts, face à deux très grands seconds rôles : le toujours complexe et insondable Philip Seymour Hoffman et l'étonnant Barry Pepper. La dernière partie du film (la vie rêvée de Norton, s'il avait fui la prison) renvoie à "La dernière tentation du Christ". Scorsese, encore et toujours…


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De Arca1943, le 25 janvier 2006 à 01:23
Note du film : 5/6

Un TRÈS beau film. Je ne suis pas près d'oublier la séquence de la litanie devant le miroir, où Norton maudit tout New York, quartier par quartier… Et tiens, chose qui ne m'était pas arrivé depuis un bon bout de temps, j'ai remarqué la musique du film! En revanche, pour ce qui est d'échapper à l'influence de Scorsese, je lui dis meilleure chance la prochaine fois…


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De Gaulhenrix, le 29 juin 2007 à 23:58
Note du film : 5/6

Un très bon film, en effet…

Et dès le point de départ pour son originalité : à New York, Monty Brogan (Edward Norton) distribue de la drogue pour devenir riche. C'est pour lui, semble-t-il, un travail à peu près comme un autre. Mais il est dénoncé aux autorités, se fait confondre et est condamné à passer sept années en prison. Le film nous donne à voir ses dernières vingt-quatre heures de vie d'homme libre avant qu'il n'intègre la prison d'Otisville qui l'attend.

Il va donc choisir de passer les heures qui lui restent à vivre libre en compagnie de son père, de son amour appelée Naturelle, et de ses deux amis les plus proches, Jakob (un professeur) et Francis Xavier (un courtier en bourse). Tout à son désespoir, solitaire, il commence par accuser les autres et vomit une colère aveugle contre les Immigrés (Indiens, Pakistanais, Latinos, etc.), les événements politiques (Ben Laden et le terrorisme), la réalité sociale (les aides aux pauvres), les racistes anti-blancs ou anti-noirs, etc. Mais la présence de ses proches le remet en face de ses responsabilités : il procède alors à un véritable examen de conscience qui le conduit à remettre en cause la vie qu'il a menée jusqu'alors. Spike Lee insiste ainsi sur les évidences : toute rédemption passe par la nécessaire reconnaissance de ses erreurs ; ce qui ne peut être rendu possible que par la présence affective d'un entourage chaleureux : lien amoureux grâce à Céleste, amical grâce à Jakob et à Francis Xavier, familial grâce à son père. Le réalisateur met l'accent sur ces trois valeurs morales qui sont négligées au profit de l'argent. Cet argent qui a gâché la vie de Monty est aussi ce qui gangrène New York : à l'image de Monty prêt à se dévouer pour un chien à l'agonie, New York étale ses beautés (de nombreux plans exaltent la magie de la ville et la douceur d'y vivre simplement) que l'on n'apprécie qu'au moment de les perdre. Jamais la prison – sans qu'on ne la voie jamais dans le film – n'avait été décrite de façon aussi terrible qu'à travers de simples paroles. On peut considérer d'ailleurs que Spike Lee place son personnage comme s'il allait vivre ses derniers instants de vie, d'où la tension permanente du film.

Elargissant son propos, il montre une Amérique malade du 11 septembre : dès le générique sont filmés les deux faisceaux lumineux qui rappellent les deux tours anéanties et, au cœur même du film, « le point zéro » est longuement présenté, cependant que s'élève le lamento d'une musique poignante. Faut-il comprendre que l'adoration du Veau d'or est à la source de ce mal-être américain et qu'il ne peut, comme en ce qui concerne Monty, ne disparaître que si les Américains s'amendent et changent leur vie ? Le film ouvre quelques pistes : la drogue est devenue un commerce comme un autre pour Brogan, alors qu'elle tue ; la Bourse et la spéculation de Francis Xavier mettent en danger des pans entiers de l'économie ; l'école – fondement de la société – ne remplit plus sa fonction, comme le vit Jakob dans ses rapports particuliers avec la jeune fille qui est son élève. Le tableau est sombre et pour en revenir aux « personnages » principaux, Monty et l'Amérique (symbolisée par New York) vont connaître le même purgatoire. Le parallèle entre l'individu et la nation est si fort que la métaphore s'impose d'elle-même.

Le dénouement – d'une étonnante et remarquable puissance onirique – montre à Brogan ce que sa vie pourrait être s'il choisissait de fuir au lieu d'accepter la prison. Je noterai simplement pour ne pas déflorer ce qui s'apparente à une sorte de coup de théâtre que sur l'écran en défile l'illustration visuelle : mariage avec Céleste, enfants, petits enfants, vieillesse à deux et en famille… Cette magnifique séquence, ce pur moment de cinéma, s'interrompt sur un plan de Brogan qui donne tout son sens au film et, surtout, renvoie le spectateur à lui-même et à ses propres choix de vie. « Do the right thing » conseillait déjà Spike Lee dans l'un de ses précédents films… Il est alors temps de mettre en rapport la haine de l'autre que Monty déversait face aux visages cosmopolites, au début du film, et l'amour que les regards de ces mêmes visages cosmopolites lui expriment, lors du départ final vers la prison : à travers cette évolution du film – qui conduit du refus hostile à la compassion généreuse – se dessine en effet l'idée, pour Spike Lee, que TOUS les New Yorkais, TOUS les Américains sont sur le même bateau et qu'ils n'arriveront à bon port qu'après après avoir traversé ENSEMBLE l'océan des difficultés qui les attendent.

Un film généreux et humaniste – sans aucun doute le meilleur Spike Lee – qui entend rappeler les évidences : tout choix engage sa vie et se révèle souvent irréversible ; aussi ne faut-il pas faire d'erreur, reconnaître les vraies valeurs de la générosité, et ne pas se laisser abuser par le miroir aux alouettes de l'argent facile et de la haine instinctive, car la prison et l'individualisme sont synonymes de mort.


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De PM Jarriq, le 30 juin 2007 à 09:47

Il me semble que, après des problèmes créés par les ayant-droits du roman portant le même titre, et jadis adapté par Verneuil, le film de Spike Lee a été rebaptisé "24 heures avant la nuit", en France.


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De Gaulhenrix, le 30 juin 2007 à 10:43
Note du film : 5/6

On trouve, effectivement, les deux titres sur les Dvd, selon leur origine… Mais DVDtoile a répertorié le film de Spike Lee sous ce titre de La 25ème heure.


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De vincentp, le 28 août 2007 à 22:24
Note du film : 5/6

Un très beau film, qui donne un aperçu assez complet et réaliste de la vie contemporaine à New York. Spike Lee multiplie les angles de vue pour filmer des scènes de groupe, ou chacun affirme petit à petit sa personnalité. L'addition de celles-ci forge celle de la cité new-yorkaise. Ce portrait d'une mégapole vue par la lorgnette de la vie ordinaire de personnages anonymes est très réussi.

Mais pour apprécier ce film original (qui peut faire penser à des films d'Abel Ferrara), il faut être néanmoins conciliant avec le rythme lent de l'histoire, une intrigue minimale et des dialogues au raz du bitume. Spike Lee est pas l'héritier de Mankiewicz et ne filme pas la upper-class…

Nb : Félicitations à Gaulhenrix pour sa magistrale analyse des thèmes développés !


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De Impétueux, le 24 mars 2016 à 12:18
Note du film : 4/6

Je n'avais jamais entendu parler de Spike Lee que pour son militantisme noir identitaire agressif. C'est donc plutôt une bonne surprise que de découvrir avec 24 heures avant la nuit un film sombre aux tonalités plus classiques qui, photographiant les trajectoires de trois copains d'école et les singulières évolutions divergentes qu'ils ont connues m'a quelquefois fait songer à Mystic river de Clint Eastwood. Et cela sans doute à cause des sites urbains de la Côte Est où se situent les films et aux intrigues torturées dans l'un et l'autre cas.

Je suppose qu'on peut se récrier beaucoup devant cette comparaison, assurément hasardeuse et sûrement due à ma grande méconnaissance du cinéma étasunien en général et de ses développements contemporains en particulier. Mais je l'ai ressentie, en m'appuyant, en plus, sur le sentiment de vies gâchées qui émerge dans les deux films.

Deux observations préalables, l'une anodine, l'autre moins.

Comment se fait-il que Monty Brogan (Edward Newton), chez qui on vient de découvrir (littéralement parlant) un matelas de dollars et un coussin d'héroïne puisse n'être pas immédiatement incarcéré et bénéficie d'un délai pour se rendre au pénitencier pour effectuer sept ans de prison ce qui est tout de même une peine très lourde ? J'ignore les finesses (!!) du système judiciaire des États-Unis, des libérations sous caution et tout le toutim, mais ça me choque…

Il y a un paradoxe (plutôt séduisant, d'ailleurs, intellectuellement parlant) à faire éprouver au spectateur une certaine sympathie pour les protagonistes qui sont tous, sans aucune exception, des canailles, grandes ou petites. Le sujet principal, donc, dealer sans état d'âme, mais aussi sa compagne, Naturelle Riviera (Rosario Dawson), bimbo qui ne se pose pas la moindre question sur le train de vie que lui assure son mec et qui passe ses journées à glander, James, le père de Monty (Brian Cox), qui sent confusément qu'il ne s'est pas beaucoup occupé de son fils… Et les amis, Jakob Elsnsky (Philip Seymour Hoffman), juif honteux, professeur sans charisme (faut voir à quelle vitesse ses élèves quittent son cours dès que la sonnerie a retenti !), quadragénaire frustré sexuellement et Frank Slaughtery (Barry Pepper), trader hystérique, sorte de Jérôme Kerviel des salles de marché new-yorkaises, qui a laissé son plus vieux pote, Monty, s'engluer dans le trafic…

À part ça, il me semble que le film commence trop lentement, chichite un peu dans les détails compliqués mais devient bien intéressant lorsqu'il accélère, devient de plus en plus sauvage, progresse vers la fin. Et la séquence finale, toute de rêverie sans pleurnicherie, qui montre seulement non pas ce qui pourrait être, quoiqu'en dise le père de Monty, mais bien ce qui aurait pu être ou ce qui aurait dû être, est d'une grande triste beauté…


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