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Sujet : Le meilleur film de Mizoguchi ?


De dumbledore, le 11 novembre 2004 à 11:34
Note du film : 5/6

__''"C'est la valse des Geishas. La valse des souvenirs. Quand une Geisha sourit, ça vous coûte une fortune"__''

Pour ce film de 1953, Kenji Mizoguchi reprend à peu de choses prêts le principe d'un film qu'il a déjà réalisé en 1936, Les Soeurs de Gion qui relataient l'histoire de deux soeurs dans le monde des Geishas, avec l'aînée qui essayait de protéger la plus petite des désillusions de leurs vies. Ici, la même idée donc, la même relation entre une musicienne plus âgée – Miyoharu -

et une toute jeune – Eiko. La découverte qu'elles font est toujours aussi cruelle : pour être des musiciennes qui travaillent beaucoup, il faut se trouver un protecteur, autrement dit accepter des gestes de prostitutions. La force du récit est bien sûr de faire confronter ces deux femmes, naïves chacune à sa manière, à à cette réalité. Mais Kenji Mizoguchi va plus loin que cette confrontation qui lui permet de nouveau de développer sa vision critique de la situation de la femme au Japon. Il met également l'accent sur le rapport entre Miyoharu et Eiko. On sent bien que sans la présence de la plus jeune, l'âinée aurait accepté plus facilement et plus naturellement la compromission. La présence de Eiko permet à Miyoharu de trouver la force de se battre, la force de dire non, comme si la pureté d'Eiko irradiait sur elle.

Bien sûr, avec Kenji Mizoguchi pas de happy-end, la réalité finira pas triompher sur le romantisme et la compromission obligatoire sera incontournable, même s'il réussit à instaurer un peu d'espoir dans les dernières images de son film.

Pour sa mise en scène, Kenji Mizoguchi utilise toujours le principe des plans dans la longueur, comme pour mettre plus de pression, de tension sur ses comédiens afin d'obtenir une meilleure vérité des personnages. Sa mise en scène est toujours aussi belle, toujours sobre et respectueuse, sans aucun effet tape à l'oeil. Ses cadres sont particulièrement soignés. Il utilise, encore plus que d'habitude, le cadre dans le cadre, les perspectives qui "rentrent dans les personnages" comme si tout le décor, tout l'entourage des deux héroïnes pesaient de tout son poids sur leurs épaules. La forme rejoint ici la thématique : cette pression est celle de toute l'institution sociale qui les pousse à accepter ce qu'elles tentent de refuser: la compromission, la renonciation à leurs idéaux, l'acceptation de la prostitution.


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De cormega, le 4 décembre 2006 à 10:17
Note du film : 6/6

Les Musiciens de Gion donc, ce n'est pas drôle du tout, comme d'ailleurs la plupart des films de Mizoguchi. C'est un film dur psychologiquement pour ses personnages, voire cruel. Les geishas apparaissent d'abord respectées, puis les enjeux de pouvoirs et les pressions qui leurs sont infligées prennent le dessus et leur conditions se dégradent, n'offrant que peu de place à leurs sentiments personnels. Miyoharu (geisha formatrice de Eiko) devra même aller jusqu'à ce prostituer pour preserver la pureté de cette dernière, devenant alors sa mère protectrice. A ce titre, les dernières minutes du film, qui se passent entre ces deux femmes sont absolument magnifiques et boulversantes, redonnant une infime lueur d'espoir…

Ce film magnifique annonce un futur chef-d'oeuvre de Mizoguchi La Rue de La Honte.


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De vincentp, le 3 février 2008 à 23:20
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Perfection totale de la mise en scène pour ce classique de Mizoguchi… Peu importe l'histoire, il suffit d'observer les plans, et en particulier les déplacements des personnages… J'y reviendrai quand j'aurais un peu plus de temps.

Les deux coffrets réalisés avec la participation du CNC, qui comprennent huit des classiques de cet immense cinéaste, sont des réussites. Avec en bonus, des analyses et commentaires intéressants de critiques et de cinéastes, qui décryptent la technique, les thèmes mizoguchiens… emmenés par un Noël Simsolo, le célèbre critique à l'écharpe jaune porte-bonheur autour du cou, en grande forme.


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De vincentp, le 9 avril 2018 à 21:52
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Gion bayashi (Les Musiciens de Gion) est réalisé par Kenji Mizoguchi en 1953, sur un scénario de Yoshikata Yoda et Matsutaro Kawaguchi pour le compte de la Daiei. La photographie est de Kazuo Miyagawa (1908-1999), 135 films à son actif dont Rashomon, Les Contes de la lune vague après la pluie, Le Héros sacrilège… L'histoire est située à Gion, le quartier des plaisirs du Kyoto d'après guerre, et relate l'apprentissage dans les règles de l'art d'une "Maiko", Eiko (Ayako Wakao, 1933-…), au rude métier de geisha, sur les pas de sa sœur aînée Miyoharu (Michiyo Kogure, 1918-1990). Eiko adore se pavaner en société dans de belles toilettes, mais refuse d'accomplir les devoirs inhérents à sa charge… Miyoharu lui emboîte le pas. Cette oeuvre (dont le titre originel est une pure litote), oscille entre drame et comédie, mettant en scène moult personnages, humbles et puissants, et les inévitables intermédiaires (mère maquerelle, père couard et ivrogne), aux rationalités antagonistes.

Mizoguchi déroule ses plans séquences virtuoses et entrecroise ses figures stylistiques préférées. Les personnages traversent des trouées verticales (ruelles ou couloirs) puis devisent de façon statique dans les espaces intérieurs en forme de losange dont la pointe est décentrée (permettant à l’œil du spectateur de se déplacer sans fatigue de la gauche vers la droite de l'image). Gion bayashi, d'une précision chirurgicale, nimbé de douceur poétique, creuse les ressorts de l'âme humaine, ausculte les mécanismes de la société (dont les rouages de la corruption bureaucratique). Et file à toute vitesse vers une conclusion inévitablement humaniste, mais aussi ouverte et sujette à interrogations. Les images et les plans sont magnifiques, fluides, la composante sonore est au diapason. Très grande réussite de Mizoguchi, Gion bayashi atteint la perfection absolue, illustrant la puissance de la création cinématographique, quand elle agit directement sur le conscient et l'imaginaire du spectateur.


Gion bayashi (The Musicians of Gion) was directed by Kenji Mizoguchi in 1953, based on a screenplay by Yoshikata Yoda and Matsutaro Kawaguchi for the Daiei. The photograph is by Kazuo Miyagawa (1908-1999), 135 films to his credit including Rashomon, The Tales of the Moon Wave After the Rain, The Sacrilegious Hero… The story is set in Gion, the post-war Kyoto pleasure district, and tells of the learning in accordorland of a "Maiko", Eiko (Ayako Wakao, 1933-…), at the harsh craft of geisha, following in the footsteps of his older sister Miyoharu (Michiyo Kogure, 1918-1990). Eiko loves to strut her stuff in society in beautiful toilets, but refuses to perform the duties inherent in her charge… Miyoharu follows suit. This work (whose original title is pure litote), oscillates between drama and comedy, featuring many characters, humble and powerful, and the inevitable intermediaries (mackerel mother, cowardly father and drunkard), with antagonistic rationalities.

Mizoguchi unfolds his virtuoso sequence shots and intersects his favorite stylistic figures. The characters cross vertical gaps (streets or corridors) and then motto statically in the diamond-shaped interior spaces whose tip is off-center (allowing the viewer's eye to move without fatigue from the left to the right of the image). Gion bayashi, of surgical precision, nestled in poetic sweetness, digs the springs of the human soul, examines the mechanisms of society (including the workings of bureaucratic corruption). And rushing towards an inevitably humanistic conclusion, but also open and questionable. The images and shots are beautiful, fluid, the sound component is in tune. A great success of Mizoguchi, Gion bayashi achieves absolute perfection, illustrating the power of cinematic creation, when it acts directly on the conscious and the imagination of the viewer.


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