Une des bonnes idées des Oliviers de la justice est, précisément, de ne pas dater précisément l'intrigue. Quelle année sommes-nous ? Évidemment après 1954, puisque la rébellion a éclaté, que dans Alger il y a, à tous les coins de rue, des soldats méfiants et des chevaux de frise. Mais aucune indication qui permettrait de mêler le récit aux événements qui ont ponctué le conflit : Journée des tomates contre Guy Mollet, tout nouveau Président du Conseil en février 1956, émotion populaire du 13 Mai 1958, Barricades de février 1960, Putsch des Généraux en avril 1961 ? On n'en sait rien.
La ferme a été vendue, les parents sont venus s'installer à Alger, Jean est parti vivre à Paris, la rébellion s'est installée dans le paysage et désormais la cousine Louise (Huguette Poggi), qui a conservé ses vignobles, n'est plus rassurée du tout, sent monter la tension et appelle à une répression brutale : on voit bien que l'Algérie d'antan n'en n'a plus pour bien longtemps.
Mais l'histoire n'est dans le film que le soubassement des rêveries et nostalgies de Jean. C'est vraiment un homme qui se penche sur son passé, qui retourne sur les lieux de son enfance, dans la plaine fertile tout autant que dans les ruelles tortueuses des villages. C'est avec les bouffées de passé que Jean prend conscience que, contrairement à ce qu'il croyait, il est si vivement attaché à sa terre natale. Mais qu'il comprend aussi qu'il n'est pas possible qu'il s'y maintienne. Que la vie s'est déroulée de telle façon que le fossé entre les deux communautés non seulement s'est élargi de façon infranchissable, mais plus encore a toujours existé. Que l'enfance seule, ses illusions et ses rêveries permettaient de croire dans les amitiés entre le petit Européen et les petits Arabes.On n'a plus rien à faire ensemble énonce Jean comme une évidence à Boralfa son vieux copain. C'est vrai. Le père est mort désormais et sans doute la mère va-t-elle quitter l'Algérie en y regrettant sa jeunesse, ses tombes et ses amis. Ce n'est pas encore la panique, on n'est pas au printemps 1962 mais on voit bien qu'il y a une cicatrice qui ne se refermera jamais.
Que les acteurs des Oliviers de la justice soient à peu près tous des amateurs, que la réalisation soit un peu guindée, que les flashbacks soient quelquefois maladroitement insérés n'est guère gênant : le film est paisible et triste, un peu inéluctable aussi. Comme souvent la vie.
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