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Sujet : l'un des meilleurs films français des années 1960


De verdun, le 14 juillet 2020 à 23:10
Note du film : 6/6

1966. Une bande de jeunes « blousons noirs » de Nanterre fuit devant la police après avoir commis un larcin. L'un d'entre eux, Zim (Gérard Zimmermann) est intercepté et condamné pour un délit mineur. A sa sortie de prison, il se lie d'amitié avec un autre délinquant sorti de tôle, Jean-Pierre (Eric Penet). Les deux complices retrouvent leur famille, la bande et la dureté du quotidien. Mais alors que Zim réussit à trouver un travail, Jean-Pierre n'arrive pas à renoncer à la délinquance et à l'argent facile.

Auteur de quatre longs-métrages, à savoir Les coeurs verts, Le grabuge, Le dernier saut et L'humeur vagabonde, le cinéaste Edouard Luntz (1931-2009) était complètement tombé dans l'oubli ces dernières années. Jusqu'à la parution en 2018 d'une bande-dessinée traitant de sa vie et son œuvre, Avec Edouard Luntz, signée par le dessinateur Nadar et l'auteur Julien Frey (Editions Futuropolis) et préfacée par Michel Bouquet, qui considère que les rôles que le cinéaste lui a donnés dans Le dernier saut et L'humeur vagabonde sont les meilleurs de sa riche carrière.

Dans cette bande dessinée, Julien Frey, étudiant en cinéma alors en quête d'un producteur, raconte sa rencontre avec le cinéaste alors à l'automne de sa vie, qui lui raconte surtout que sa carrière a été sabordée par le nabab Darryl Zanuck après leur expérience commune désastreuse sur Le grabuge. Quelques années se passent. Frey se met à la recherche des films réalisés par le cinéaste qu'il rencontra quelques années plus tard, avant de se rendre compte rapidement qu'aucun de ces titres n'est disponible en DVD. Il fait donc un constat identique à celui que je fais -et que je ferai- parfois ici: c'est à-dire la difficulté extrême à trouver certains films de notre patrimoine qui ne méritent absolument pas de dormir dans des archives inaccessibles au grand public.

Il faut donc se féliciter que René Chateau ait fait restaurer et éditer en DVD Les coeurs verts en 2017, le premier long-métrage signé Edouard Luntz. D'autant plus c'est un film absolument remarquable, qui n'aurait jamais dû tomber dans l'oubli.

Surtout que Les coeurs verts constitua un événement majeur, lors de sa sortie en 1966. Certes quelques années auparavant Terrain vague de Marcel Carné avait été le premier film à traiter de la vie difficile dans "les grands ensembles" et de la délinquance des bandes de jeunes de banlieues. Mais sauf le respect que l'on doit au cinéaste de Hôtel du Nord et Drôle de drame, Terrain vague pale figure face au film de Edouard Luntz. Les personnages et les situations exposés dans Les coeurs verts sont d'une crédibilité évidente. Nous sommes dans le vécu. Luntz est allé chercher de jeunes blousons noirs qui jouent leur propre rôle et se révèlent d'un naturel étonnant. Ici tout sonne juste : les situations, les dialogues et surtout le regard du cinéaste sur cette jeunesse, qui n'excuse rien mais cherche à sonder les problèmes. Le spectateur ne peut être que frappé par la modernité étonnante de la mise en scène, par l'énergie du découpage et du montage, et par le noir et blanc rugueux. L'ensemble réussit à être tantôt réaliste, tantôt poétique, comme cette séquence superbe où nos « coeurs verts » plongent nus dans une piscine, débarrassés de leurs oripeaux de loubards.

Citons une dernière raison pour lesquels Les coeurs verts mérite de rester dans la postérité: la bande originale, dont Serge Gainsbourg est l'un des compositeurs. Lors d'une séquence du bal, au cours de laquelle "Zim" tente de draguer une jeune fille issue d'un milieu aisé, les jeunes se mettent à danser un slow : on reconnaît « Je t'aime moi non plus » dans une version instrumentale, bien avant que cette chanson ne devienne un tube, dans sa version en duo avec Jane Birkin.

Par conséquent, Les coeurs verts est bien un bijou méconnu du cinéma français des années 1960.


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De Commissaire Juve, le 15 juillet 2020 à 06:33
Note du film : 2/6

D'accord, pas d'accord.

…une crédibilité évidente… Ici tout sonne juste…

Je vais reposer un avis laissé sur DVDClassik en juillet 2017 :

Au départ, la beauté de certains plans (avec de beaux dégradés de gris) m'a fait penser à la façon dont Schlesinger filmait Manchester dans Un amour pas comme les autres (1962) ; sauf que le Nanterre de 1965 est loin d'être aussi photogénique. J'ai aussi pensé aux documentaires du Belge Luc de Heusch et à son film Jeudi on chantera comme dimanche (1967). Sauf que dans ce dernier Bernard Fresson et Marie-France Boyer sont des comédiens professionnels. Quelques plans d'usine (assez incroyables) m'ont ramené à Samedi soir et dimanche matin de Karel Reisz (1960). En entendant les voix off, c'est l'interrogatoire d'Antoine Doinel à la fin des Quatre cents coups qui a refait surface. Pendant le bal, au moment du Madison, difficile de ne pas revoir les mêmes images tournées par Godard dans Bande à part (1964). Sauf que – une fois encore – Brasseur, Frey et Anna Karina n'étaient pas des amateurs. Enfin, le défilé de gueules de voyous m'a fait penser à 491 du Suédois Vilgot Sjöman (1964), et ça, ça n'est pas un compliment.

Le hic, à mes yeux, c'est le niveau très irrégulier de l'interprétation. Sur certaines séquences, c'est un festival de parler faux. Ce n'est peut-être pas aussi mauvais que Michel Debord dans Masculin Féminin (1966), mais ça fait saigner les oreilles. Le gars qui interprète le personnage de Jean-Pierre (un des deux héros) est mauvais comme un cochon. Même Arlette Thomas – qui est pourtant une pro – arrive à en faire trop sur une scène de colère.

J'ajoute qu'en dehors du personnage de Zim, les garçons du film n'invitent vraiment pas à la sympathie. Même si le réal s'efforce de ne pas aller trop loin pour éviter la censure, j'avoue que l'ébauche de "tournante" m'est restée sur l'estomac (du reste : je ne peux croire que le film soit sorti à l'époque sans une sévère interdiction aux mineurs).

Quoi qu'il en soit, c'est une vraie curiosité.

Et je confirme que le DVD René Chateau est très bien (un des derniers disques édités correctement par la panthère noire).


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De verdun, le 15 juillet 2020 à 12:25
Note du film : 6/6

Argumentation intéressante et respectable, commissaire.

Ceci dit, si vous reprenez ce que j'ai écrit précisément quand je parlais de justesse et de crédibilité, je ne parlais pas du jeu des acteurs, pour la plupart des non-professionnels n'ayant effectivement aucune expérience de comédien, mais des situations, des dialogues et surtout du regard du cinéaste. Je comparais aussi avec Terrain vague de Carné, tissu d'invraisemblances et de mièvrerie beaucoup moins bien joué et, surtout, infiniment moins crédible à mon humble avis que le film de Luntz.

Quant à la direction d'acteurs des cœurs verts, votre argumentation se tient. Mais de mon point de vue ce jeu d'acteurs est en en adéquation avec le caractère brut de décoffrage et peu aimable du film.

Par ailleurs, trois ans après, Luntz réalisera Le dernier saut, dans lequel il montrera son aptitude à diriger les acteurs. Deux pointures bien éloignées il est vrai des non-professionnels des cœurs verts: les immenses Michel Bouquet et Maurice Ronet.


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De Viator, le 19 juillet 2020 à 19:36
Note du film : 5/6

Autre film que l'on souhaiterait également voir paraitre en dvd, c'est le court-métrage du même réalisateur "…Enfants des courants d'air" qui avait obtenu le prix Jean Vigo en 1959, celui-ci très rarement projeté.



https://svod.brefcinema.com/classiques/enfants-des-courants-d-air.html

Des équipes TV de Claude Sérillon avaient tourné une sorte de "suite" une vingtaine d'années plus tard, il me semble.


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De Viator, le 21 juillet 2020 à 08:08
Note du film : 5/6

En 1966, à l'occasion de la sortie de son film "Les cœurs verts", Édouard Luntz était l'invité de "Connaître le cinéma", pour un entretien suivi d'un débat avec un public qui réagissait à la découverte du film.

France Culture a ressorti l'interview l'an dernier: https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/connaitre-le-cinema-les-coeurs-verts-dedouard-luntz

Renseignement pris, "… Enfants du courant d'air" a été restauré par le CNC dernièrement: https://agencecm.com/index.php?r=abstract-playlist%2Fdistribution&id=6508&duration=06%2746%2714


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