En feuilletant des livres sur le cinéma ou des revues d'époque comme "la saison cinématographique", je suis toujours assez surpris de voir le nombre élevé de films français des années 1970 tombés dans l'oubli sans que l'on sache bien pourquoi.
De nombreux cinéphiles et éditeurs renommés se passionnent à juste titre pour les années 30-40, mais les décennies suivantes me semblent largement négligées. Quelques éditeurs indispensables comme Gaumont, "Le chat qui fume" ou la collection "Make my day" de Jean-Baptiste Thoret sauvent un peu l'honneur, mais ces efforts n'empêchent pas des pans entiers d'une des décennies les plus créatives du septième art hexagonal de tomber dans l'oubli.
est un exemple parfait de film négligé sans que l'on sache très bien pourquoi. Certes le réalisateur, André Farwagi n'a pas laissé de souvenir marquant. Mais on ne saurait en dire autant de la distribution qui réunit Bruno Cremer,
Jean Rochefort
et Anna Karina,
récemment disparue, pour ne parler que des premiers rôles.
Le temps de mourir est d'autant plus précieux qu'il s'agit d'une tentative de cinéma fantastique/science-fiction à la française, or nous avons parfois souligné sur ce forum que ce genre n'a que trop rarement eu les honneurs du grand écran, à l'inverse de la télévision d'avant la privatisation.
Le riche homme d'affaire Max Topfer (Bruno Cremer), sorte de Howard Hughes
français, vit reclus dans son domaine. Un jour, une mystérieuse cavalière (Anna Karina) lui apporte un film qui montre son futur assassinat par un tueur anonyme (Jean Rochefort). Bouleversé par cette révélation, Max va chercher par tous les moyens à prévenir le crime dont, selon le film, il doit être la victime.
Il s'agit donc d'une variation sur les paradoxes temporels, plus précisément sur la capacité d'un personnage, incarné ici par Anna Karina, à prédire l'avenir. Des films français comme La jetée
ou Je t'aime, je t'aime
traitaient déjà de voyages dans le temps, mais Le temps de mourir a le mérite d'être plus facile d'accès, plus "grand public" grâce à une intrigue assez simple. Il semblerait pourtant qu'il n'ait pas rencontré son public à sa sortie, ce qui expliquerait sans doute le fait qu'il soit demeuré aussi méconnu. Je ne vois guère d'autre explication à cette disparition des radars.
est de mon point de vue un film réussi, qui parvient à créer une atmosphère convaincante dès le générique d'ouverture. Le spectateur se demande vraiment comment tout cela va se conclure, même s'il n'y a aucun personnage vraiment attachant. Les acteurs sont très bien, notamment Jean Rochefort, qui à l'époque ne portait pas encore de moustache et n'hésitait pas à interpréter des rôles franchement antipathiques et très éloignés de ses futures prestations chez Yves Robert,
De Broca
ou Patrice Leconte.
La mise en scène et les images sont très soignées.
Particulièrement bien accueilli par la critique à sa sortie, comme en témoigne l'affiche présente sur notre cher site,Le temps de mourir est une tentative méritoire de fantastique/SF hexagonal qui ne méritait pas de tomber dans l'oubli. Une diffusion sur Canal + dans les années 2000, sa programmation dans la rétrospective de la cinémathèque sur le fantastique à la française (en 2012) et son actuelle présence sur youtube aurait dû attirer encore davantage l'attention sur ce film rare et loin d'être banal.
De fait, consulter la liste des sorties de films lors d'une année passée revient à découvrir l'immensité des films oubliés, le plus souvent à raison, quelquefois à tort comme vous le dites…
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