D'ailleurs les producteurs, toujours subtils et féroces, ne s'y trompent pas. Carné ne trouvera personne pour financer l'adaptation qu'il voulait faire de L'Argent d'Émile Zola
18ème et antépénultième volume de la série des Rougon-Macquart. Alors un jour, sans doute un peu au hasard, lors d'un voyage en Sicile, il entre dans la cathédrale Santa Maria Nuova de Monreale, près de Palerme et il est immédiatement ébloui. Construite entre 1172 et 1176 dans un style composite qui mêle les influences arabes, normandes et byzantine (c'est dire le sort singulier de la grande île, qui passa des uns aux autres), la cathédrale est massive et immense.
Quel était le rôle de ces mosaïques ? À peu près le même que celui des vitraux des cathédrales : l'instruction religieuse de populations certes illettrées (mais beaucoup moins qu'on voudrait nous le faire croire), qui, grâce à leur connaissance des Écritures, parvenaient à lire mosaïques ou vitraux comme une sorte de bande dessinée, dans une grande familiarité avec les histoires merveilleuses contées.
Notre monde a perdu beaucoup de la connaissance classique de nos anciens ; et ceci n'est pas seulement valable pour les récits de la Bible ; combien d'entre nous, dans un musée, pouvons reconnaître les symboliques précises dispensées par les grands peintres du 17ème siècle ? Nicolas Poussin par exemple est aujourd'hui à peu près illisible…Autant nous aider, donc, dans la visite des voûtes mordorées de Monreale ; Didier Decoin écrit le texte, Jean Piat le prononce. Quels meilleurs guides pourrions-nous avoir dans cette exploration ? Et voilà que se présente, de la Genèse à la représentation du martyre des premiers apôtres, toute la longue théorie de ces textes qui, avec la Grèce et Rome ont fondé notre admirable Occident. La caméra intrusive de Marcel Carné
déniche, débusque, s'insinue sur un pilier, dans une voûte ; la création du Monde, le jardin d'Eden, Caïn et Abel, Sodome et Gomorrhe, la tour de Babel, Abraham, Isaac et Jacob, Moïse, David, Salomon…
Tout cela apparaît dans la richesse des nuances de la mosaïque. La qualité artistique de ces compositions de tout petits morceaux de verre colorés, disposés avec un sens confondant de la perspective et des expressions est ébouriffante. La moindre inflexion d'humeur, la joie, le chagrin, la douleur, l'étonnement apparaissent avec autant de véracité qu'ils le feraient sur un tableau.
Les images de la cathédrale sont mixées avec des vues de la Sicile ou des lieux de Palestine à quoi les scènes se rattachent ; est-ce du cinéma, ce documentaire ? Je n'en sais trop rien, mais j'ai trouvé que Marcel Carné partait là sur une bien bonne note.
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