Gertrud (1964) de Carl T. Dreyer, c'est un ordonnancement parfait des personnes et des objets au sein du cadre, dans une logique rigoriste (pas un papier ne traîne sur un bureau, pas un mégot fumant au bec). Les personnages devisent sagement à propos de leurs convictions et préoccupations du moment. Les passions sont maitrisées. Pas d'improvisations d'acteurs, les textes sont débités de façon millimétrée. On est là dans un cinéma d'auteur situé aux antipodes du cinéma de la nouvelle vague française, tendance foutraque. Cet ordonnancement n'est sans doute pas adapté à monsieur et madame Michu, à un public populaire franchouillard, aux amateurs de Les tontons flingueurs.
Le cinéphile contemporain, acclimaté aux pièces de théâtre scandinaves (Ibbsen,…), reconnaîtra la maîtrise exceptionnelle du langage cinématographique par Dreyer (plans sophistiqués, à l'image du long plan-séquence introductif ou de la vision du personnage féminin dans le cadre du miroir). La lumière irradie les corps et les visages ou au contraire les plonge dans la pénombre, quand une ombre de contrariété apparaît. La forme porte une dissertation de haute volée sur les bienfaits de l'amour et de la pensée, sur la condition humaine, le temps qui passe. Gertrud, sans être l'oeuvre la plus mémorable de Dreyer, constitue un point de passage obligé dans le parcours d'un cinéphile.
… sans doute pas adapté à monsieur et madame Michu, à un public populaire franchouillard, aux amateurs de Les grandes gueules.
Quel mépris pour le public populaire.
J'ai déjà dit – ailleurs – tout le mal que je pensais de ce film ; je ne remettrai pas cent balles dans le flipper.
On peut aimer les champignons hallucinogènes. Mais à quoi bon mépriser les gens qui ne veulent pas "en prendre" ?
Un bon argumentaire trouvé sur le web :
http://patrickbittar.blogspot.fr/2011/03(..)
Commissaire : vous avez supprimé la moitié de votre message initial, exprimé du fond du coeur ?
Ah non, rien à voir avec la Scandinavie et la bourgeoisie. Les Suédois sont des gens normaux, ils aiment rire et s'envoyer en l'air, comme tout le monde.
"Gertrud", je connais très bien. J'en ai été le premier traducteur. Dans la pièce, Gertrud est une jeune femme passionnée et pétillante (brune au passage). Rien à voir avec l'ectoplasme de Dreyer.
J'ajoute que le Danois avait déjà sévi en 1955 avec Ordet (que j'ai également traduit). La pièce de départ est parfois aussi drôle que du Molière (je pense notamment à la rencontre entre le pasteur et Johannes). Carl Theodor en a fait de la viande froide !
Incidemment : je serais bien curieux de voir la version suédoise de 1943 (Gustaf Molander).
Ordet ou Gertrud sont au cinéma traditionnel ce que les monochromes sont à la peinture. Et je me range du côté des railleurs (comme Alphonse Allais avec sa "Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige").
Godard a dit à propos de Deux ou trois choses que je sais d'elle : "Ce n'est pas un film, c'est une tentative de film". Je pense la même chose des deux films ci-dessus.
EDIT : oui, j'ai supprimé une partie de la première réponse. On parle trop sur Internet (déjà, en parlant de traduction, j'en ai trop dit).
Ami Commissaire, je pense que Vincentp aime – comme plusieurs d'entre nous, moi au premier chef – lancer des pavés dans la mare. Il a jeté non seulement un pavé, mais un appât. Et il l'a épicé en l'enduisant de piment, en affectant de mépriser Les grandes gueules et de se la jouer en amateur raffiné de théâtre scandinave.
Aux provocations, on répond avec la même mauvaise foi roborative, ou on se tait.
Rien ne me paraissant plus proche de l'Enfer que la Scandinavie, je me tais, évidemment !
Oui : s'il n'y avait pas eu "M. & Mme Michu" et l'adjectif "franchouillard", je n'aurais pas mordu à l'hameçon.
Tout cela n'est qu'une affaire de points de vue, d'interprétations (comme en musique classique : jouer du Rameau de façon "pétillante" ou le jouer de façon "solennelle", en se traînant).
Quant à l'Enfer scandinave. J'avoue que la Suède que j'ai aimée (notamment dans les années 80) n'existe plus vraiment. Voire plus du tout.
Mais j'ai 244 films suédois dans ma vidéothèque (dont 127 pour la période 1930-1969) + 34 films norvégiens + 18 films danois + 14 films islandais et on y trouve un bon paquet de choses qui ne déplairaient pas à M. et Mme Michu.
Extrait de Le siècle du cinéma (Larousse) :
"Egal, en folie et en beauté, aux dernières oeuvres de Beethoven" (Godard), ce superbe portrait de femme tracés en longs plans-séquences représente le testament de Dreyer."
Pourtant ce film est fort éloigné de l'univers foutraque de Godard. Son témoignage favorable est intéressant, et montre une appétence de professionnels pour Dreyer.
Et nulle provocation de ma part, simplement un avis sincère et intègre ! Ce film de Dreyer est apprécié par d'innombrables cinéphiles, probablement initiés à un cinéma d'auteur exigeant, et à la dramaturgie rigoriste scandinave. Libre néanmoins à certains de préférer Fantomas à Gertrud, deux films tournés en 1964 !
Pauvre Commissaire, embarqué par erreur dans le panier à salade, aux côtés de madame Michu, lors de la "manif pour tous les oeuvres populaires", après un jet de tomate sur le consul vincentp !
Nb : je pensais à Les tontons flingueurs, comme oeuvre franchouillarde et insupportable, et non pas à Les grandes gueules (que je n'ai pas vu).
Ce film … apprécié par d'innombrables cinéphiles, probablement initiés à un cinéma d'auteur exigeant…
Et "détesté" par un nombre de cinéphiles sans doute équivalent.
Pauvre Commissaire, embarqué par erreur dans le panier à salade, aux côtés de madame Michu !
No offense ! J'assume. Et j'en ris rien que d'y penser (j'en ris comme lorsque je me fais des nanars du genre Le Costaud des Batignolles ou Mon frangin du Sénégal).
Sinon, chez Dreyer, il y a des choses tout à fait regardables. Jour de colère (que j'ai failli traduire aussi) est très bien.
Mais le Carl Theodor sous Prozac des années 1955-1964 ; boudiou !
On ne peut pas mettre de smilies, mais le cœur y est.
https://fr.wikipedia.org/wiki/100_films_(..)
Et c'est pas tout… Gertrud apparaît dans la liste des 100 films pour une cinémathèque idéale. Tout l'aéropage du cinéma français a été mis à contribution. Pauvre commissaire, avec son 0/6.
Mais enfin, Vincentp, cette liste n'a pas plus de pertinence que nos propres listes de films préférés… Je viens de la lire ; il y a là dedans beaucoup de films que j'aime à la folie (et j'ai le plaisir d'y voir plusieurs de mon cher Max Ophuls ou La Maman et la putain), mais beaucoup d'autres me paraissent surfaits ou même ridicules… Pourquoi aller s'appuyer sur un aréopage de gens qui ne connaissent pas mieux le cinéma que nous ?
En tous cas, elle contient Les Vacances de M. Hulot et Playtime de Tati….Vous savez, le mec et le cinéma qui a inspiré Pierre Etaix ….
Mais je n'y ai pas trouvé un seul Duvivier et ça, ce n'est pas très normal .
Pour conclure sur ce sujet, je vous invite à vous procurer Gertrud, archétype de l'oeuvre sujette à polémique. Appréciée par l'ambassadeur de Suède selon le Commissaire Juve (il a depuis effacé en partie son texte, qui argumentait sans doute trop en mon sens), a rendu incrédule, toujours selon le Commissaire Juve, une poignée de spectateurs qui n'imaginaient pas qu'un tel cinéma puisse exister. Mais c'était il y a vingt ans, et on imagine fort bien qu'arrivés à maturité, ces spectateurs aient aujourd'hui changé d'avis…
Page générée en 0.049 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter