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Le mauvais génie


De Impétueux, le 17 avril 2020 à 17:57
Note du film : 3/6

Du prolifique Roger Corman (une soixantaine de réalisations), je ne connaissais jusque là que la veine horrifique, du médiocre Corbeau au magnifique Masque de la mort rouge, une grande quantité de films le plus souvent inspirés par des contes d'Edgar Poe, souvent un peu oubliés aujourd'hui. Mais je n'imaginais pas qu'il avait tourné une œuvre intéressante et militante, cet Intruder qui est une charge forte, intelligente et nuancée contre la ségrégation raciale, qui empêchait, près d'un siècle après la guerre de Sécession, les élèves noirs de fréquenter les écoles blanches.

Il fait peu de doutes qu'une bonne partie de la trame du film se réfère à la fameuse affaire des Neuf de Little Rock, lorsqu'à la rentrée des classes de 1957 le Président Eisenhower fut obligé de faire donner la troupe pour permettre, contre une population déchaînée, à neuf adolescents noirs d'aller au collège. Mais Corman ajoute des épices à cette situation désolante. D'abord il situe son film non dans l'Arkansas, un des plus acharnés États sécessionnistes, mais dans le Missouri, qui demeura fidèle à l'Union, alors même que sa structure économique était esclavagiste. Mais surtout il fait intervenir Adam Cramer (William Shatner), personnage mandaté par on ne sait quelle organisation raciste qui s'installe dans la petite bourgade pour y allumer le feu.

Cet homme séduisant, bien élevé, élégant, doté d'un réel charisme et d'un sourire irrésistible arrive au moment où la population blanche de la bourgade, profondément opposée à l'intégration raciale, semble néanmoins s'y résigner bon gré mal gré. Parce que, au dessus des sentiments personnels de chacun, il y a la Loi, puissance révérée par tous et à quoi tous acceptent de se soumettre. L'organisation qui envoie Cramer doit donc tout entreprendre pour faire sauter ce verrou du respect et faire prospérer les antagonismes.

Ce qui est bien agréable dans The Intruder, c'est que le manichéisme, qui est toujours un risque fort dans ce genre de sujet, n'est pas absolu. En tout cas dans les premiers développements du film, lorsque le cauteleux Kramer entreprend de s'insinuer auprès de la société locale. C'est ainsi qu'il séduit rapidement Ella McDaniel (Beverly Lunsford), qui est la fille de Tom (Frank Maxwell) journaliste honnête, qui n'est évidemment pas militant de quelque cause antiraciste, mais qui place avant tout la vérité des choses.

Le grand défaut du film est tout de même la trop grande accélération de la propagande faite par Kramer. En un (presque) clin d'œil, voilà toute la population blanche de la ville rassemblée pour écouter les paroles de haine ; voilà qui paraît plutôt excessif. Moins invraisemblable en revanche est la montée de la tension et de la violence, l'attentat contre la chapelle évangéliste et l'assassinat de son pasteur, voire le défilé dans les rues du quartier noir des membres du Ku-Klux-Klan.

Ensuite, ça patouille un peu, parce qu'il faut bien faire progresser l'intrigue. La jeune Ella accepte d'abord de jouer le jeu de son amoureux Kramer et prétend avoir été violée par le jeune Joey Greene (Charles Barnes) ; mais dès qu'elle se rétracte, la foule, qui était à deux doigts de lyncher Joey, se retourne contre Kramer, qui se retrouve tout dépité et ridicule.

Tout cela est animé des meilleurs sentiments. Tout cela est filmé de façon très satisfaisante. Mais il y a aussi beaucoup de facilité et de désinvolture, un récit très décousu, sans véracité. Les meilleures causes ne justifient pas absolument que l'on passe sur les insuffisances avec quoi elles sont défendues. C'est très honnête néanmoins.


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