Edward Yang (1947-2007) fut un cinéaste taïwanais talentueux, bien que son oeuvre soit quantitativement réduite. Avec A Brighter Summer Day (1991), il réalise une fresque ambitieuse d'une durée de 237 minutes, située au début des années 1960, dans un Taïwan très éloigné de celui que nous connaissons aujourd'hui. Le film est passé quasi-inaperçu à sa sortie. Avec le temps qui passe, A Brighter Summer Day (1991) s'est imposé progressivement comme un film de référence, un des tous meilleurs réalisés en Asie contemporaine. Il a par exemple été classé au 78ème rang du classement 2022 Sight & Sound (revue de la cinémathèque britannique) des meilleurs films de tous les temps, un des rares films asiatiques contemporains à figurer dans ce classement. Il a été restauré en 4K avec l'aide de la fondation de Martin Scorcese. La durée du film est particulière, mais les qualités cinématographiques sont effectivement élévées, la réputation du film n'est pas usurpée.

Brio évident et éclatant de la mise en scène, tel ce plan-séquence situé à la 135° minute, changeant deux fois de personnage principal, suscitant des interrogations quant aux motivations des personnages. Les plans, superbement cadrés et éclairés, de bout en bout, sont un point fort. Pour ma part, c'est un des films contemporains les mieux filmés que j'ai pu voir. On a affaire à un portrait de la société taïwanaise divisée en sous-cultures (les autochtones, et les réfugiés de Chine continentale), violente et pauvre, vivant dans la crainte du voisin communiste. Douceur et sensibilité pour évoquer les sentiments de l'adolescence, rigueur et précision pour représenter les faits de l'époque dans un contexte de guerre froide. Assez curieusement, l'ensemble crée une mélancolie diffuse, un mal-être, qui traduit les maux dont peuvent souffrir certains Etats en souffrance (on pense aux pays actuels du Maghreb, confrontés à la fois aux éléments naturels et aux difficultés économiques).