Porter un jugement à propos de Notre agent à La Havane relève de la gageure. Voici l'archétype du film qui pourra être diversement apprécié par les spectateurs. Consensus sans doute pour reconnaître la grande qualité de la photographie de Oswald Morris et de l'interprétation de Alec Guinness. Les images en noir et blanc, tournés en partie en studios, en partie à La Havane, sont des cas d'école de photo parfaite. Le scénario (provenant d'un ouvrage de Graham Greene) est le point discutable du film. Celui-ci a été réalisé en 1959, alors que la révolution castriste vient d'avoir lieu, et il y aurait eu selon Wikipédia 39 changements demandés par le ministère de l'intérieur cubain.

L'histoire est, probablement en raison de cette censure, en partie incompréhensible, enchainant des péripéties étranges. Un descriptif narquois et satirique de la société cède progressivement la place à un récit sombre et désespéré, typique de Graham Greene. Le mélange des genres surprend. La mise en scène de Carol Reed, fluide et légère dans sa première partie, emploie sur la fin des plans obliques (aussi appelé "plan cassé") façon Le troisième homme, au diapason du malaise grandissant qui entoure les personnages. Mon avis, très subjectif, est que ce film est globalement réussi, la mise en scène de Carol Reed servant de ciment habile à un ensemble relativement hétéroclite.