Accueil
Voici les derniers messages de ce forum :

Messieurs, accueillons-les dans la dignité !


De Impétueux, le 7 mai 2023 à 22:32
Note du film : 3/6

Les quelques mois qui s'étagent entre l'abdication du Tsar Nicolas II en février 1917 et la violente prise de pouvoir par les Bolcheviks en octobre de la même année : un film de propagande (dans mon esprit, ce terme n'est pas une critique ou un reproche) ; un film de propagande exaltée et quelquefois exaltante, conçu, en 1927 pour célébrer le dixième anniversaire de la révolution soviétique, ces Dix jours qui ébranlèrent le monde, livre de John Reed, socialiste étasunien qui s'émerveilla, en 1919, devant ce bouleversement inouï. Comme c'est curieux, cent ans plus tard, de constater que cette utopie criminelle, qui exalta tant de millions de gens, soit si ringarde !

Si misérable aussi, accablée de tant de millions de morts ; mais aussi de tant de millions de dévouements à la fois admirables et fanatiques qui ont fait de cette espérance nouvelle une sorte de religion séculière, aussi exaltée que pouvait l'être celle des premiers chrétiens : la perspective d'un nouveau monde.

Beaucoup de penseurs intelligents européens ont imaginé que la révolution surviendrait dans des États qu'on pourrait appeler rationnels ; la plupart imaginait que la social-démocratie allemande était porteuse d'une intelligente violente modification des rapports sociaux. Quelle bêtise ! Quel autre peuple que le peuple russe, affectif, démesuré, outrancier pouvait imaginer cette révolution radicale qui fit passer en quelques mois l'empire tsariste, adulé presque religieusement, à une sorte de tohu-bohu où plus rien de ce qui existait avant n'avait plus la moindre existence ?

Je ne trouve pas qu'Octobre soit du meilleur niveau parmi les films d'Eisenstein. Trop sage, trop classique, trop ordonné, il est bien loin d'atteindre les hauteurs merveilleuses du Cuirassé Potemkine, de Que viva Mexico et de l'insurpassable Alexandre Nevski. On y retrouve, évidemment, la grande capacité du réalisateur à faire surgir, à tout moment, des images qui frappent, cinglent, demeurent en mémoire, représentent exactement une sorte d'insurrection glorieuse, romanesque, exaltante de ce que purent être ces journées où le sort de la Russie bascula. Et où le monde entier fut aussi étonné que lors des journées révolutionnaires de la France de 1789-1790.

Naturellement, cet étonnement, cet effarement ne sont pas représentés à l'écran qui ne montre qu'une sorte de machinerie d'évidence conduisant le peuple russe sous la conduite vigilante de Lénine à accéder au bonheur socialiste. Je suppose que le récit est historiquement exact, passant en revue la montée des tensions entre février et octobre 1917, alors que la Grande guerre, à l'Ouest, épuise et désespère les régiments russes. Et que monte l'exaspération des populations affamées. Notons que c'est le plus souvent au moment où la prospérité économique est la plus forte que surviennent les revendications : la Russie, en 1913, était à la tête du développement industriel mondial et personne n'hésitait à lui prêter de l'argent (les fameux emprunts russes qui auraient été une sacrée affaire si la révolution n'était pas survenue).

Octobre est un film assez hétéroclite, souvent un peu languissant et répétitif, trop conforme à la doxa léniniste ; comme de coutume, il y a des images fantastiques, des gros plans inouïs : la captation par Eisenstein de grandes mâchoires des ponts ouvrants de Saint Petersbourg, au moins deux fois répétée est une grande merveille. Mais il est dommage que le réalisateur ne se soit concentré, en gros plans, en séquences mécaniques que sur le récit des semaines tendues où la Révolution surgit de l'Histoire .

Ce que j'écris est d'ailleurs absurde : qu'attendre d'autre d'un film de propagande que l'exaltation de qui l'a sublimé ?

Ah, Vincentp, la phrase Messieurs, accueillons-les dans la dignité ! n'est pas prononcée par un ministre du gouvernement tsariste le 26 octobre, puisque Nicolas II a abdiqué le 27 février. Il s'agit du Gouvernement provisoire dirigé par le socialiste-révolutionnaire Alexandre Kerenski.


Répondre

De vincentp, le 13 juillet 2008 à 22:15
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Tel est le propos déphasé énoncé dans Octobre par le gouvernement tsariste, dans les instants qui précèdent l'entrée des Bolchéviks hirsutes, venus le déloger de l'antre du pouvoir (le palais de l'Ermitage à Saint Petersbourg, future Petrograd) en octobre 1917. Œuvre de fiction ou reconstitution historique… Il est parfois difficile de savoir ou finit la réalité et ou débute la fiction dans cette œuvre de propagande, financée par l'état soviétique, forcément monumentale, mais aussi et surtout totalement géniale, incroyablement moderne (sur un plan cinématographique), pour un récit qui relate les premiers instants de la révolution marxiste-léniniste (et le début d'une des utopies les plus meurtrières de l'histoire de l'humanité, mais ceci est une autre histoire).

Les images de Eisenstein (qui se juxtaposent parfois de façon ahurissante, pour représenter en quelques secondes tour à tour des symboles, des comportements, des atmosphères, des actions…), le sujet (qui fait en 95 minutes un tour d'horizon très complet de ce qui est constitutif de la nation russe éternelle), la variété des plans et des angles de vue, le montage millimétré, la musique de Chostakovitch, l'enivrement final qui prend les allures de grand-8 vous clouant dans votre fauteuil… Tout concourt à donner à Octobre le statut de chef-d'œuvre absolu et à le placer encore aujourd'hui sur le piédestal du septième art, plus de 80 ans après sa réalisation… Il n'est peut-être pas inutile de rappeler tout ceci aux plus jeunes !


Répondre

Installez Firefox
Accueil - Version bas débit

Page générée en 0.0080 s. - 6 requêtes effectuées

Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter