L'idée du film vient de la constatation qu'en 1965 le peuple anglais ignore presque tout de la réalité que serait une explosion atomique. Qu'à cela ne tienne, Peter Watkins avec l'aide de la BBC (qui le lâchera quand elle visionnera le film) décident de leur faire ouvrir les yeux sur cette réalité.

Peter Watkins est de ces artistes véritables que l'on reconnaît par une patte, une façon de faire qui sont totalement à lui. Son truc à lui, c'est le travail de réalisme sur la fiction. Il utilise des méthodes de reportages télé (voix off froide qui explique, témoignage de gens qui fixent la caméra, etc.) mais tout le reste est totalement mis en scène. Comme nous sommes dans une société de télévision, l'effet de réalisme est total. Il montre donc avec un réalisme terrifiant ce que serait une bombe qui exploserait au centre de la Grande-Bretagne. Les scènes en questions sont effrayantes, les comédiens (amateurs) terribles de justesse et la mise en scène d'une modernité inouïe. On aurait l'impression de voir du Michael Mann, ou du Spielberg du début d'Il faut sauver le soldat Ryan.

Seulement, Peter Watkins n'est pas un provocateur qui veut choquer pour choquer. C'est un humaniste et son sujet finalement est moins de "montrer l'effet de la bombe" que souligner le décalage entre la réalité de la bombe et le discours ou les discours qu'on entend(ait) sur elle. Du coup, il ajoute dans son film des témoignages, très propres, très carrés dans la mise en scène (et qui dénotent avec la caméra errante voire perdue des scènes de guerre). Ces témoignages, ce sont ceux des experts de la bombe: les militaires, les politiques. Le décalage est évidemment terrible et outrant.

Le film quitte ainsi la simple anecdote pour proposer une vision plus générale et toujours d'actualité entre les discours officiels et les vérités cachées. La manipulation est encore là, toujours la même… Et elle n'est pas prête de disparaître.