Elle est habituée, la pauvre. « Mais qu'est-ce qu'elle a plus que moi, cette Rachel? » me demande-t-elle toujours. « Et cette Shima ? Et cette Eleonora ?» Quant à me déclarer ouvertement… Eh, oh, t'as vu comme Daniel Craig est baraqué ? Je ne me risquerais pas. Ces Anglais, c'est bien connu, ils sont tous plus ou moins comme dans Straw Dogs, gentils une minute et la minute d'après, crac ! c'est l'assaut de ta maison-ferme. Par contre, je vais suivre avec avidité la presse de caniveau britannique, et dès que se pointe une rumeur d'infélicité domestique chez les Weisz-Craig, je saute dans le premier avion pour Londres afin de déclarer ma flamme.

Cela dit, en fouillant, je viens d'apprendre une très mauvaise nouvelle : ce personnage vraiment hors du commun qu'était Gertrude Bell, personnage à facettes joyeusement contradictoire (car cette femme intrépide militait contre le vote des femmes, allez comprendre), va être interprétée par… Angelina Jolie. Aïe, aïe, aïe ! Ouille, ouille, ouille !

Non seulement c'est le premier biopic de Gertrude Bell, ce qui me renverse car on devrait déjà en être à la dix ou douzième version (une première avec, disons, Deborah Kerr dans les années cinquante, ensuite un téléthéâtre de prestige fin années 50 avec Katharine Hepburn, au début des années 60 une version "série B" de Roger Corman avec, hum, Belinda Lee, puis évidemment, vers la fin des années 60, la réplique fracassante au Lawrence d'Arabie de David Lean avec nulle autre que Julie Christie, forcément inoubliable dans le rôle d'Al-Khatoun du Désert (la scène où elle meurt des fièvres fait pleurer toute la planète), puis la version 'démystifiante' du début des années 70, appuyant sur le côté odieusement impérialiste du personnage et là c'est bien sûr Vanessa Redgrave qui s'y colle, suivie de l'improbable mais curieusement réussie coprod italo-nippo-yougoslave avec Charlotte Rampling (les scènes érotiques avec Lawrence choquent beaucoup la presse anglaise), la version plus placide des années 80 – mais quelle performance d'Helen Mirren ! – et ainsi de suite jusqu'à nos jours) non seulement, chose incroyable, c'est le premier biopic de Gertrude Bell, dis-je, mais en plus, là où il aurait fallu de toute évidence une Cate Blanchett ou une Rachel Weisz, ils vont nous coller la nouille Angelina Jolie.

This is shocking ! We are not amused !

Ah quelle bonne nouvelle. Cette demoiselle Gertrude Bell était d'une toute autre trempe que l'autre espion britannique, Lawrence, qui (pour prendre un seul exemple) baragouinait un arabe approximatif alors qu'Al-Khatoun du Désert, elle, en maîtrisait à la perfection je ne sais combien de variantes les plus obscures. Les Lettres (traduites ou pas en français ?) de Gertrude Bell à sa famille, si on se met à la place de la pauvre (quoique riche) famille en question, font froid dans le dos tant elle n'arrête pas de leur raconter sur un ton d'évidence et comme en passant des histoires d'escalades à se rompre les os au-dessus de tel abîme montagneux, d'attaques nocturnes de pillards, etc. Mais quelle jeune actrice anglaise va pouvoir incarner ce personnage hors-série ? Je verrais bien… hum… Rachel Weisz ?