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Critique


De dumbledore, le 4 avril 2005 à 07:36
Note du film : 6/6

Une chose frappe d'emblée dans le film Les larmes amères de Petra Von Kant, c'est le sens aigu du cadre, de sa composition et du montage. A l'origine du film, il y a bien sûr la pièce de théâtre, écrite par Fassbinder lui-même. Une pièce très noire comme souvent, noire surtout dans les personnages et les enjeux affectifs mis en place, moins finalement dans sa résolution.

L'histoire est très simple, c'est celle de Petra, une femme reconnue dans le domaine de la mode, et qui vient de se séparer de son mari. Elle prend sous sa coupe Karin, une jeune femme qu'elle propulse comme mannequin. Elle tombe amoureuse d'elle, a une histoire d'amour avec elle, seulement Karin la quitte pour retrouver son mari. Petra rentre en dépression.

La mise en scène est très sobre, pas de travelling, presque pas de nouvements de caméra, sauf pour suivre les personnages qui se meuvent dans le cadre. Ce cadre est toujours très construit, mettant les personnages sur plusieurs niveaux, toujours de manière significative. Ainsi, Petra a une servante, Marlène qui ne cesse d'être en action, lui obeissant au doigt et à l'oeil : elle dessine pour elle un modèle, elle tape à la machine, fait les courses, etc. Marlène ne dit pas un mot durant toute la pièce, mais elle écoute, et on la sent souffrir des malheurs de sa maîtresse. Elle n'est jamais au premier plan, si ce n'est lorsqu'elle est embusquée pour écouter.

La seule fois qu'elle prendra le devant de la scène, ce sera à la dernière scène du film, quand elle décidera par elle-même, pour la première fois, décidé de partir. Très belle scène d'ailleurs car elle montre après que Petra ait compris sa relation de possession avec Karin, elle remet en question sa relation de possession avec Marlène. Le départ de Marlène est d'une rare ambiguité. Alors que Petra lui offre une relation de reconnaissance, Marlène décide de partir : parce qu'elle a compris la liberté? Pas évident. Peut-être aussi parce qu'elle ne peut se passer de cette relation de soumission. Le sourire qu'a Petra quand sa servante la quitte témoigne de combien elle a compris, elle, combien elle a évolué entre la première du film et la dernière. Fin sublime car tellement complexe!

Le cadre est magnifique, avons-nous dit, mais comme souvent dans le cinéma, le mérite doit être partagé au décor (sans bon décors, pas de bon cadre). Il est ici très chargé, magnifiquement agencé, permettant des prises de vues très nombreuses par des axes toujours très riches de détails (poupées, téléphones, etc en amorces). Charger un décors permet toujours de faciliter le cadrage, leçon basique du cinéma qui trouve ici une parfaite démonstration.

A signaler pour finir sur le cadre, la présence d'un très grand chef opérateur, Michael Ballhaus qui signe ici une magnifique lumière, réussissant à donner aux personnages une couleur de peau proche du plastiques des mannequins desarticulés qu'on voit dans cet atelier-appartement de Von Kant.

Le film doit sa force également aux comédiens bien sûre. Comédiennes en l'occurrence, car les hommes ne sont pas invités sur cette scène ! Toutes jouent impeccablement bien (sauf peut-être la fille de Petra), avec une retenue très efficace. Margit Carstensen est particulièrement impressionnante.

Voilà donc un film parfait en toutes circonstances, totalement maîtrisé dans les moindres détails. Il pourrait même constituer une bonne voie pour entrer dans le monde passionnant d'un des plus grands cinéaste d'après guerre : Rainer Werner Fassbinder.


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