Revu sur grand écran pour un avis revu à la hausse : La grande ville (1963) est une des plus belles réussites de Satyajit Ray, atteignant une perfection formelle, au service d'un sujet particulièrement bien traité. Une famille bengalie de classe moyenne aspire à s'intégrer dans la société indienne du début des années 1960 alors en cours de transformation, selon un mode de développement similaire à celui des sociétés développées occidentales. Arati, le personnage féminin, est influencée par son amie Edith, métisse anglo-indienne, admiratrice de Cary Grant (on aperçoit une photo de l'acteur à son domicile) et pourvoyeuse d'accessoires de beauté féminine (rouge à lèvre, lunettes). Ray, tout à la fois scénariste, metteur en scène, et musicien, filme la conscience de classe et morale de différents et emblématiques protagonistes, scrutant leurs attitudes et comportements.

Arati, remuant joues et lèvres, fronçant les sourcils, opère lentement des tours sur elle-même, filmés de près par des délicates contre-plongées. Le langage est verbal et non-verbal. La musique est traditionnelle, hypnotique, façon Ravi Shankar (le générique d'ouverture), entrecoupées de dialogues abondants et de silences prolongés. Les effets sonores créent un univers palpable, authentique. Fréquente utilisation de la profondeur de champs, et de miroirs, pour porter les pensées, sentiments et émotions des uns et des autres. Voilà une étude psychologique véhiculée par une écriture cinématographique sublime, sans aucun doute parmi ce qui s'est fait de mieux dans le genre, toutes époques et tous lieux confondus. Madhabi Mukherjee, tout juste 20 ans lors du tournage, entre avec La grande ville dans le panthéon des actrices avec sa prestation particulièrement mémorable.

Un rare exemple de film en compétition avec lui-même dans les bacs, sous deux titres différents. La grande cité (films sans frontières) jouxte actuellement La grande ville (films du paradoxe). A quand La grande métropole (films dvdtoile)?