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Encore un peu de déRISIon...


De Arca1943, le 24 janvier 2018 à 13:58
Note du film : 3/6

Je ne peux qu'abonder dans le sens d'Impétueux : c'est un très petit cru. Plus encore que le cinéma en général, art inégal, la comédie est par définition un genre inégal, car sa pleine réussite exige un petit miracle qui ne peut se reproduire à chaque tournage. C'est pourquoi – et de leur propre aveu, en entrevue avec Jean Gili – on trouve de pleinement réussis qu'un Risi sur trois, un Monicelli sur trois, un Comencini sur trois. (Et c'est pourquoi il est dangereux d'appliquer à ce serial, à ce cinéma de genre qu'est la comédie à l'italienne, la fameuse "théorie des auteurs", qui part toujours d'un fétichisme de la signature). Heureusement, producteurs, acteurs et réalisateurs du temps le savaient bien, et tout au long des années 50-60-70, ont enchaîné les films à un rythme d'enfer.

Mais justement, je soupçonne fortement, parmi les facteurs qui ont pu contribuer dans ce cas-ci à la faible réussite (plutôt qu'échec, car cette comédie comporte malgré tout des moments forts réjouissants) : la vapeur. Quoi, la vapeur ? Eh bien, comme dans tournage à la vapeur. Ce qui ne fonctionne pas dans Le prophète, comme l'a bien compris Impétueux, c'est que la cible de la satire est mal définie, peu claire, ce qui est quand même un comble pour une satire. De quoi se moque-t-on, au juste ? Bon, d'un peu tout le monde, comme d'habitude, mais encore ? Des gourous ? Des hippies ? De la société de consommation ? Il y a des piques contre un peu tout ça, mais aucune qui ne produise l'effet jubilatoire des grandes heures du genre, quand on se dit – parfois en se prenant la tête à deux mains – « Ah oui, les hippies, c'est tellement ça ! Les gourous, c'est tellement ça ! La société de consommation, la pub, les intellos des plateaux télévisés, et ainsi de suite, c'est tellement ça ! » Pour que le tir soit précis, encore faut-il que la cible soit précisée !

Malgré l'efficacité habituelle et le tempo enlevé, on reste au ras des pâquerettes car ces divers éléments – cibles potentielles de nos moqueurs professionnels – sont bien mal arrimés entre eux. L'interaction entre Gassman et les hippies est particulièrement faiblarde. Certes, ils lui ont bouffé sa chèvre, mais pourquoi ? Les raisons pour lesquelles le pseudo-prophète se laisse fléchir par l'agent publicitaire improvisé sont confuses elles aussi. Parce que le végétarien déclaré a goûté à une grive ? Bah, c'est trop peu. Et ainsi de suite. La présence d'Ann-Margret est bien décorative, mais son personnage est trop sommairement défini pour pouvoir fonctionner. Dans une comédie à l'italienne pleinement réussie, l'image de Vittorio Gassman traversant Rome en tirant sa chèvre aurait été inoubliable ; ici, elle fait tout juste sourire.

On voit cependant en filigrane ce qu'aurait pu être la comédie. La "ligne" du scénario suit un des patterns classiques du genre, comme le relève encore une fois Impétueux : la désillusion. Le monsieur qui s'est mis à l'écart de la société cinq ans plus tôt, qui a décidé de devenir cet anachorète – ce végétarien, ce non-fumeur, qui refuse d'utiliser une automobile et marche fièrement sur 40 km devant la jeep des carabiniers – va éventuellement succomber (à sa façon) aux sirènes qu'il dénonçait. Je répète mon soupçon sur le manque de temps : le tandem au long cours Maccari-Scola (et non Scola seul, contrairement à ce qu'indique Impétueux : la scénarisation, dans ce genre de cinéma, est plutôt un travail d'équipe) n'a clairement pas eu le temps de vraiment développer le scénario, il en est resté à l'étape du soggetto, de l'ébauche : bonne idée sans doute, mais mal développée. Le spectateur peut en être d'autant plus irrité qu'on sent ici et là toute la richesse du bon sujet.

Restent, bien sûr, les avantages habituels : les dialogues du tac au tac, l'abattage comique de Vittorio Gassman qui s'en donne à cœur joie, les silhouettes campées en un trait, etc.

Mais pour une rare fois, je pencherais pour un remake ! On reprend le canevas, on replonge en 1967 mais on demande à un tandem de scénaristes d'aujourd'hui (pourquoi pas Petraglia-Rulli, tiens) de nous concocter le tout EN PRENANT SON TEMPS.


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De Impétueux, le 2 juin 2017 à 19:32
Note du film : 3/6

Je ne peux pas dire que je regrette mon vote pour l'édition DVD, ni mon achat, mais enfin j'aurais vraiment pu me passer de cette découverte, qui n'apporte pas grand chose à la gloire de Dino Risi et de Vittorio Gassman : ça se laisse voir, mais ça peut aussi vite s'oublier. C'était, explique-t-on, un film de commande et ni le réalisateur, ni l'acteur principal, ni le scénariste (Ettore Scola) n'en étaient satisfaits.

De fait, ça part vraiment dans tous les sens et le discours, voué à être drôle, acide et même décapant, se perd dans un méli-mélo qui n'est pas sans qualité mais qui effleure simplement le sujet et ne possède pas la force ironique rageuse et désinvolte qu'on pouvait attendre et espérer.

De quoi s'agit-il ? D'une fable, d'une parabole, quelquefois aussi d'une farce à prétention philosophique, dont on voit bien les soubassements, mais qui ne se hausse jamais à la hauteur. Pietro Breccia (Vittorio Gassman), employé banal, moyen, sans aspérité particulière, marié sans émoi à une fade Tiziana (Evi Rigano), a un jour décidé de fuir les embouteillages, la pression du travail, l'ennui des relations sociales pour devenir ermite aux environs de Rome, sur une montagne où il vit seul avec sa seule compagne, une chèvre. La vie saine qu'il mène lui a maintenu la jeunesse et conféré la force physique.

Rattrapé par des dettes fiscales, il est amené à passer quelques jours à Rome où il va, en pleine errance, rencontrer une communauté hippie et taper dans l'œil de Maggie (Ann-Margret), fille libre que son étrangeté séduit. Peu à peu, au hasard de ses pérégrinations dans Rome (bien joliment photographiée), sa dégaine, son austérité d'apparence, son refus des compromissions, une forme de pureté supposée attirent sur lui les regards d'un habile magouilleur, Puccio (Oreste Lionello) et d'un industriel qui se disent que Pietro peut très bien devenir, dans le monde de l'opulence généralisée, une sorte de prescripteur, conscience vertueuse qui permet à chacun de s'octroyer un brevet de correction morale.

Le récit est celui du retour graduel de Pietro à la société de consommation, de son abdication progressive devant les charmes et les douceurs de notre monde agréable, retour qui s'accentue jusqu'à aller, aux dernières images, vers la profanation complète de l'image que l'Ermite, figure de ce qu'on appelle aujourd'hui la décroissance, donne à la Société qui l'a complètement digéré, si je puis dire.

Le thème n'est pas d'une extrême originalité et va tout à fait dans le sens prévisible de l'abandon des nobles (ou prétendus tels) idéaux devant la réalité vécue, thème récurrent de la comédie à l'italienne ; revoyons Une vie difficile ou Nous nous sommes tant aimés s'il en était besoin. Mais tout cela est monté sans véritable allégresse sarcastique, sans fil conducteur cruel, sans forte acidité ; il y a par exemple plusieurs séquences centrées sur la glandouillerie hippie, pouilleuse et crasseuse, mais que Risi abandonne vite, sans appuyer sur le thème ; et pas davantage sur l'hypocrisie de la bourgeoisie industrielle, superficiellement abordée ; et les histoires sentimentales n'accrochent pas davantage, alors que l'on se dit à un moment que l'aventure entre Pietro et Maggie aurait pu donner un peu de cruauté au récit…

Film très imparfait, malgré le talent de Gassman et d'Ann-Margret : une esquisse, une ébauche, un truc qui n'est pas vraiment écrit…


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