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La misère et le vent ...


De Nadine Mouk, le 5 août 2017 à 06:55
Note du film : 6/6

Déjà, beaucoup plus petiote, quand je lisais Guy de Maupassant, je me demandais si ça n'était pas la frénésie de son imagination qui l'avait, si jeune, conduit à la folie. Et je pensais que pour raconter de telles histoires, si près de la réalité la plus douloureuse, il ne pouvait pas que finir dans les affres de cette déraison qui l'emporta. Pourtant, ses récits ne prennent pas nos neurones pour des savants. Maupassant fait dans la concision tranchante. Que ce soit en nous contant des amours contrariés ou la vie des paysans les plus cul-terreux, la brillante société et son cortège d'hypocrisies ou la roublardise des commerçants, Maupassant ne s'embarrasse pas de paraboles, de métaphores orgueilleuses. Néanmoins son écriture est empreinte d'une expression poétique nette. Il ne s'amusera pas, ne perdra pas son temps, à écrire tel Paul Eluard que la terre est bleue comme une orange… ou que la lune est une faucille dans un champs d'étoiles… comme l'écrivait le père Hugo. Maupassant sème un chant poétique fait de phrases écrues comme la réalité de la vie.

Aux champs, issu du magnifique coffret contenant Ce cochon de Morin, Le petit fut, Aux champs, Chambre 11, Une soirée, L'ami Joseph et Au bord du lit, en est un exemple frappant. Voilà une de ces nouvelles merveilleusement portée à l'écran sous la direction irréprochable de Olivier Schatzky qui n'en est pas à son coup d'essai. Il cerne au plus près la violence de l'histoire. Le labeur et les labours éreintants, le quotidien de ces forçats de la terre est implacablement décrit, sans fioritures. la sueur et la boue ne sont pas fioritures chez ces gens là. Il respecte Maupassant à la lettre, qui nous dépose dans le milieu de la misère normande, avec minutie et objectivité. Il n'adapte pas, il recopie. Ajoutant quelques éléments, ici et là, pour donner un peu plus de "sa" force à lui à la nouvelle. Il ne change en rien l'histoire, il ne la corrige surtout pas :Il la sublime avec ses tripes. Il pose de superbes images sur les mots simples de l'auteur. Pendant que des acteurs irréprochables chantent leurs dialogues désespérés avec cet accent, ce patois normand qu'ils honorent de leur talent et de leur adresse. Il faut une sacrée maestria pour appréhender pareil langage sans coup férir. Avec un Guillaume Gouix indiscutablement talentueux, acteur que je découvre avec ravissement. Sa mère, Marianne Basler, qui fera les frais de l'ingratitude d'un fils désespéré de ne pas avoir été vendu à la noblesse, nous arrache des frissons, les mêmes qui la conduiront au suicide.

Très à l'écoute de Maupassant et à l'unisson de ses lecteurs, Olivier Schatzky a compris qu'il n'y a pas de bons et de méchants dans cette histoire. Il n'y a que les riches et les miséreux. Fi de la morale ! Il y a la vie, avec ce qu'elle a de plus cruelle dans sa banalité. Pendant que le vent qui ne s'en soucie guère balaye les prés et les grands peupliers de cette si verte Normandie. Aux Champs est à la fois un éblouissement, une véritable allégresse pour l'âme mais aussi un supplice. Étrange mélange, curieuse alchimie qui nous subjugue, dû à la virtuosité d'un auteur, à l'aptitude d'acteurs brillantissimes et au savoir faire d'un metteur en scène. Nous suivons sans juger le comportement de ces paysans qui bien-pensants, qui vénaux jusqu' à l'impensable. La misère possède aussi ses qualités et ses défauts. Il n' a pas que les riches qui s'offusquent ou qui sont près à tout. Maupassant nous le raconte, simplement, avec ses mots à lui. Olivier Schatzky a bien lu Maupassant. Le reste n'est que du cinéma merveilleux. Que dis-je : du merveilleux cinéma ..


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