Victime d'une méga-fringale lors d'une sortie à vélo, je me suis retrouvé cette après-midi par hasard face à une boulangerie d'un village, dont la façade a pour particularité de figurer dans le livre de Raymond Depardon (la France de Raymond Depardon). Ayant bien le livre en tête, j'ai reconnu cette façade. Cette façade expose ce qui se fait de mieux dans le domaine de la boulangerie (chocolats, glaces, gâteaux) le tout présenté de façon à la fois sobre et magnifique.

Interrogée par mes soins, la charmante boulangère m'a dit qu'un de leur client parisien leur avait dit que la façade de leur magasin avait été prise en photo et intégrée dans un livre. Elle a alors acheté le livre en question, dont elle ne se souvient pas aujourd'hui le nom de l'auteur. Elle m'a dit aussi qu'elle avait aperçu un drôle de monsieur sous une cape en train de les photographier. Depardon ne leur a pas demandé d'autorisation à ce sujet (ce qui ne la gêne pas) !

Cette simple photographie témoigne de deux choses à mon sens :
1) la persistance d'un art de vivre hexagonal qui se matérialise via une gastronomie exceptionnelle partout en France, laquelle participe à la grandeur culturelle du pays.
2) le talent artistique de Depardon, porteur d'une vision fulgurante de ce qui est constitutif de la France éternelle. Ce qu'il a représenté là au milieu de milliers d'autres clichés possibles (plus contemplatifs) témoigne à mon sens d'une certaine forme de génie dans le domaine de la photographie contemporaine, et de la représentation de la société française.

Quelques instants de la vie de plusieurs paysans, rencontrés par Raymond Depardon en Haute-Loire, Ardèche, dans les Cévennes. La vie est simple et rude, la parole rare, mais Depardon capte -avec on le comprend beaucoup de persévérance- la confiance de ses interlocuteurs et saisit en quelques images l'humanité de ces personnes, dont le mode de vie et de pensée nous renvoient à nos racines. Un grand moment : l'enterrement de l'abbé Pierre vu par les yeux d'un paysan qui ressemble à un compagnon d'Emmaüs.

En filigrane, une analyse sociologique mettant en évidence les difficultés grandissantes du monde rural contemporain, vivant sur ces terres reculées, et organisé en petite exploitation peu rentable. Outre le sujet, une très belle lumière et un excellent montage contribuent à rendre ce documentaire particulièrement intéressant. Et il y a la mise en scène inspirée de Depardon -utilisant le principe de l'allégorie-, consistant à introduire les personnages dans le récit après avoir présenté par l'image le chemin fluet qu'ils empruntent au quotidien, un chemin qui les raccroche à la civilisation moderne, tel un cordon ombilical.

Alors pourquoi ne pas découvrir Profils paysans: la vie moderne actuellement à Paris en salle Georges de Beauregard, à Saint Germain des prés, qui fut jadis une terre agricole…