Ce film, qui bénéficie d'une forte réputation, s'il est techniquement irréprochable, a malheureusement vieilli : l'intrigue apparaît désuète, et le rôle sans nuance de Victor McLaglen plombe le récit. On se croirait dans un mauvais film expressionniste allemand, avec ses rues sombres et ses personnages sinistres, proches de la caricature. Il manque également à Le mouchard un arrière plan politique (sur le conflit irlandais) plus élaboré.
Demeurent néanmoins quelques bons moments : en particulier, quand les deux couples se déclarent mutuellement et successivement leur amour, ou la séquence finale. On retrouve la patte de John Ford, qui s'exprime alors par quelques notes lyriques et humanistes.
On peut préférer à Le mouchard d'autres films de John Ford tournés à la même époque comme Steamboat Round the Bend.
Réalisé en 1934, Le Mouchard est le premier chef d'œuvre de John Ford. Il est aussi et surtout son premier film personnel. S'il est moins spectaculaire visuellement qu'un Citizen Kane, il reste novateur sur bien des points. Sur la musique d'abord, qui, pour la première fois, est écrite spécialement pour le film (écrite donc après le montage du film) et qui colle à l'action, lui donnant une vie nouvelle, des optiques différentes. Sur le sujet ensuite.
Faire un film sur un personnage de la pire lâcheté (il vend son meilleur ami pour 20 livres) et faire de lui le personnage principal du film est un pari osé. Victor McLaglen, ami et acteur fétiche de John Ford, remporta pour sa sublime performance un Oscar bien mérité. John Ford réussit surtout le tour de force de le rendre sympathique, touchant, tout en n'effaçant jamais l'acte délictueux qu'il a effectué. Il signe ainsi le portrait d'un homme d'une grande justesse : avec ses côtés sympathiques (il est gentil, généreux, etc) et ses côtés les plus répréhensibles : sa bêtise, son ivrognerie etc…
Le film est aussi l'occasion d'un travail sur la lumière de toute beauté, écumant une large gamme de nuances. D'un côté, on a des scènes d'une grande poésie, notamment le début du film avec l'affiche qui s'envole, qui colle aux jambes, comme si finalement le destin s'accrochait et que le crime à venir était inévitable, comme un coup du sort. On a aussi des scènes d'une réelle violence, très crue, avec une lumière qui ne joue plus dans le flou, mais dans la netteté et des contrastes violents. Deux scènes sortent du lot : celle de la mort du résistant irlandais, et celle de la sortie en force (dans l'escalier) de notre (anti-)héros.
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