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La vérité est solitude


De Impétueux, le 10 septembre 2013 à 20:33
Note du film : 4/6

Il y a beaucoup d'auteurs qui, sans pour autant changer le paysage de leur œuvre ou son esprit général, apprécient de varier les plaisirs et, d'un film à l'autre, de passer d'un conte rose à un conte noir. À dire vrai, chez Guédiguian, le rose éclatant est rarement de mise : il s'agit plutôt d'un peu de soleil dans l’eau froide. En tout cas, après Le voyage en Arménie et avant Les neiges du Kilimandjaro, tous deux empreints de la chaleur des amitiés et du lait de la tendresse humaine, voici Lady Jane, qui égale en noirceur désespérante La ville est tranquille, qui est le chef-d’œuvre du cinéaste.

Ce qui n'est pas le cas de Lady Jane, thriller à multiples détentes, qui ne manque pas de qualités mais dont la racine de l'histoire est trop romanesque et mélodramatique pour séduire tout à fait. Le dénouement – qui est l'explication de l'intrigue compliquée et des flashbacks qui surviennent périodiquement – a ce côté artificiel des romans feuilletons qui ne sont pas réussis.

C'est bien dommage parce que le discours essentiel, dans sa noirceur, précisément, dans le découragement qu'il installe et qu'il exhibe est au contraire de très bonne venue. Il est fondé sur les faux-semblants des amitiés et des amours, sur les impostures majuscules qui sont souvent au fondement des relations humaines et qui, lorsqu'ils sont dévoilés, révélés par les crises violentes, éclaboussent et salissent tout le passé, qu'on pensait lumineux.

Écrivant cela, j'ai bien conscience de n'être pas très clair pour ceux qui n'ont pas vu le film (qui n'a pas été un grand succès : à peine plus de 160.000 entrées, contre plus de 2.500.000 pour Marius et Jeannette) ; pas très clair, donc, pour ceux qui n'ont pas vu le film et peut-être même pour ceux qui l'ont vu… De quoi s'agit-il, dans l'entame du film ? Muriel (Ariane Ascaride), François (Jean-Pierre Darroussin), René (Gérard Meylan) ont jadis été des cambrioleurs anarchisants, sortes de Robins des Bois partisans de ce qu'on appelait la reprise individuelle, distribuant, par exemple aux habitantes d'un quartier délaissé les manteaux de fourrure volés on ne sait où. Lors d'un de leurs larcins, Muriel a tué un courtier en bijouterie.

La bande s'est séparée, chacun a vécu sa vie. Muriel possède un magasin chic de chaussures, François, marié et père de famille, est mécanicien, René placier de jeux de bingo dans les bistrots, mais aussi escarpe de boîte de nuit et proxénète. Le fils de Muriel, qu'elle a eu d'on ne sait qui, mais peut-être d'un de ses anciens amis, est kidnappé ; une rançon importante est demandée. La bande se reforme pour réunir la somme. Ce qui n'empêche pas le gamin d'être assassiné lors de la remise de l'argent.

Le grand intérêt du film est d'effeuiller peu à peu les illusions de l'amitié passée, qu'on pourrait croire perpétuée, et même illuminée, d'une certaine façon, par les retrouvailles, alors que les chemins ont tant divergé. Et patatras, au fur et à mesure qu'ils avancent, les trois anciens se découvrent et ce qu'ils découvrent, précisément, n'est pas très joli.

C'est donc très triste et très fatigué. Mais c'est du cinéma, bien sûr et heureusement. Dans L'armée du crime, consacré au groupe de résistants Manouchian, qui est son film suivant puis dans Les neiges du Kilimandjaro, Guédiguian retrouvera la fierté et le bonheur du groupe…

Écrivant ceci, je me dis que voilà, j'ai achevé la vision complète du gros coffret de 15 films en 11 DVD entamé en janvier 2012. 20 mois pour refaire, dans l'ordre chronologique de réalisation les films d'un cinéaste parmi les plus attachants qui se puissent.


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