On peut également noter que tous les personnages ont quelque chose à se reprocher : trafic ou consommation de drogues, chantages, escroqueries, spéculations, vénalités diverses. Mais aussi qu'aucun d'eux n'est bien caractérisé, bien défini. On n'a d'ailleurs pas le temps de s'attacher à quiconque, tant les zigouillages scandent le film, tant on passe vite de l'une à l'autre victime. Et même l'Inspecteur de police Zanchin (Giuliano Raffaelli) – qui arrive toujours après la bataille, au demeurant – n'a aucune surface.
Sans appel au fantastique ou à la folie et sur la simple base de la banale soif de l'or, comment réaliser un film-souche qui est une sorte de perfection du genre ? Tout simplement en unissant une musique parfaite (de Carlo Rustichelli) à un festival baroque de prises de vues et d'atmosphères qui, pour longtemps, définiront l'imaginaire des gialli : grands jardins battus par le vent, ombres propices au tueur, demeures patriciennes somptueusement meublées, longues rues vides. Et à un travail sur les lumières et les couleurs tout à fait extraordinaire. De savants glosateurs se sont penchés sur la prévalence de ces mauves, de ces pourpres, de ces bleus d'acier qui viennent ici et là heureusement se marier avec le vert vif des feuillages et avec la présence, comme un rappel sanglant d'objets rouge vif : ici un téléphone, le cuir d'un journal intime… La maison de Haute couture Christian est installée dans un beau manoir à proximité de Rome. Elle est dirigée par une riche veuve, la comtesse Cristina Como (Eva Bartok) dont le mari est mort deux ans auparavant dans un accident. La comtesse est secondée par un directeur administratif Massimo Morlacchi (Cameron Mitchell) – qui est aussi son amant – et assistée par deux modélistes qui n'apparaissent pas très nets, Cesare Lazzarini (Luciano Pigozzi) et Marco (Massimo Righi). Autour d'eux s'agite une nuée de mannequins, plus ou moins volages et dont l'un a une liaison avec le marchese Morelli (Franco Ressel), une autre pourvoit en cocaïne l'antiquaire Franco Scalo (Dante DiPaolo) qui est son amant mais qui l'a été aussi d'Isabelle (Francesca Ungaro) qui sera la première victime du tueur et qui faisait chanter beaucoup de monde.Si on ne me suit pas dans cet entrelacs, ça n'aucune importance puisque, comme énoncé plus haut, l'intérêt du film est d'attendre les raffinements des assassinats successifs, au détriment de Nicole (Ariana Gorini), Peggy (Mary Arden), Greta (Lea Lander), Tao-Li (Claude Dantes).
Avec Isabelle, ça fait cinq. Et la sixième ? Vous ne voudriez tout de même pas que je vous le dise ?
A revoir ce film, on peut se dire que Bava est l'un des plus grands stylistes du septième art. La démesure et la flamboyance de la mise en scènes laissent pantois. Le film reste stupéfiant par sa cruauté, sa violence graphique et même son érotisme politiquement incorrects (les victimes toutes féminines sont toutes déshabillées lors des scènes de meurtre).
Malgré un scénario banal où l'identité de l'assassin masqué est vite devinée, on est ne s'ennuie pas une seconde tant le climat pervers et une beauté plastique -plus évidente que dans ses giallis ultérieurs comme La baie sanglante -maintiennent l'attention.
La musique du grand Carlo Rustichelli est une sorte de samba lancinante qui contribue grandement à la réussite de ce film.
Voici donc l'un des plus beaux poèmes macabres de Bava, dont chaque détail de mise en scène frappe. A commencer par un générique des plus symboliques où les acteurs apparaissent tous figés au côté de mannequins d'osier qui reviennent de façon récurrente dans le film.
Ce long-métrage se déroule dans l'univers de la mode; on pouvait donc craindre qu'il apparaisse démodé quarante-cinq ans après sa conception à l'image de la planète des Vampires. Il n'en est rien: voici un film inoxydable, souvent imité mais jamais égalé.
C'est sans doute le meilleur film d'un auteur culte.
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