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La radio comme on l'aimait


De Impétueux, le 9 mai 2008 à 23:32
Note du film : 4/6

Voilà que contrairement à mes attentes les plus craintives et, contredisant les malicieux sarcasmes de Droudrou, voilà que ça n'est pas mal du tout, cette Famille Duraton de Christian Stengel (1940), à un point tel que j'ai une certaine impatience (relative, mais réelle) à regarder très vite ce qui n'est pas sa suite, mais une sorte de broderie sur cette inusable émission de radio, Les Duraton d'André Berthomieu (1955).

Ayant écrit cela, je préviens charitablement les bizarres qui voudraient se faire une idée que ma note n'a absolument aucun rapport avec la qualité intrinsèque du film, toute petite divertissante production sûrement tournée à la va-vite pour profiter d'un effet de mode ; mais il y a tant d'échelles de valeurs différentes que c'est bien dans l'exclusive catégorie des nanards franchouillards qu'il faut situer la place relative de cette comédie de mœurs et que toute comparaison avec un VRAI film ne serait pas congrue : on peut aimer les paroles d'une chansonnette et en avoir le cœur tout ému, sans pour autant la mettre sur le même plan que les vers de Guillaume Apollinaire

Cette solennelle monition faite, je m'abandonne tout entier au charme d'un film sans prétention, mais solide, bon enfant et rigolo.

D'abord, l'argument (est-ce qu'on ne dit pas le pitch aujourd'hui ?) est assez bien venu : une arsouille, journaliste dans une radio privée d'avant-guerre, Sammy Walter (le grand Jules Berry, toujours aussi séduisant coquin) tombe, à la suite d'un accident de la route, tout à fait par hasard, dans l'hospitalité d'une famille Martin (comme toujours avec Noël-Noël), famille bien de chez nous, où on manie la rosserie fraternelle, le franc-parler et la grandiose certitude d'être un Français moyen. Il a l'idée de placer un micro au dessus de la table familiale et de retransmettre, à l'insu de ces braves gens, leurs conversations roboratives. C'est naturellement un triomphe, des amoureux sont réunis, le père Martin est élu Maire du bourg, etc.

Il n'est pas indifférent de s'apercevoir que le film est sorti sur les écrans le 6 mars 1940, à peine plus d'un mois avant le début de l'offensive allemande ; la glorification du bon sens bien de chez nous, du Français débrouillard et ronchon à qui on ne la fait pas, l'esprit Nous irons pendre not' linge sur la ligne Siegfried de – je cite – l'atmosphère chaude et intime de la famille française est en tel décalage avec les orages d'acier que ces braves gens vont recevoir cinq semaines plus tard que l'on songe irrésistiblement à cette anecdote (que j'ai déjà citée ici, je crois) du sinistre Lucien Rebatet visitant, après la remilitarisation de la Rhénanie, les casernes désertées par nos trop faibles troupes et réoccupées par l'Armée allemande : les stalles des étables portaient, rayés à la craie, les noms des chevaux français, remplacés par les noms de chevaux allemands ; les nôtres s'appelaient Friquette ou Hanneton ; les leurs Wotan ou Trommel. Ce jour-là, conclut Rebatet, je compris que nous allions perdre la guerre. On ne peut lui donner tort.

En nous éloignant de ces notations graves, nous pouvons tirer quelques intéressantes observations, remarquer certaines singularités un peu oubliées, quelquefois même inconnues : la coexistence de trois générations au moins, autour de la table, où le dîner est invariablement servi à 8 heures précises (ce qui est, d'ailleurs, assez tardif au regard des pratiques du temps), l'habitude des hommes faits de se retrouver au café, sans aucune femme, après le repas, pour jouer au billard, aux cartes ou parler politique, la présence, dans les stations de radiodiffusion, de vrais orchestres qui accompagnent de vraies chanteuses…et bien d'autres petites notations microscopiquement touchantes…

Les petites émissions de ces petites radios (celle où sévit Sammy Walter, Jules Berry, donc) s'appelle ici Radio-Seine, mais ce pourrait être tout autant le Poste Parisien, ces petites émissions presque improvisées sont commanditées alors (on dirait aujourd'hui sponsorisées) par des entrepreneurs tyranniques qui ne s'en laissent pas compter : ici, c'est le lit Willy, où l'on dort si bien la nuit ; dans Nous irons à Paris, de Jean Boyer, avec l'Orchestre de Ray Ventura, ce sera La gaine Lotus, la gaine qui écrase le plexus !

Vraiment, tout allait très bien, Madame la Marquise….

Et ça a donné, selon le mot d'Henri Amouroux, Quarante millions de pétainistes ! Si bien, préparés à ronchonner, si peu à se battre, pouvait-on en exiger plus ?

Et voilà comment La famille Duraton nous rappelle que l'Histoire est tragique !

Ah, mais !


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De Arca1943, le 16 mars 2008 à 20:11

« Et puisque "Bienvenue chez les ch'tis" (n'est) pas bien loin, les bêtises de Cambrai (déjà appréciées d'Astérix : les bêtises de Camaracum…) »

C'est vrai, mi ricordi, mi ricordi ! C'est dans Le Tour de Gaule. Le centurion romain à la tête de la patrouille lance : « Gaulois, ce sont vos dernières bêtises ! »


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