J'aime à croire que le curieux retour en force du documentaire – de Bowling for Columbine à La Marche de l'empereur en passant par le passionnant The Agronomist de Jonathan Demme – correspond à une soif de réalité devant un paysage audiovisuel qui a souvent pris ces dernières années une tournure artificielle, factice. Quoi qu'il en soit, Les Voleurs d'enfance marque cet automne au Québec des records d'assistance que personne n'avait prévus, sauf la productrice Denise Robert, qui s'est battue d'arrache-pied pour lui éviter une sortie de type "cinéma parallèle".

Journaliste bien connu des auditeurs de Radio-Canada, Paul Arcand frappe fort avec ce film. C'est le portrait pamphlétaire de la situation de ces enfants victimes de mauvais traitements, d'inceste, d'abus incroyables et qui se retrouvent sous la tutelle de la DPJ, la Direction de la protection de la jeunesse. Si la cible première est la maltraitance, on peut dire que cette nôtre DPJ se fait sacrément passer à la casserole. Et il était temps. La décision la plus kafkaïenne jamais prise par cet organisme? Celle d'assigner dans les mêmes Centres de jeunesse, assujettis aux mêmes conditions, les mineurs reconnus coupables d'infraction à la loi (du vol au meurtre) et ceux qui sont confiés à la DPJ à la suite de maltraitance et ne sont coupables de rien du tout. Le raisonnement qu'on nous présente pour justifier cette saloperie? C'est que, soi-disant, les coupables vont s'améliorer, se réhabiliter au contact des innocents. C'est bien sûr exactement le contraire qui se passe, mais les baby-boomers façon 68 qui contrôlent cette bureaucratie continuent d'expliquer benoîtement, main sur le coeur, qu'ils étaient animés de bonnes intentions. Ah ça, j'en doute pas ! Les laborantins qui font des expériences sur les rats aussi ! On se croirait en plein remake de «La Prédominance du crétin».

Excusez-moi si je m'échauffe, mais ce film a le don d'enrager le citoyen le plus stoïque. En tout cas, le film a atteint son but : le débat s'est déclenché partout dans les médias, les accusations et contre-accusations fusent de tous bords et on nous promet une loi pour réformer en profondeur la Loi québécoise sur la Protection de la jeunesse. Mais il n'y a pas de quoi être optimiste…