Sidney Lumet est un maître incontestable du film politico-policier. On lui doit les chefs d'œuvres du genre, comme Serpico, Un Après-midi de chien ou bien encore Network. Avec Dans l'ombre de Manhattan, on retrouve ses thèmes de prédilection : les rouages grinçants de la justice, la difficulté de rester pur dans un monde corrompu et dédié au seul dieu Argent, etc… Seulement, cette fois (à l'inverse de L'Avocat du diable, par exemple), il a réussi à développer un scénario passionnant, d'une justesse et d'une finesse impressionnantes, et qui fait la force du film. Frôlant sans cesse les clichés, le film ne tombe jamais dedans (flic pourri/politique/descentes de flics, etc). Il réussit finalement à développer une histoire policière dans laquelle il n'y a pas de méchant, juste des humains, avec leurs contradictions, leurs errances, et surtout leur fourvoiements.

Le scénario est appuyé par des comédiens formidables. Andy Garcia confirme qu'il est l'un des plus grands comédiens de sa génération, avec une gamme de jeu impressionnante. Il est entouré par d'autres comédiens moins connus, mais tout aussi performants : Ian Holm qui fait part d'un travail physique, dans les gestes, les postures, d'une technique remarquable et James Gandolfini (plus connu pour sa performance dans la série Les Soprano) qui réussit à incarner un flic touchant et vrai en peu de scènes.

Chef d'œuvre donc ? Non. Et ça fait mal au cœur de le dire, mais le point faible du film, c'est la mise en scène. Non pas la direction d'acteurs, irréprochable, mais le découpage, la narration. Elle est un peu datée, un peu molle et un peu trop… télé. Plan large en début et fin de scène, contre-champs au milieu et c'est à peu près tout. Sidney Lumet devrait prendre exemple sur Norman Jewison qui a mieux su adapter sa mise en scène aux années 90/2000…