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Dernier film tchèque de Milos Forman


De Impétueux, le 13 décembre 2021 à 19:47
Note du film : 1/6

Il a été de bon ton de porter au pinacle ce qu'on appelait alors le socialisme à visage humain. Les billevesées humanistes, continuellement contredites par la réalité, cherchaient à s'incarner dans des utopies qui permettaient aux déçus du marxisme de ne pas trop renier leurs pulsions. Croire que le collectivisme pouvait, sous certaines conditions, aboutir à une société de bienveillance et d'harmonie continue d'ailleurs à empuantir la vie politique mondiale. Mais enfin, à l'époque (1967), les déçus du stalinisme pouvaient croire que ce qu'on allait appeler le Printemps de Prague, sous la conduite d'Alexandre Dubcek était une voie médiane et harmonieuse entre l'oppression communiste et l'anarchie capitaliste.

Milos Forman a bien rapidement choisi le camp de l'Oncle Sam, comprenant tout de suite qu'un des camps était plus confortable que l'autre. Mais auparavant il avait consciencieusement entrepris de démolir la société tchèque dans ce qu'elle pouvait avoir de plus routinier, de plus bureaucratique, de plus médiocre et de plus moche.

D'ailleurs tout est moche dans Au feu les pompiers : la fête traditionnelle des soldats du feu dans une sorte de salle municipale, la parcimonie, la mesquinerie des lots proposés à la tombola, la médiocrité des musiques. Plus encore la laideur des protagonistes : toutes les candidates – plutôt forcées – au concours de Miss qui permettra à la gagnante de remettre au Président d'honneur un trophée puéril, toutes sont grassouillettes et courtaudes, ou presque. Chairs pauvres, blanchâtres, boursouflées. Images de la médiocrité.

Le film tourne autour de cette festivité rituelle organisée par l'Amicale des sapeurs-pompiers ; un bal qui sent l'aisselle odoriférante, qui montre la cellulite envahissante et le regard graveleux des responsables de l'Amicale. Tout cela arrosé de grands verres de bière, de Pilsen Urquell dont tout le monde s'abreuve. Ça ne coûte pas trop cher et il n'y en a pas de pénurie, au contraire de tout le reste. Car la société communiste, c'est évidemment une société de pénurie, où chacun essaye de se débrouiller par de petites arsouilleries ; en volant les lots de la tombola, quels qu'ils soient, par exemple : tout ce qui peut être soutiré à la société est déjà ça de pris. Rien n'est plus désespérant, de plus désespéré que cette société abrutie par vingt ans (à l'époque) de collectivisme.

Il faut reconnaître à Milos Forman le talent de filmer avec une certaine exactitude, avec ce qu'on imagine être de l'exactitude, la médiocrité, la parcimonie, la mesquinerie. Gros plans sur des chairs pauvres, sur des trognes fleuries, sur des joues couperosées, sur des cuisses grasses, sur des visages boutonneux. On sent que ça pue et que ça rote.

Cela étant, où est l'intérêt ? On peut comprendre que, enchaîné dans la médiocrité socialiste, Forman ait voulu montrer ce que les Tchèques vivaient au quotidien, précisément. Mais, malgré sa petite durée (73 minutes), Au feu les pompiers est tout de même lourd d'ennui.

Un rôt après une choucroute aqueuse.


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De verdun, le 4 septembre 2021 à 15:55
Note du film : 4/6

Milieu des années 1960. Les pompiers d'une petite localité de Tchécoslovaquie organisent leur bal. Mais peu à peu la fête tourne au fiasco: les lots de la tombola sont volés, les miss du concours de beauté refusent de défiler. Et comble du désastre, la maison d'un notable a brûlé pendant le bal…

A bien des égards Au feu les pompiers est une œuvre importante. Importante dans la carrière de Milos Forman puisqu'il s'agit de son premier film en couleurs et surtout de son dernier film en Tchécoslovaquie avant l'invasion des chars soviétiques et l'exil du cinéaste aux Etats-Unis.

Il s'agit surtout d'un témoignage de grande valeur sur la situation de la Tchécoslovaquie juste avant le printemps de Prague. Car, une fois l'œuvre remise dans son contexte, le caractère allégorique de Au feu les pompiers ne trompe personne. Ce comité de pompiers vieillissants, autoritaires, égoïstes, égrillards et incompétents représente le bureau politique du Parti Communiste Tchèque. Le film est une satyre virulente et amère du Parti mais aussi de toute la société Tchèque. Il n'hésite pas à se moquer des petites gens et montre ainsi l'importance du chapardage dans la Tchécoslovaquie de l'époque.

Au feu les pompiers est une œuvre originale (de telles allégories ne sont pas courantes dans le septième art), cinglante et constitue un témoignage précieux sur une Tchécoslovaquie en attente d'un "socialisme à visage humain".

Mais c'est aussi un film un peu languissant malgré sa durée de 70 minutes. L'argument est puissant mais un peu mince: on devine dès le début que le bal des pompiers va virer au désastre. Des péripéties et des gags supplémentaires auraient été les bienvenus. L'ensemble souffre également de son caractère théâtral mais la séquence de l'incendie et la fin permettent au film de "s'aérer" un peu. L'oeuvre n'a pas la maîtrise dont Forman fera preuve par la suite. Il faut dire que ce denier se constituera au fil du temps une filmographie prestigieuse et pauvre en échecs.

Je peux reprendre ici à l'identique ce que Vincentp écrivait sur L'as de pique, l'un des précédents films de Forman:"un film de contestation et de remise en cause d'un système oppressant, (…) réussi, mais plutôt destiné aujourd'hui à un public cinéphile ou intéressé par le fonctionnement du système économique, politique et social des pays d'Europe de l'est, d'après-guerre."


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